Face à une « société bloquée », Jacky Chabrol appelle à la désobéissance pour la lutte climatique

Militant auvergnat historique, ancien porte-parole d’Attac 63 et membre d’Alternatiba, Jacky Chabrol publie un nouvel ouvrage dans lequel il appelle à la désobéissance civile non-violente. Il est revenu sur cette notion au cours d’une conférence avec les Amis du temps des cerises, jeudi 19 septembre à Clermont-Ferrand.

Désobéir ! Pourquoi et comment ? En quelques mots, le titre du dernier ouvrage de Jacky Chabrol paru en avril dernier aux éditions La Galipote, recentre le débat. Et il le fait dans un contexte précis : celui de la lutte contre le réchauffement climatique. « La désobéissance n’est pas une méthode nouvelle, mais la situation est particulière », rappelle l’auteur. « Les actes de désobéissance qui ont abouti à des victoires par le passé se basaient sur une revendication précise : le droit à la grève, à l’avortement, à l’objection de conscience… Aujourd’hui, il s’agit de refondre le système tout entier ; je n’ai pas peur de le dire, il faut qu’on entre en résistance, qu’on passe à l’acte de manière volontaire et déterminée. »

Car ici, le débat ne porte pas sur les causes du dérèglement climatiques, ou sur les solutions pour l’endiguer. Les premières sont systémiques, donc les secondes sont impensables dans le système actuel. « La société est bloquée », constate Jacky Chabrol. « Les mécanismes qui lui permettent d’avancer habituellement, comme les élections, ne fonctionnent plus. » Reste donc à penser l’action en dehors de ces mécanismes – donc en dehors de la légalité. C’est cela, la désobéissance. Plus précisément, le militant appelle à la désobéissance civile non-violente, « et tous les termes sont importants ».

En premier lieu, l’acte de désobéissance est politique ; il doit se faire dans un cadre collectif, réunissant des militants avertis de l’illégalité de leurs actions et conscients des risques encourus. « On dit que cette désobéissance est civile, car elle concerne la société dans son ensemble. On ne parle pas d’intérêts particuliers ou de thèmes qui ne concerneraient qu’une catégorie de population. » Enfin, le choix de la non-violence s’impose pour des raisons tant stratégiques qu’idéologiques. « Le respect du vivant est au cœur de nos préoccupations. Nous ne nous attaquons jamais aux personnes physiques, mais à ce qu’elles représentent. On peut tuer le PDG de Total, mais on n’aura pas réglé le problème : il y en aura un autre le lendemain. »

« Être prêt à aller jusqu’au bout et à subir les conséquences, connaître le risque et décider que le jeu en vaut la chandelle, c’est ça, être déterminé. »

Jacky Chabrol

Mais la désobéissance n’est pas un vague mot d’ordre, et la mettre en œuvre ne s’improvise pas. Premier critère, pour Jacky Chabrol : la détermination. « On m’a déjà dit « moi aussi, je peux aller dans une mairie et décrocher le portrait de Macron ». J’ai répondu « Oui, tu risques 5 ans de prison et 75.000 euros d’amende. » Être prêt à aller jusqu’au bout et à subir les conséquences, connaître le risque et décider que le jeu en vaut la chandelle, c’est ça, être déterminé. » La préparation est également essentielle au succès des opérations de désobéissance ; le blocage de plusieurs tours de la Défense par près de 2.000 militants en avril dernier a nécessité deux jours de formation préalable. Enfin, le caractère massif d’une action et son soutien par l’opinion publique sont essentiels à l’obtention des revendications, ce qui nécessite un travail d’information et d’explication à destination de la population. « C’est pour ça qu’on ne se cache pas, pour porter nos actions sur la place publique. »

Mais en pratique, quelles sont les actions à mettre en place ? « Il y a plein de manières de désobéir, et il y a un rôle pour tout le monde, selon le niveau de risque accepté et les compétences de chacun. » Historiquement, nombre de batailles ont été remportées par les désobéissants : Jacky Chabrol cite pêle-mêle le droit de grève, de manifester, d’avorter ; les ZAD du Larzac et de Notre-Dame-des-Landes… Concernant la lutte climatique, en particulier contre les multinationales, le militant conseille d’agir sur les piliers qui les maintiennent debout : les actionnaires, les banques, et les clients. « Quant à la finance, il y a 10 banques « systémiques » dans le monde, c’est à dire qui entraîneraient tout le système dans leur chute si elles s’effondraient. Quatre d’entre elles sont françaises ; ça nous laisse pas mal de possibilités d’action. » Un discours encourageant pour ceux qui désespèrent de venir à bout du capitalisme climaticide.

Désobéir ! Pourquoi et comment ? éditions La Galipote, 2019, 16 €

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