« Et les enfants, qu’en fait la préfète ? »

Comme trop souvent, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand vient de confirmer l’obligation de quitter le territoire de Arta S., malgré des enfants scolarisés à Clermont-Ferrand. Les militants et l’avocat dénoncent une politique du chiffre.

Il est 11 heures, ce mardi 28 janvier 2020. Sur les bancs du tribunal administratif de Clermont-Ferrand, un bébé babille tranquillement, dans sa tendre inconscience de la gravité du moment. Sa mère, Arta S., saura bientôt si elle peut rester en France. Elle y réside depuis 2013 ; arrêtée suite à un contrôle de police dans le tramway la semaine dernière, elle est désormais assignée à résidence, sous le coup d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF) et d’une interdiction de retour d’un an (IRTF). Mais son mari et ses cinq enfants sont ici ; ceux qui en ont l’âge suivent une scolarité sans heurts, et certains sont éligibles au droit du sol. Alors Arta S. conteste la décision : appuyée par le réseau éducation sans frontières (RESF), elle demande un réexamen de sa situation, pour pouvoir rester auprès de sa famille, et obtenir un titre de séjour lui permettant de travailler.

Chacun se lève à l’entrée du juge ; la séance commence. Maître Remedem, l’avocat, dénonce une OQTF illégale : l’opération de police dans le tramway ayant pour objectif la recherche d’armes ou d’objets pouvant servir à un attentat, les agents n’étaient pas en position légitime d’arrêter Arta S. « Dès lors que l’interpellation est irrégulière, tout ce qui s’en suit est irrégulier », souligne-t-il. Des décisions irrégulières donc, et fondées sur une appréciation partielle de la situation : l’interrogatoire subie par Arta S. n’a pas permis d’évoquer sa situation familiale, en particulier l’existence de ses enfants. « On est dans une politique du chiffre », dénonce l’avocat. « On utilise tous les moyens à disposition pour interpeller et prononcer des OQTF, sans tenir compte de la situation réelle des personnes. Mais quid des enfants, qui sont scolarisés en France ? Qu’en fait la préfète ? ».

L’audience se clôture sans réponse, la préfecture n’étant pas représentée. À l’extérieur de la salle, l’avocat se montre peu enthousiaste ; dans la période actuelle, les chances de victoire sont minces. Ses craintes sont confirmées dans la matinée du 30 janvier : « Toutes les demandes ont été rejetées, Arta S. est toujours assignée à résidence et doit pointer au commissariat de Montferrand tous les matins », nous apprend Martine, militante à RESF et à la Ligue des droits de l’homme (LDH). Elle n’a pas encore été informée d’une éventuelle expulsion. « Ce qu’il peut se passer c’est qu’un jour en allant signer, elle se fasse embarquer, ou qu’on lui donne simplement un endroit où se présenter pour être expulsée. » Roland Lebeau, militant RESF et FSU, a annoncé son intention d’intervenir auprès de la préfecture pour demander un moratoire sur les expulsions, mais la demande a peu de chances d’aboutir.

Illustration : Photo d’archives.

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