Guillaume Vimont, « dans le bruit et la fureur »

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Guillaume arrive d’un pas nonchalant…Il fait chaud cet après-midi dans la capitale auvergnate, le rendez-vous est fixé au jardin Lecoq, à regarder les cygnes et s’asseoir sur les marches en pierre. Un lieu romantique qui sied à merveille au trentenaire écorché par un destin turbulent et des convictions épinglées au fil des rencontres.  Guillaume Vimont, militant écolo, élu à la mairie de Clermont-Ferrand se raconte, et revient sur les pressions vécues depuis son engagement à Nuit Debout.

 

Il faut dire que dans son existence, il n’aura eu que deux mois de répit…Alors qu’il est encore nourrisson, son père meurt dans une explosion de gaz, chez lui, sous les yeux de son épouse qui tient Guillaume, bébé, dans ses bras. Nous sommes à Lisieux, en 1982. Guillaume vient d’un milieu très pauvre, son père était ouvrier pâtissier, sa mère s’occupe de ses trois fils. Pas un rond. Le père de Guillaume avait prévenu les ouvriers venus faire les travaux : «  ça sent le gaz », on lui dit que tout va bien, il descendra dans la nuit allumer la chaufferie. «D’habitude, c’était ma mère qui descendait tout le temps allumer la chaufferie, avec moi dans les bras. Malgré tout, cette nuit-là, j’ai eu de la chance. Je suis encore vivant, 34 ans plus tard… » Guillaume, désormais orphelin de père et entouré de ses deux frères, grandira, témoin de la lutte judiciaire que sa mère mènera contre GRDF, donc contre l’Etat, pour venger la mort de son mari. Elle mettra 10 ans à gagner. 10 ans durant lesquels Guillaume comprend de moins en moins ce que l’on appelle le Sexe Fort, « très vite, j’ai appris ce qu’étaient la force et la hargne d’une femme, dans le combat de ma mère, élevant ses trois enfants, et se battant contre les pressions financières et judiciaires. Elle n’a jamais lâché… » Elle se fera aider par la femme du juge Borel. « Je n‘ai vu que des femmes fortes autour de moi, mon grand-père s’est suicidé 2  semaines après la mort de mon père, mais les femmes de la famille, elles, ont toutes tenu bon ! » De ces 10 ans de saga judiciaire, Guillaume se souvient de la misère dans laquelle sa famille et lui vivent. Restos du Cœur et recherche de logement décent. Pourtant, dans sa grande bonté, l’église catholique de Lisieux choisira 5 familles et paiera les études des enfants dans l’enseignement privé. Guillaume et ses deux grands frères seront les « privilégiés ». « J’ai vite compris que la lecture allait être un élément émancipateur. Je passais beaucoup de temps dans la bibliothèque. Quand tu ne pars pas en voyage scolaire, ça occupe ! » Très vite, Guillaume apprend la violence de classes, ça le met en colère mais pas haineux. « Je suis né dans le bruit, celui d’une explosion, et dans la fureur, celle engendrée par la misère. »

Ce sont encore les femmes qui le sauveront, celles qu’il se décide à aimer, pour un jour, une nuit ou un peu plus. Il se souvient de Salomé, qu’il rencontre alors qu’il travaille dans un 4 étoiles de Deauville. Il a 18 ans, et connaîtra l’engagement politique à ses côtés. « Elle m’a fait devenir écolo et végétarien. »

 

CLERMONT FERRAND ET L ECOLOGIE

 

C’est une autre jeune fille qu’il se décidera d’accompagner à Clermont-Ferrand, elle s’appelle Marina et le quittera quelques mois plus tard. Lui tente de décrocher son bac, peine perdue, la peine de cœur l’emporte. « Mais je suis plutôt du genre à aller de l’avant, à me dire que la vie est belle, donc je rebondis assez vite. » L’année suivante, il décroche le sésame et entre à la fac, s’y perd un peu, s’en va après avoir reluqué les jolies filles. Il tente un BTS immobilier mais au bout de 6 mois se rend compte que ce n’est pas pour lui, alors il bossera pendant 2 ans et demi en intérim. Surtout en restauration. Son engagement se durcit lors d’un procès aux prudhommes, il prend conscience de la lutte des classes et rencontre Maître Borie…

Il se retrouve au chômage, fauché malgré sa victoire face à ses employeurs. Il prend ce temps-là pour se poser des questions, les bonnes et les mauvaises. Il devient de plus en plus décroissant. Un copain lui propose de bosser pour « Exclusif » le journal des précaires du Puy-de-Dôme. Il y entre stagiaire-pigiste, il y finira encadrant-rédacteur, il pige aussi pour Zap Magazine comme critique littéraire. «  Et puis je me pète le dos lors du déménagement de mon ex, le jour de la fin de mon contrat. On me dit que j’ai une hernie discale, que j’ai des disques écrasés. On me donne une chance sur trois de me relever de l’opération. J’ai le moral dans les chaussettes. » Ce jour-là, c’est encore une rencontre avec un microkiné, au détour d’une soirée qui lui donne les armes : « Sois positif, entoure-toi que de gens bons, ton dos ira mieux… » Guillaume suit les conseils à la lettre, 6 mois plus tard, sans médecin, il est guéri, devant les têtes incrédules des plus grands spécialistes. Alors, la vie reprend, il trouve une annonce pour être correspondant à La Montagne. Il était temps : Guillaume est alors à la rue, il squatte chez des copains et parfois les entrées d’immeuble. «  En rencontrant les gens dans ce média de proximité, je me politise encore plus. Je tombe sur le livre «  Vivre mieux », Eva Joly incarne pour moi la femme du juge Borel, je la crois loin des magouilles. Dans son livre, tout y est : l’Economie Sociale et Solidaire, le revenu de base universel, l’ouverture sur les courants sexuels… »  C’est donc, tout naturellement que Guillaume se pointe au local des Verts, il y découvre Roger Girard, «  un homme très humain, très engagé, venant d’un milieu populaire. » Il lui pose une seule question : « Veux-tu participer à la campagne ? » Nous sommes en 2012…

Guillaume accepte mais estime qu’il ne peut s’investir en politique et être correspondant à La Montagne, il démissionne donc du journal. Les verts lui font confiance, il a de la gouaille, une belle gueule et peur de rien. Danielle Auroi devient députée, par un jeu de domino, une place se libère à la mairie. Guillaume, alors au chômage, accepte la place de collaborateur du groupe EELV. Au bout de 6 mois, après disputes et surmenage, Guillaume quitte le poste. Depuis quelques années, il s’est rapproché des gens de la FADA  (collectif d’artistes) et de l’Hôtel des Vil(l)es, HDV, squatt réputé de Clermont-Ferrand ! IL y vivra un peu plus d’un an. Il découvre alors le militantisme libertaire et alternatif. Ses soirées se passent au Raymond Bar, et il voyage de manif en manif.

En 2014, on le rappelle pour les municipales et afin d’être coordinateur pour la campagne des Euroopéennes pour la candidate Clarisse Heusquin..

Il sera élu en avril à la mairie de Clermont pour Clermont-Communauté. Rien ne l’empêche à continuer les luttes. Notre Dame des Landes en premier lieu…

 

NUIT DEBOUT DU 29 AVRIL

 

Et puis…

 

Et puis Nuit Debout… «  Ca faisait longtemps qu’on n’avait pas eu la réappropriation du langage politique sauf dans les milieux très alternatifs et très égocentriques. » Alors Guillaume s’y investit corps et âme.

On le prévient assez rapidement « ils ont peur de toi pour 2020… ». Rapidement, Guillaume, alors responsable de l’open-data apprend les actualités municipales au détour de twitter. «  Je sais qu’en politique on n’a que 20% d’intelligence et 80% d’instinct… » Et pour le coup, Guillaume ne s’y trompe pas. Le 25 avril, Emmanuel Macron arrive à Clermont-Ferrand, la police nationale ne laisse pas Guillaume entrer à la mairie. Il crie au scandale «  je sui un élu du peuple ». Après maintes barrages, Guillaume devra faire demi-tour « Tu vas penser que je suis parano, mais pendant une semaine, mon téléphone a eu plein de problèmes. » On apprend ensuite que certains militants sont maltraités par les services de l’ordre, alors le 29 avril, lors d’un Conseil municipal, les choses explosent. Nuit Debout vient assister à la réunion. Guillaume en profite pour prendre parti pour le mouvement citoyen et exprime tout ce qu’il a subi la semaine précédente. «  Je dis tout haut ce que tout le monde pense tout bas… » . Le maire décidera d’appeler la police afin de faire sortir les militants, des scènes d’affrontements entre policiers et militants terniront la soirée et entameront une guerre sans merci pour Guillaume. Un seul élu, Philippe-David Bohélay l’appellera pour prendre de ses nouvelles.

Les délégations de Guillaume lui sont retirés sur le champ…Il n’aura aucun soutien du groupe Ecologiste, qu’il décide de quitter. 

Depuis, Guillaume a rejoint le groupe «  Front de gauche-place au peuple » afin de pouvoir siéger encore et terminer son mandat. Il reste cependant sans étiquette. Depuis, Guillaume a relativisé, mais ressent la pression. Surtout, mercredi dernier, 9 heures du matin. «  Ouvre, on sait que tu es là ! » Il croit d’abord à une blague. Mais il se retrouve nez à nez avec un major et deux collègues en civil, avec une lettre du procureur. Il doit les suivre au commissariat. Il retrouve son passeport sur la table, alors qu’il l’avait perdu depuis trois mois. Et les hommes lui parlent de politique «  Bianchi( NDLR : maire de Clermont-Ferrand) ne peut pas te blairer », «  Tu connais Julien Coupat ? » Les blagues fusent selon Guillaume « Comme vous êtes élus, on n’est pas venus à 6heures. » Arrivés devant le commissariat, on lui dit «  vous connaissez la maison… » , « on a de belles photos de vous ». Il faut dire que Guillaume collectionne les contrôles depuis qu’on le soupçonne d’avoir collé des affiches, la veille de l’arrivée de Manuel Valls. «  Ils tentent depuis le début de me rendre responsable de ça, mais ce n’est pas moi. » On lui parle d’une convocation sur son répondeur avec une interdiction de manifester la veille de la grande manifestation contre la loi travail. « Je n‘ai jamais eu de convocation écrite…Et mon téléphone marche une fois sur deux, alors les messages sur répondeur, je ne les écoute même plus…Et j’ai déjà eu des menaces de mort, donc je ne fais plus gaffe à tout ça » Les policiers commencent à le questionner sur les autres militants, mais rien, Guillaume ne sait rien « Si tu étais mon fils, tu prendrais une claque dans la gueule » lui invective un des policiers. Guillaume sort quelques heures après, alertent tous les médias. D’aucun ne réagit.

Guillaume reste zen pourtant. La pratique du marathon l’aide à surmonter la pression. « Je ne suis pas atteint psychologiquement, mais je vois les gens détourner le regard. Le but est de mettre la pression et d’isoler. » Mais Guillaume n’en revient pas de la violence pour lutter contre ses convictions pacifistes « En fait, le plus violent, dans tout ça c’est qu’on s’y fait à cette violence, on s’y fait et on ne dit plus rien, en gros on est dans la concrétisation de running man ou 1984 et on accepte »

Mais la dernière pensée de Guillaume s’envole encore vers une femme, comme à chaque fois, mais cette fois, il ne connaît pas son prénom, il sait juste qu’elle s’est suicidée quelque part en France, après un contrôle, celui de trop, de la CAF. Elle n’avait pas 30 ans et avait trois enfants.

Une femme qui ressemble étrangement à sa mère, dans les années 80. Aujourd’hui, elle attend un logement social dans un bungalow normand…

«  Pour toutes ces femmes, ces hommes, et ces 99%, je  continuerai à me camer à toutes les luttes… » 

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1 réflexion sur “Guillaume Vimont, « dans le bruit et la fureur »”

  1. auvergne nouveau monde qui disaient… faut être solide en auvergne face a des nouveaux nationaux socialistes qui massacrent les gens et le pays… mais on sait qui ils sont…

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