Cette semaine, en prison, nous avons lancé le débat du travail, celui qui est rémunéré, mais pas seulement, nous nous sommes penchés sur la notion de « Travail » …
« En France, nous sommes surtaxés, nous aimons tous l’argent, nous en avons tous besoin et malheureusement, parfois notre travail ne suffit pas. Tout est trop cher, et nous avons des salaires minables. Certains font du black, d’autres grapillent sur les aides sociales. Pour survivre, on se fait des cheveux blancs…Moi, ça m’énerve les gens qui abusent des aides, mais en même temps, l’aide sociale est indispensable dans notre pays, tellement on nous ruine. Ce n’est pas dur d’aller vers le travail illégal, l’argent est partout. Mais je n’ai jamais volé. Dans notre société, on apprend aux gens à se contenter de peu. Et puis, d’autres, ça les révolte de devoir survivre, plutôt que vivre, malgré le travail…En prison, tu es plein de bonnes résolutions, mais dehors, c’est un autre monde qui te rattrape, on y a des tentations. Ici, on fait des formations, et certains espèrent vraiment trouver un travail en sortant de prison, se poser, de se caler en sortant. »
« Moi je ne suis pas d’accord, je pense que le travail ne devrait pas être obligatoire. Certains ne sont pas faits pour travailler. La grève générale de 68 ça avait ouvert d’autres perspectives : l’entraide, la solidarité. Aujourd’hui, on bosse pour le grand capital, on ne fait pas ce que l’on a envie de faire, et on ne bosse même pas pour nous. On sacrifie notre vie pour l’avenir d’autres personnes qui nous enchaînent. Moi j’estime qu’on n’a qu’une seule vie… »
« Le travail c’est une occupation, c’est important, c’est un véritable passe-temps. Tu dépenses moins quand tu bosses. Ca entretient. Le problème ce n’est pas le travail, c’est l’argent. La prison te sert à ça aussi : avant je consommais inutile, ici, tu vas à l’essentiel, ton petit plaisir c’est de t’acheter une tablette de chocolat à la cantine…mon argent, ici, je le gère mieux…Mais une fois dans la société, tu es poussé à consommer tout le temps et à dépenser ton argent tous les jours… »
« Le travail ce n’est pas que rémunérateur. Faire le ménage, le jardinage, c’est du travail mais pas forcément notre métier. Et bien, tout aussi fou que ca puisse paraître, dès petit on t’apprend à travailler. On a tous entendu nos parents nous demander de bien travailler à l’école. L’école est un conditionnement, pour faire partie de la société, tu dois déjà bien y travailler. L’école c’est bien, ça cultive une personne. Mais je ne suis pas pour l’école telle qu’elle est. C’est important d’apprendre. Certaines familles ne peuvent pas instruire leurs enfants. Alors qu’il y ait un endroit ouvert à tous pour ces enfants-là c’est bien, vraiment. Mais on oublie de nous parler de certaines choses. En histoire c’est flagrant, on nous donne un point de vue…Et puis, il faut être clair, certains enfants ne sont pas faits pour apprendre. Je trouverais cela bien que dès le plus jeune âge, on les guide sur d’autres voies, vers ce qu’ils aiment. Il faut être honnête : 80 % de ce que j’ai appris à l’école ne me sert à rien.
« C’est vrai que si l’école écoutait plus les enfants, on parviendrait à sauver mieux le monde. Moi par exemple, j’étais très bon en dessin, mais nous n’en faisions qu’une heure par semaine. Moi j’avais envie qu’on me pousse à en faire toute la journée. J’aurais adoré percer dans ce domaine. Mais, aller à l’école c’est important et bien y travailler aussi. Déjà tu te fais des copains à l’école, mais je suis d’accord que l’école à la maison ça respecte davantage le rythme du gamin. »
« Je travaillais beaucoup à l’école mais je m’ennuyais. J’étais un perturbateur. J’ai vraiment aimé l’école petit puis je me suis lassé. »
« Moi je n’ai jamais travaillé à l’école, j’aimais bien, j’étais très manuel, je suis parti en apprentissage car ma famille avait besoin d’argent. »
« J’étais un bon élève. J’y allais quand même surtout pour m’amuser avec les copains, mais je travaillais bien et j’adorais l’école, sauf en maternelle…je pleurais dès que ma mère me déposait… »
« Moi j’adorais l’école, je travaillais bien, j’avais de bonnes notes, des récompenses, on m’y a inculqué l’esprit de compétition, c’est ce que je regrette. Mais j’ai fait mes premiers voyages grâce à l’école, même si on ne partait pas loin, on montait dans un car, et on changeait de quartier. J’ai passé mon BTS en détention. Ici, tu te rends compte que beaucoup ne savent pas lire ni écrire. Pour moi, c’est une base l’école ! »
« En fait, pour conclure, sur la notion de travail, on peut dire que l’occupation c’est bon pour la santé. Ici, on s’ennuie, et ça rend fou. On donnerait cher pour travailler ! Les activités proposées en détention ça t’occupe l’esprit. Ici, c’est la maison du temps…Et puis celui qui ne fait rien ne sert à rien. »
« Non je ne suis pas d’accord, si on te donne le choix entre une semaine de vacances ou une semaine de boulot, tu vas prendre le billet d’avion. Ce qui ne signifie pas que tu ne vas rien faire pendant tes vacances. Tu vas travailler évidemment, mais pas pour la société, pas pour engraisser les gens qui nous condamnent. »
« Oui, mais celui qui voyage, il n’a rien construit, il a des souvenirs, mais il n’a pas de maison, il n’a rien à offrir à ses enfants. D’ailleurs, il n’a pas d’enfants. Moi j’ai ma fille, et l’essentiel de ma vie, c’est de lui apporter quelque chose, qu’elle soit en sécurité, qu’elle ait un toit. »
« Oui, en fait, la vraie question, c’est de savoir si on préfère se construire des souvenirs ou une maison…lequel est le plus cher à nos yeux… »
