Cercles de silence : déjà dix ans de lutte

Organisés chaque troisième jeudi du mois, les Cercles de silence fêtaient leurs dix ans d’existence, hier à Clermont-Ferrand. Un bien triste anniversaire, alors que la situation des migrants ne cesse de se dégrader, dans le Puy-de-Dôme et dans toute la France. Pierre Saint-Amans, président de La Cimade 63, nous explique.

Illuminée par un immense sapin et par une grande roue, la place de Jaude brille aux couleurs des fêtes de fin d’année, ce jeudi 20 décembre. Mais au pied de la statue de Vercingétorix, un petit groupe n’a pas l’air touché par la magie de Noël. Et pourtant, la quarantaine de participants fête un anniversaire : depuis dix ans, ils se réunissent ici chaque troisième jeudi du mois. Ils forment une ronde, et, une demi-heure durant, restent là sans prononcer un mot. Pour expliquer le sens de cette manifestation, des militants distribuent des tracts aux passants.  « Nous exigeons un accueil digne des nouveaux arrivants », dit le prospectus. Président de la Cimade, Pierre Saint-Amans revient sur les dix ans de la version clermontoise de ces Cercles de silence.

Peux-tu rappeler ce que sont les Cercles de silence, et à quoi ils servent ?

Le but des ces cercles, c’est de dénoncer les politiques migratoires inhumaines qui sont menées en France et en Europe, et qui ont des conséquences dramatiques. La première d’entre elles, c’est qu’il y a des milliers de personnes qui meurent chaque année en essayant de rejoindre l’Europe. Ces morts ne sont pas le fait du hasard ou de la malchance, mais des politiques migratoires qui rendent les routes dangereuses.

On demande tout simplement à ce que les personnes qui arrivent soient accueillies dans des conditions dignes, sans être directement accusées d’être des profiteurs.

En dix ans, on a réussi à accrocher beaucoup de personnes. Ces cercles permettent de sensibiliser les gens qui passent sur la place de Jaude, qui ne sont pas des gens qui viendraient à des conférences ou à des manifestations traditionnelles. Ce sont juste des gens qui passent en faisant leurs courses, qui ne savent pas qu’il y a des enfants, des bébés, qui sont enfermés dans des centres de rétention avec leur famille. Le but est de réveiller les consciences et on arrive à toucher des personnes différentes, qui sont proches de nos idées ou pas du tout, et la plupart du temps qui ne connaissent pas la situation.

Le nombre de participants est très variable en fonction des mois. Quand il y a des mobilisations comme le camp du 1er mai on peut être 150, parfois en plein hiver on est seulement une quinzaine. Mais ce n’est pas grave, parce qu’on montre que c’est une action qui s’inscrit dans le temps, et qui va continuer jusqu’à ce que les politiques changent.

Quelles sont les revendications que vous portez avec les Cercles ?

La revendication la plus urgente, parce qu’il s’agit de sauver des vies humaines, c’est de mettre en place des voies de migration sécurisées, légalisées. Le but est de permettre aux personnes de se déplacer sans risquer à tout instant soit de mourir, soit d’être enlevées et de subir des choses horribles en Libye ou dans d’autres pays de transit. On demande aussi la fermeture de tous les centres de rétention et d’enfermement spécifiques aux personnes migrantes, qui sont contraires à l’égalité des droits. Et on demande tout simplement à ce que les personnes qui arrivent soient accueillies dans des conditions dignes, sans être directement accusées d’être des profiteurs.

En particulier en ce qui concerne les mineurs, dans le Puy-de-Dôme comme dans d’autres départements, la manière dont on les traite est une catastrophe. Beaucoup sont accusés d’être majeurs, donc dorment dans des squats, alors que le juge des enfants donne tort au conseil départemental la plupart du temps et les déclare mineurs. La situation nouvelle depuis quelques mois, c’est qu’il y a beaucoup de personnes qui ne sont même pas accueillies du tout. Certaines sont laissées à l’abandon dans des chambres d’hôtel, en n’ayant aucun accompagnement, alors que c’est des enfants ! C’est aussi une revendication des cercles de silence, de protéger d’abord les plus fragiles, et évidemment les enfants sont au premier rang de ceux-là.

Un message à faire passer, pour les dix ans ?

On va arriver à une nouvelle année et les gens se lancent des les bonnes résolutions, alors on en profite pour dire que toutes les associations qui aident les migrants à Clermont-Ferrand ont besoin de soutien. De personnes qui les rejoignent, qui adhèrent, qui fassent quelques heures de bénévolat… Et les cercles de silence sont une bonne manière de se mobiliser quand on a peu de temps, ça ne dure qu’une demi-heure par mois et on peut ne rester que quelques minutes pour montrer son soutien.

Pour fêter les dix ans de manière sobre mais enjouée, les militants ont partagé une soupe en écoutant quelques chansons. La direction prise par les politiques migratoires du gouvernement Macron leur laisse entrevoir encore de nombreux cercles de silence, sur la place de Jaude.

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