Conférence gesticulée : le travail sans dessous de sens

Jeudi soir, à l’espace Georges Conchon, l’association Les Amis du Temps des Cerises et les SCOP Auvergne Rhône-Alpes ont présenté une conférence sur le thème du travail et des mal êtres qu’il peut engendrer. C’est Bernard Foucher qui est venu traiter ce sujet à travers une conférence gesticulée mêlant anecdotes et réflexions sur un sujet au cœur de notre société. Pourquoi ne pas utiliser l’énorme coût du chômage pour financer l’emploi ? Pourquoi y’a-t-il de telles incohérences entre le discours politique et les moyens alloués par le gouvernement ? Bernard Foucher répond à ces questions à travers un récit de ses expériences et une conférence aux allures de one man show.

 

Seul en scène, Bernard ne parle pas que du travail. Il aborde aussi la perte de sens qu’il peut provoquer lorsque l’on fait tous les jours quelque chose qui va contre nos valeurs. La conférence gesticulée lui permet d’occuper l’espace, de mettre en scène son propos et de rendre vivant une thématique complexe et sensible. Longuement préparée avec l’aide de la SCOP l’Orage l’an dernier, la conférence a pour fil rouge l’expérience personnelle de Bernard qui accepte de nous parler de son projet plus en détail avant de commencer sa présentation.

« Pour cette conférence, je me sers de mon parcours et de mes rencontres. La perte de sens est quelque chose que j’ai vécu plusieurs fois » nous confie-t-il. « Dans les Ephad, les employés ont cinq minutes pour s’occuper d’un patient, les instituteurs n’ont pas le temps ou le pouvoir de traiter chaque élève de manière égale, les maçons ne travaillent plus sur l’ensemble d’un chantier mais fractionnent leurs services et les agriculteurs sont en grande difficulté ». Les exemples sont nombreux pour illustrer les problèmes qui touchent le manque d’investissement de l’Etat dans l’emploi. Mais de manière plus générale, Bernard nous explique que le chômage est aussi un gros problème et que le manque a gagné dû au chômage de masse est énorme. « Mon but est de remettre en question de fausses vérités et des théories économiques mal utilisées par le gouvernement ». L’intervenant nous invite d’ailleurs à découvrir comment ces réflexions prennent forme de manière originale dans une conférence gesticulée.

« 62 ans à chercher sa place dans la société ». La conférence s’ouvre sur ces mots. Bernard est caché derrière à l’extrémité de la scène et apparait tout à coup en chantant Henri Salvador « le travail c’est la santé… ». Le chant est très présent tout au long de la conférence. D’abord l’enfance et l’école. Bernard continue ensuite son autobiographie en racontant son cheminement entre quête d’un travail respectueux de ses valeurs et désillusions en série. Son parcours est un enchainement de boulots, de formations et de reprise d’études. En un peu plus de quarante années, il a travaillé dans un hôpital, comme animateur dans un village vacances, comme coordinateur dans une structure d’insertion ou dans un établissement de santé. A chaque fois, il a critiqué la « hiérarchie imbécile » qui était imposée. Aujourd’hui, avec du recul, ce dernier dénonce les nombreuses incohérences qui concernent le travail et le chômage dans notre société. « J’ai passé beaucoup de formations que l’Etat a financé et j’ai eu un tas de certificats. Maintenant on me dit de cacher ces diplômes car cela fait peur aux employeurs ». A la fois, le problème est ancien, structurel mais il se développe, s’empire même. Certains emplois se précarisent mais le nombre de chômeurs reste le même. Bernard Foucher parle de chaises musicales grandeur nature : « Aujourd’hui, le service public s’efface au profit de la concurrence. Emmanuel Macron a déclaré que le chômage de masse était dû à une trop forte protection des travailleurs mais c’est faux. Et le problème du chômage n’est pas non plus un problème d’argent ni un problème de ressources humaines ».

La conférence gesticulée prend plutôt des allures de one man show. L’ironie et l’humour sont un moyen de diffuser différemment un message souvent monopolisé par les médias, les politiques ou les « experts » sur le sujet. Bernard image d’ailleurs au maximum les chiffres qu’il présente sur scène ce qui peut être utile pour se rendre compte que le chômage coûte plusieurs milliards d’euros chaque année. Le décor est original. Une corde à linge lui sert à accrocher tous les certificats de formation qu’il a reçu. Joueur de volleyball, Bernard utilise un ballon pour faire toutes sortes de métaphores « Le volley est le seul sport communiste, on ne cherche jamais à garder la balle, on veut toujours la donner aux autres, à ses co-équipiers ou à ses adversaires ». Les anecdotes drôles ou poignantes se multiplient ainsi que les interactions avec l’auditoire avant de terminer la représentation de manière très ironique en entonnant la chanson « je ne veux pas travailler ».

Bernard invite à la fin de sa présentation à plus de réflexion et de recul sur le travail, le chômage et le sens qu’on leur donne. Lors de notre discussion avant la conférence, ce dernier nous a fait part de chiffres effrayants : « Un agriculteur se suicide tous les deux jours et une personne sur trois qui travaille dans le secteur de la santé a fait ou fera un burnout. Pas surprenant quand la loi de 2002 demande au personnel de traiter les personnes âgées avec respect et précaution mais qu’on ne met pas les moyen humains et financiers pour réaliser ces objectifs, laissant à peine cinq minutes aux aidants pour s’occuper d’une personne ».

A travers cette conférence, l’association Les Amis du Temps des Cerises affichent une fois de plus sa volonté de soumettre des sujets importants à la réflexion. Ce jeudi soir, Bernard Foucher a voulu souligner l’importance de revoir le sens du travail mais surtout de financer l’emploi plutôt que le chômage dans une optique de prévention plutôt que de gestion des conséquences invitant tout le monde à réfléchir à une organisation permettant à chacun de trouver sa place.

 

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