Le Bastion Social, Comment en est-on arrivé là?

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Avec l’ouverture d’un local du Bastion Social dans le centre historique de Clermont-Ferrand, l’équipe de Mediacoop a décidé de plancher sur l’histoire de l’extrême-droite en France, afin de mieux comprendre comment appréhender l’arrivée des nationalistes révolutionnaires dans nos quartiers.

Tout a commencé il y a un siècle. 

Pour y comprendre quelque chose, il faut revenir aux années 20. C’est même en 1918/1919 qu’apparaissent les premiers fascistes. Juste après-guerre, des anti-capitalistes nationalistes prônent le besoin d’autonomie face à l’Etat.  En effet, pour certains, la France, durant la guerre, avec l’Union Sacrée* ( rassemblement de tous les français quelles que soient leurs appartenances religieuses ou politiques) a trahi le peuple. C’est de là que nait e nationalisme révolutionnaire dans notre pays. En parallèle, en Allemagne, les deux frères Strasser, dès les années 20 propagent le nazisme social, dans lequel l’appartenance raciale est secondaire. D’ailleurs, considérés pas assez radicaux par Hitler, l’un mourra en camp de concentration quand l’autre parviendra à s’échapper. En Italie, à la même période, Mussolini crée le fascisme. Il faut dire que la première Guerre Mondiale a laissé des stigmates dans les pays européens, et la question identitaire naît à ce moment-là mais s’allie à l’anti-capitalisme, l’anti-marxisme, et se confronte avec une vision  » sociale » pour défendre le peuple.

Ces nationalistes révolutionnaires usent donc de violence et de rejet contre l’Etat, tout en se mettant du côté du petit patronat ou de l’ouvrier.

Mais cette première période s’achèvera avec la chute de mussolini et Hitler, l’arrivée du Front Populaire en France, et la reconstruction après la seconde guerre Mondiale.

Retour de l’extrême-droite dans les années 60

Dans les années 60, le fascisme fait de nouveau son apparition, en confrontation avec la révolution de 68, notamment grâce à un texte fondateur écrit par l’historien Dominique Venner*. Ses écrits viennent bousculer la vieille extrême-droite (pétainistes, OAS…) qui selon lui, ne comprend plus le nouveau monde et estime qu’il faut désormais gagner la guerre culturelle. Ainsi, il s’appuie sur des thèses de Gramsci, un italien d’extrême-gauche emprisonné jusqu’à sa mort par Mussolini. Pour lui, il faut sortir du jeu politique, et créer de nouvelles actions. En effet, selon la thèse de Gramsci, s’impliquer culturellement est une occasion de créer socialement et inverser la vision de la société. Le GUD sera alors créé : ce groupuscule étudiant de nationalistes révolutionnaires diffèrent des anciennes générations, en ce sens où il estime que tous les européens blancs viennent de la même civilisation. Le nationalisme n’est donc plus déterminé par la frontière d’un pays mais bien d’un continent. Un continent qui doit lutter contre l’invasion africaine, l’impérialisme américain, mais aussi contre les juifs et toutes les religions.  Les intellectuels d’extrême-droite créeront eux le Groupement d’Etudes pour Civilisations Européennes, en rupture toujours avec les nationaux conservateurs. Le bastion social naît directement de ce courant dans lequel on allie violence, « socialisme » et changement culturel. ( Le bastion social par exemple dit prôner la culture locale)

Le FN, agglomération des extrêmes droites ou lieu des pires guerres intestines. 

Mais bien avant la naissance du Bastion Social, l’extrême-droite connaîtra de grosses difficultés. En effet, trop de courants différents sont compliqués à réunir. Seul le Front National parviendra, grâce au leadership de JM Le Pen, en 1972, à tenter de réunir tout le monde. Mais le FN est un courant loin d’être révolutionnaire puisqu’il s’inscrit dans le jeu électoral, ce que rejette les nationalistes révolutionnaires . Le FN représente uniquement les «Nationaux »  avec ce slogan  « La France aux Français » . On distingue donc deux courants de l’extrême-droite dès les années 70, les nationalistes révolutionnaires qui rejettent entièrement le système ( politique, social…) et qui usent de la violence d’un côté et les nationaux regroupés au Front National. Pendant 10 ans, des conflits vont dégrader les relations entre ces deux courants. En 78, François Duprat, nationaliste révolutionnaire sera victime d’un attentat jamais élucidé. Certains prétendent qu’il s’agirait d’une vengeance de certains dirigeants du Front National.

Mais, comme le FN devient de plus en plus puissant, il écrase les groupuscules identitaires. C’est pourquoi jusque dans les années 90 on entend peu parler des nationalistes révolutionnaires. Et l’arrivée de la gauche en 1981 les réunit autour d’un ennemi commun, même si l’action Française Nouvelle appellera à voter F.Mitterrand !

Les années 90, virage à droite

Dans les années 90, le GUD se dissout, ce qui crée la naissance de plusieurs groupuscules dont Unité Radicale en 1998. Mais surtout, la scission entre Lepen et Mégret jouera un tournant important, opposant théoriciens  et politiciens. Les nationalistes reviennent en force, jusqu’en 2002, année durant laquelle l’un des leurs tentera d’assassiner Jacques Chirac. Ce simili attentat permettra aux services de police de démanteler leurs réseaux.

Mais en 2010, le GUD se reconstitue. La montée du chômage, la grogne populaire, mais aussi les migrants et une extrême gauche de mieux en mieux organisée permet le recrutement de plus en plus de militants d’extrême-droite. Des actions directes dans des locaux d’étudiants, ou d’homosexuels sont organisées.

2014,  » l’autonomie » passe par l’ouverture de lieux

C’est véritablement en 2014, lors du congrès européen du GUD que l’on théorise et que l’on estime qu’il ne suffit pas d’aller « à la baston » mais qu’il faut créer « ses bastions ». Il faut travailler sur l’autonomie en ouvrant des lieux autonomes. C’est ainsi que naîtront les Bastions Sociaux.

Aujourd’hui les Bastions sont implantés à Lyon, Marseille, Chambéry, Strasbourg et Clermont-Ferrand ; A Lyon, certains leaders sont implantés depuis longtemps et la ville est réputée depuis longtemps être un repère d’identitaires, à Chambéry, une poignée de militants ont créé, il y a quelques années,  Edelweiss, un réseau clairement fasciste. A Marseille, la proximité avec l’Italie (haut-lieu de référence en matière de fascisme) et l’arrivée des migrants par bateau explique l’implantation de bastion. A Strasbourg, le régionalisme fort et le fascisme historique nous expliquent les raisons de l’émergence du bastion sur leur territoire.

Pourquoi Clermont-ferrand ?

D’après nos recherches, seule une douzaine d’identitaires vivent dans la capitale auvergnate. Ils viennent du GUD ou de l’Action Française. Mais quelques autres personnalités persécutées sur le territoire nantais notamment ont trouvé refuge en Auvergne. De plus, Clermont-Ferrand est un symbole, une ville de gauche depuis l’après-guerre, avec un ancrage historique représenté par Vercingétorix. Les militants clermontois sont plutôt jeunes, précaires pour le plus grand nombre. Et ce ne sont pas eux qui financent le Bastion, mais selon nos sources, certains membres du Front National (et non le FN en tant que Parti !)

Que faire contre l’implantation du Bastion Social ?

Même si le local n’ouvrait pas, les militants nationalistes sont réellement présents sur le territoire. Pour les plus intelligents d’entre eux, ils finiront, comme d’autres, par se lasser de la lutte violente qu’ils mènent, certains auront même peut-être une carrière Politique comme Alain Robert, fondateur du GUD et conseiller pour l’UMP, ou Longuet devenu Ministre. « Les gros bras »quant à eux quitteront le militantisme quand ils trouveront une sérénité familiale ou professionnelle.

En attendant, des militants syndicalistes, politiques, citoyens, des voisins ont appelé à une manifestation ce jeudi 12 juillet pour empêcher l’ouverture de ce local et avertir la population de l’implantation de ce groupuscule d’extrême-droite.

En attendant, le Bastion social est-il vraiment dangereux ?

Incontestablement….oui ! Les militants se rejoignent dans des centres d’entraînement pour apprendre à se battre. Ils sont d’ailleurs obligés de s’entraîner car comme dans tout groupe d’extrême droite, ils sont régis par des règles très strictes et une hiérarchie très respectée. L’ouverture du Bastion Social est d’autant plus dangereux qu’il permettra le recrutement de nouveaux militants. De plus, ils commencent à être très structurés, comme on a pu le voir à leurs universités d’Eté, qui se sont déroulés le week-end dernier à Avallon (89). Dix ateliers dont un sur le graphisme ou encore l’esthétique. En effet, le recours aux symboles fascistes et leur application dans le domaine de la communication est assez talentueux.

Surtout, l’extrême-droite cherche à s’allier avec l’extrême gauche car considère avoir des ennemis communs : le capitalisme, le système. Ainsi, on a pu retrouver sur les facebook de certains militants du Bastion social des références de « l’insurrection qui vient », livre écrit par le Comité Invisible, considéré comme un groupuscule d’ultra-gauche. Le retour des Rouges-bruns ( mélange d’déologie communiste et d’extrême-droite) est donc une grande possibilité. Certains militants d’extrême gauche pourraient se laisser abuser et défendre des idées d’extrême droite comme cela a déjà prééxisté dans les années 90.

Malgré tout, les militants du Bastion Social ne sont pas aussi dangereux que les militants de l’Ultra-droite. D’abord parce qu’ils sont loin d’être clandestins et s’affichent aisément sur les réseaux sociaux. Ensuite, parce qu’ils ne sont pas organisés au point de commettre des attentats comme ceux de l’OAS, par exemple. Le Bastion Social aura tendance à se battre dans la rue. En plus de l’étranger ou l’homosexuel, L’une de leur autre cible reste le militant antifasciste. Pour le Bastion social, il n‘y a pas pire traitre que l’antifa qui «favorise l’invasion» en prônant des valeurs égalitaires, bien souvent communistes, et d’ouverture sur les autres cultures.

*https://fr.wikipedia.org/wiki/Union_sacrée_(mouvement)

*Dominique Venner a fini par se suicider en se tirant une balle dans la bouche, dans la cathédrale de Notre Dame de Paris, en 2013. Dans le courrier qu’il a laissé il a écrit «  Je me sacrifie pour mettre fin à la léthargie de mon pays« .

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