» La violence c’est l’Etat, nous, c’est de l’ auto-défense… »

theo.jpg

Un soleil de plomb, en ce vendredi après-midi. Théo, assis sur un banc au square de la gare de Clermont-Ferrand, un verre d’eau à la main, regarde passer le temps, doucement, et le ventre creusé…Il a entamé une grève de la faim, depuis 10 jours, pour dénoncer son contrôle judiciaire. Portrait d’un jeune résistant contemporain. 

23 ans, et presque dix ans de militantisme derrière lui . D’abord, en classe de 5ème, les grèves contre le CPE. Il découvre les manifs, les réunions, et les syndicats. Il plongera dans les bouquins et se dotera d’une culture politique révolutionnaire. Il adhère à la CARA ( Cellule Antifasciste et Révolutionnaire d’Auvergne) et à la CGT. 

Le 23 juin, alors qu’il rentre de la manifestation contre la loi travail, il prend le tram pour rejoindre un collectif devant le commissariat central. Deux manifestants ont été amenés en garde à vue. Il veut aller les soutenir. Au lieu de cela, des policiers l’interpellent lui aussi, et lui demandent de le suivre pour une audition, qui se transformera en garde à vue. D’abord 24 heures, puis 48 heures. Il n’a rien à déclarer. On l’accuse de dégradations à la peinture du Conseil départemental, puis de dégradations matérielles (peinture et affichage) la veille de l’arrivée de Manuel Valls à Clermont-Ferrand. Enfin, il est accusé de dégradations au siège du sénateur Alain Néri. Il se marre car il a de bons alibis. Mais ne dira rien devant la police. On le défère avec les deux autres manifestants, devant le juge des libertés et de la détention. On lui notifie un contrôle judiciaire lui interdisant tout le centre-ville et une obligation de se présenter toutes les semaines au commissariat central, en attendant son procès le 13  décembre. Les deux autres accusés sont poursuivis pour violence sur agent, dégradation et  refus d’identifiaction. 

Théo n’est pas nerveux, peut-être un peu fatigué, ni en colère ni résigné, serein. «  Je travaille en interim, je suis clermontois, j’ai besoin de me rendre en ville pour travailler, pour mes missions, ma banque ou je suis habilité à retirer est place de jaude, je dois me rendre au pont accueil jeune dans le centre pour mon permis, et bien évidemment Pole emploi est sur la zone dans laquelle je n’ai pas le droit d’être… » Impossible  de contourner le contrôle judiciare, les policiers connaissent la tête de Théo. «  J’étais contrôlé au moins une fois par semaine… » 

Pour théo,  » aujourd’hui, c’est plus qu’un contrôle judiciaire, c’est une interdication à manifester claire et nette, et une assignation à résidence…tous mes droits de citoyens me sont retirés, par exemple, je ne peux plus assister à un conseil municipal, avec ce contrôle judicaire.. »

 

Théo n’en est pas à ses premières démélées avec la police, dès le 7 juin, il n’avait plus le droit d’aller place de jaude car on lui reprochait des violences sur les policiers ou sur le responsable du cabinet du maire. Il avait déjà pris 6 mois avec sursis. 

 » Tout ceci c’est pour nuire au mouvement social, et nous faire baisser la tête, mais ça me motive encore plus, j’ai envie d’accentuer mes attaques sur le capitalisme, car ça prouve que notre angle d’attaque est juste, que l’on fait peur. » 

Interdit de manifester, Théo décide d’entrer en grève de la faim voilà 10 jours «  je participe ainsi au mouvement quand même. Je suis solidaire. Si on m’empêche certains champs d’actions, je les contourne et en trouve d’autres… » 

Sa lutte pourtant n’a pas été médiatisée.  » on les a tous contactés, on a juste eu droit à une brève de 4 lignes sur La Montagne. En même temps, c’est cohérent avec leur article  qui accusait le mouvement Nuit Debout ( NDLR:auquel Théo appartient) d’avoir saccagé le conseil départemental. On le sait que tous ces médias ont une connivence exagrée avec le pouvoir, la mairie et les grandes entreprises. bref, on assiste encore une fois à la censure de l’information concernant ma grève de la faim…On me condamne d’ailleurs à la faire dans ce square, puisque je n ‘ai pas le droit d’aller ailleurs… » Théo estime que la presse mainstream est calomnieuse à l’égard du mouvement social, tout comme  » pour Air France ou l’hôpital Necker « .

«  La vraie violence se résume ailleurs: un mort par jour dans le bâtiment en France, les cirmes policiers ou les morts de l’amiante, tous des morts dûs au capitalisme…La violence c’est l’Etat, le patronant, la police, nous c’est de l’auto-defense… » 

A ceux qui aimeraient raisonner Théo face à une bataillequi leur semblerait impossible à gagner contre le pouvoir en place, il répond que le combat n’est pas perdu d’avance car  » il faut compter sur l’unité de la classe ouvrière, l’unité dans la lutte des classes, et le développement des attaques contre le capitalisme.  Regarde, chaque pierre, chaque objet est bâti, construit, façonné pat des mains du peuple, les capitalistes ont juste bénéficié d’une plus-value de nos objets. Les capitalistes c’est la classe parasite. Nous, nous n’avons pas besoin d’eux, on sait produire seuls nos propres richesses. » 

Théo connaît par coeur la stratégie révolutionnaire: l’union des masses contre les exploiteurs, faire front pour servir le peuple et rendre coup pour coup… «  c’est un processus long mais libérateur…il faut renverser la bourgeoisie. » 

Théo pourtant, le sait et accepte volontiers son sort:  » si je dois être en prison, ça ne me fait pas peur, c’est logique puisque la société veut baillônner les résistants de tous poils…et je sais que cela va conditionner mon avenir, mais je préfère vivre debout qu’à genoux… » 

Théo reprend une gorgée, le soleil commence à s’enliser dans les immeubles près de la gare, les voyageurs se pressent, et les voitures se garent en double file. Théo n’a pas peur, il est fier de son combat. A la question, «  te considères-tu comme un prisonnier politique? » , il relève la tête, et ne réfléchit pas longtemps «  oui, complètement, et d’ailleurs cette  grève de la faim est un message de solidarité à tous les inculpés des mouvements sociaux, à tous les prisonniers politiques notamment George Ibrahim Abdallah*, aux militants corses  et basques et à tous les révolutionnaires emprisonnés par l’Etat Français… » 

 

*George Ibrahim Abdallah est membre du Front Populaire pour la Libération de la Palestine. Il sera condamné à la perpétuité le 28 février 1987 . IL a adhéré  a la plateforme du 19 juin 1999 qui a réuni une centaine de prisonniers se revendiquant  » révolutionnaires, communistes, anarchistes, antifascistes et anti-impérialistes » parmi lesquels Jean-Marc Rouillan ou Pierre Carrette.

 

 

Nos actionnaires, c'est vous.

Aidez-nous à rester gratuit, indépendant et sans pub :

0 réflexion sur “ » La violence c’est l’Etat, nous, c’est de l’ auto-défense… »”

  1. Oui puis bon c’est pas comme Oui puis bon c’est pas comme si Théo était le couteau le plus aiguisé du tiroir. Ceux qui le connaissent depuis un peu de temps se remémoreront son passage chez les fachos… en attendant de voir s’il arrive vraiment à se faire passer pour un martyr politique.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

nos derniers articles
Cet article vous a plu ?

Soutenez le Cactus !

Le journalisme a un coût, et le Cactus dépend de vous pour sa survie. Il suffit d’un clic pour soutenir la presse indépendante de votre région. Tous les dons sont déductibles de vos impôts à hauteur de 66% : un don de 50€ ne vous coûte ainsi que 17€.