Culture et agriculture, symboles de la résistance palestinienne !

Alors qu’ils sillonnaient la France pour dénoncer les méfaits de l’occupation coloniale israélienne, neuf syndicalistes palestiniens ont profité de leur passage en Auvergne, le 12 avril, pour marquer les esprits clermontois. Souvenez-vous, nous avions passé une après-midi entière à leurs côtés, partis à la découverte de deux fermes puydômoises situées non loin des montagnes enneigées du Sancy. Une occasion pour Médiacoop de prendre de la hauteur en écoutant attentivement leurs témoignages aussi bien poignants qu’instructifs. Ce jour-là, la parole d’Houria et de Samir ne faisait pas exception… 

 

Houria : l’art et la culture pour soigner les maux de tout un peuple 

 

Presque la trentaine, Houria est une jeune femme brune, pleine de vie. Bien que la bonhommie de son visage exprime l’espoir et la force,  son regard sombre semble trahir une douleur profonde… Une douleur ancienne, presque invisible, qui sommeille en elle depuis sa plus tendre enfance.  

Retournant une dizaine d’années en arrière, Houria revit, le temps d’une évocation, la seconde Intifada ; un soulèvement du peuple palestinien qui a duré de 2000 à 2005.  « L’armée israélienne venait d’envahir la ville de Ramallah. A ce moment-là, le couvre-feu était en vigueur. Je n’avais que douze ans mais je me souviens très bien du jour où mon frère a été arrêté par les israéliens. Ce jour-là, tous les hommes de notre immeuble ont été emmenés, mêmes les enfants. Il ne restait plus que les femmes et les filles ».

Ce soir-là, Houria a vu pour la dernière fois son frère libre, âgé seulement de 16 ans.  Jusqu’à sa majorité, elle a pu lui rendre visite, à plusieurs reprises. Mais depuis qu’elle a atteint l’âge adulte, cette « faveur » ne lui est tout simplement plus accordée par l’armée israélienne. « J’étais la seule à rendre visite à mon frère, je n’étais pas encore majeure, je n’avais toujours pas de carte d’identité. Mes parents ne bénéficiaient pas de ce passe-droit.  Ma mère est morte sans avoir revu son son fils une seule fois. Il n’a pas pu assister à ses obsèques ». Aujourd’hui, son frère est toujours en cellule. Condamné à trente ans de prison ferme, il lui reste encore treize années à passer derrière les barreaux.

Dans un élan de sincérité, Houria l’avoue, c’est grâce à l’écriture qu’adolescente, elle est parvenue a surmonter cette épreuve dramatique. « À travers les histoires que j’écrivais, j’exprimais le chaos qui frappait mon pays ». Progressivement, cette jeune palestinienne a transformé la force des mots en actes symboliques pour défendre la cause des enfants emprisonnés dans les geôles israéliennes. Un combat que cette ancienne étudiante en sociologie mène depuis l’Université.

Une année, avec l’aide de ses camarades, Houria a organisé un festival en la mémoire de ces jeunes privés de leur liberté, tel un acte de résistance. « Il y avait du théâtre, du cirque, des marionnettes, etc. Ces différents ateliers étaient une sorte de soutien pour les familles brisées et désunies par la perte d’un enfant. Dans certains cas, le père n’est même plus là et la mère se retrouve seule avec, à sa charge, les autres enfants à élever ».

De cette première expérience, Houria en est sortie grandi. Consacrant désormais une partie de son temps aux enfants, elle est à l’origine de la création de divers ateliers destinés à libérer la parole des jeunes palestiniens. Les activités sont variées. Fière de cette initiative, elle estime que la pratique de l’écriture, de la peinture ou de la poésie est un bon moyen, pour eux, de transformer leur souffrance en créativité… Une manière astucieuse d’utiliser l’art et la culture pour soigner les maux de tout un peuple !

 

Samir : l’agriculture, un enjeu majeur de la résistance palestinienne

 

Svelte et élancé, Samir pense, quant-à lui, que le nerf de la guerre demeure bel et bien l’agriculture. D’ailleurs, lui-même, au gré du hasard, est devenu producteur de champignon. Ingénieur en informatique de formation, rien ne le prédestinait à exercer un tel métier. Surtout, il l’avoue lui-même : « Je n’y connaissais rien du tout ». Mais en Palestine, les postes d’ingénieur en informatique ne se trouvent pas sous le sabot d’un cheval.

Installé à Jericho, en Cisjordanie, il a décidé en 2013 de construire une ferme avec des amis « pour assurer le boycott des produits israéliens » lance t-il promptement. « Le problème de base que j’ai constaté, c’est qu’en Palestine, il n’existait pas de produits alternatifs aux produits israéliens. Nous étions obligés de consommer les leurs. Chez nous, boycotter leurs produits est extrêmement difficile » reconnaît t-il amèrement.

Une casquette à la gavroche en guise de couvre-chef, Samir se remémore les raisons qui l’ont poussé à produire des champignons. Il est l’un des premiers dans son pays à l’avoir fait. Durant une année entière,  il a réalisé des recherches dans ce domaine afin de perfectionner son savoir-faire. « Dès 2015, on a réussi à produire des champignons de très bonne qualité » annonce t-il fièrement. Puis, est venu le temps des marchés. Pendant trois ans, derrière un étal, il a vendu ses champignons. Samir se souvient : « À partir de là, la production israélienne de champignon se vendait beaucoup moins bien ».

Les premières inquiétudes ne se sont pas faites attendre. « Pour pouvoir produire nos champignons, tout le nécessaire était importé des Pays-Bas. Le problème, c’est que tous les ports en Palestine sont contrôlés. Alors, tout ce qui venait d’Europe arrivait avec du retard, parfois ça pouvait aller jusqu’à quatre mois de retard ». L’une des conséquences de cette manoeuvre israélienne a été le paiement des pénalités de retard. Un an plus tard, Samir a mis la clef sous la porte, ne pouvant plus assurer la production de ses champignons.

Malgré les difficultés rencontrées, il a choisi de ne pas laisser à l’abandon sa ferme. « Je me suis aperçu que ma ferme pouvait créer des emplois. Alors, on a décidé de recommencer notre activité agricole ». Courageusement, il a profité de ce nouveau départ pour embaucher une quinzaine de femmes palestiniennes qui, pour la plupart, avaient déjà travaillé dans les villes israéliennes. Pour les attirer, Samir leur a proposé un meilleur salaire. Selon ses dires, ces femmes agricultrices possèdent désormais une vie meilleure.

En guise de rappel, il insiste tout particulièrement sur les motivations de son activité agricole.  Le but principal n’est pas de contraindre les palestiniens à boycotter les produits israéliens, c’est de leur laisser la liberté de choisir.  « On oblige pas le boycott mais nous nous inscrivons dans l’étape qui anticipe le boycott » précise-t-il. En clair, la production de Samir est devenue une alternative à la production israélienne de champignons.

« En Palestine, la situation économique est très complexe » finit-il par conclure en précisant que, la majeure partie du temps, l’armée israélienne les empêche de vendre leurs produits. Bien souvent, il est impossible pour eux d’accéder  au marché de la ville voisine. Finalement, le secteur agricole apparaît, aujourd’hui, comme l’un des enjeux majeurs de la résistance palestinienne face au pouvoir israélien.

 

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