Le personnel de l’Ephad Korian à Clermont-Ferrand est en grève pour dire « Stop à la souffrance au travail”

À bout, le personnel de l’Ephad Korian (privé), situé dans le quartier de l’Oradou, à Clermont-Ferrand,  a décidé de tirer la sonnette d’alarme en faisant grève pour dire « Stop à la souffrance au travail ». 

Depuis mercredi 19 juin, une trentaine de salariés de l’Ephad Korian se sont mis en grève suite à l’appel lancé par la CFDT Santé Sociaux 63/43, rapidement rejointe par l’USD CGT Santé et Action Sociale 63. Souhaitant défendre une meilleure prise en charge des résidents, les grévistes dénoncent également des conditions de travail de plus en plus inacceptables. Tant qu’aucune réponse concrète ne sera apportée par la direction de l’établissement, les salariés poursuivront leur action en manifestant sur le parvis de cet Ehpad aux allures modernes. Une manière de sensibiliser l’opinion et de faire entendre leurs revendications.

« On a 10 minutes pour faire la toilette d’un seul résident ; 10 minutes pour le faire manger ; et 5 minutes pour le coucher »

« Personnel épuisé ; résidents en danger ».  En quelques mots, ce slogan, scandé par le personnel en grève, résume le quotidien d’une soixantaine de salariés qui, chaque jour, ont à leur charge 96 « êtres humains ». Pourtant, c’est bien la « déshumanisation » de leur emploi qui les a poussés à réagir pour dénoncer la dégradation de leurs conditions de travail :  «  On est des êtres humains qui s’occupent d’autres êtres humains. Le travail à la chaîne, ça suffit… On n’est pas chez Michelin ! ». Visiblement à cran, bon nombre d’entre elles pointent du doigt l’industrialisation progressive de leurs missions car, chaque jour, les mêmes gestes se répètent et doivent être exécutés en un temps record : « On a 10 minutes pour faire la toilette d’un seul résident ; 10 minutes pour le faire manger ; et 5 minutes pour le coucher ». C’est pourquoi les grévistes, des femmes en majorité, n’hésitent pas à parler de  « maltraitance institutionnelle ».

« C’est vrai que ça change beaucoup, on ne voit jamais les mêmes têtes »

Rassemblées sur le parvis de l’Ephad Korian où flottent les drapeaux de la CFDT et de la CGT, la plupart des salariées présentes évoquent également l’épuisement psychologique face auquel le personnel se retrouve fréquemment confronté :  « Le matin, on vient bosser avec la boule au ventre car la pression est très complexe à gérer pour les aides-soignantes ». Aussi, sur les murs de l’établissement, une dizaine de feuilles sont affichées traduisant le mal-être de ces femmes vêtues d’un gilet rouge ou orange, selon le syndicat auquel elles appartiennent : « Soignants : Non à l’exploitation ! » « Non au burn out » ; etc.  Dans de telles conditions, les arrêts de travail s’accumulent et les effectifs diminuent drastiquement. Pas toujours formés, les remplaçants se succèdent car beaucoup d’entre eux, découragés, ne parviennent pas à supporter la pression du quotidien. « C’est le turn-over permanent. La direction affirme qu’elle ne trouve pas de salariés mais en même temps, dans ces conditions là, personnel ne veut rester ici. Les employés en subissent les conséquences mais les résidents aussi ». D’ailleurs, une dame venue voir son mari l’avoue à demi-mot : « C’est vrai que ça change beaucoup, on ne voit jamais les mêmes têtes ».

« Assurer la prise en charge des résidents accueillis dans le respect et la dignité »

Lancé par la CFDT Santé Sociaux 63/43, le mouvement ne réclame pas une hausse salariale. Par contre, l’ensemble des femmes mobilisées exigent des moyens à la fois humains et matériels pour « assurer la prise en charge des résidents accueillis dans le respect et la dignité ». Pour beaucoup, les tarifs réclamés aux résidents ou à leur famille ne sont pas justifiés au regard de la qualité des services fournis. « Ce doit être l’Ephad le plus cher de Clermont-Ferrand. Les tarifs vont jusqu’à 3 500 euros par mois. C’est disproportionné ! Même moi, si j’avais les moyens, je ne mettrais pas mes parents dans cet établissement vu comment les résidents sont considérés… ». C’est la raison pour laquelle de nombreuses familles ont décidé de changer d’Ephad d’après les salariées, conscientes des dysfonctionnements, principalement liés au sous-effectif.

« Il manque du personnel. Actuellement, il y a une aide-soignante pour 24 résidents »

Tout simplement, les salariées revendiquent le droit de travailler dans des conditions saines pour assurer leurs missions de manière correcte. Pour cela, l’une des principales réclamations des grévistes est l’augmentation des effectifs. « Il manque du personnel. Actuellement, il y a une aide-soignante pour 24 résidents ; ce n’est pas suffisant. Lorsque l’on doit les faire manger, une seule personne doit s’occuper de 15 résidents. On est considéré comme des esclaves. Si jamais la nuit il y a un problème, les filles ne sont que deux alors qu’il a 96 résidents à prendre en charge. C’est inadmissible de travailler dans ces conditions-là ».  Et parfois, le manque de personnel peut conduire à « une prise en charge de plus en plus déplorable » selon le témoignage de certaines aides-soignantes. « C’est déjà arrivé que la toilette des résidents soit faîte par des animateurs ou des secrétaires. Normalement, c’est interdit car ces personnes ne sont pas formées pour faire cela et ne connaissent pas les gestes à réaliser ».

Entamées mercredi 19 juin, les négociations avec le service des Ressources Humaines et la direction se poursuivent. Au moment où ces lignes ont été rédigées, aucune réponse concrète n’a encore été apportée. C’est pourquoi le mouvement est amené à se prolonger afin que le personnel de l’Ephad Korian obtienne enfin des solutions efficaces et durables pour assurer convenablement leurs missions quotidiennes.

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1 réflexion sur “Le personnel de l’Ephad Korian à Clermont-Ferrand est en grève pour dire « Stop à la souffrance au travail””

  1. Bonjour Médiacoop, bonjour Eloïse,
    Ah, bien, vous voulez, parler des Ehpad privés ! Alors allons-y !
    D’abord, petit préambule : Les personnels de ces établissements n’ont pas une VRAIE convention collective, parce qu’un syndicat de merde (en orange aujourd’hui) a signé un jour une vilaine annexe à la convention collective du 18 Avril 2002 des cliniques privées. Pour faire court, la valeur du point était inférieure, la plupart des avantages étaient supprimés, ainsi que tous les acquis obtenus au fil des années par les salaries des cliniques privées ! C’était bien bon pour les « esclaves » des Ehpad !
    Cette annexe a été « relookée » et baptisée « Convention Synerpa », du nom du fameux syndicat employeur qui regroupe tous les groupes privés, qui pour la plupart sont des multinationales du vieux !
    En plus de Korian, on y trouve Orpéa, Le Noble Age, Domus Vie, Générale de Santé, Kapio, Vitalia, Résidalya …
    Ensuite, ces personnels n’ont pas de couverture complémentaire valable ! C-a-dire que quand une salariée est en arrêt maladie ou en accident du travail, déjà elle a 3 jours de carence, c-a_d NON PAYES ! Et en règle générale, les boîtes font traîner l’envoi des liasses de déclaration à la sécu, et disent aux salariées en arrêt qu’il faut attendre que la complémentaire (choisie par l’employeur !) les remboursent avant de leur verser l’argent. Il n’est pas rares de trouver des personnels en arrêt avec ZERO Euros sur leurs feuilles de paie !
    L’année dernière dans un Ehpad d’un autre groupe, nous avons vu des femmes obligées de vendre leurs meubles et leurs fringues sur le bon coin pour pouvoir nourrir leurs gamins !
    Mais à côté de ça, le syndicat patronal fait des « grands raouts » tous les ans et là l’argent coule à flot !
    https://www.youtube.com/watch?v=LT8SyyxzMG0&list=PLemU1ltZSr_0JMARVTGlamGOak0sLiF8J
    Le summum était le taser du 18 ème congrès :
    https://www.youtube.com/watch?v=NF2w_ic13_o
    Il faut dire que les cotisations à ce syndicat patronal s’établissent en versant tant par lit de chaque établissement (pris bien sûr sur le budget de l’établissement !) source : http://www.synerpa.fr/adherer-8.html
    Côté syndical, certains groupes, ont été jusqu’à créer un syndicat maison, comme chez Peugeot avec la CFT dans les années 70 ! ex : le « syndicat » Arc en Ciel chez Orpéa ….
    Pour revenir aux conditions de travail des personnels dans les Ehpad, ce n’est pas d’aujourd’hui que ça cloche !
    En Octobre 2006, un collectif de 4 personnes dont le Pr Jacques Soubeyrand (à l’époque chef de service de médecine interne et gériatrie de l’hôpital Ste Marguerite de Marseille) a publié « On tue bien les vieux » Ed. Fayard
    Depuis, on nous a juste piqué le Lundi de Pentecôte comme soit disant journée de solidarité, mais les choses n’ont fait qu’empirer pour les personnels et les résidents ! Mais pas pour les actionnaires des groupes !
    Tenez, si on prend KORIAN : https://www.boursorama.com/bourse/actualites/korian-s-envole-de-3-5-apres-les-resultats-2018-f9292ec555377aa950bd20d6fbb264ef
    Croissance de 6,4 % du chiffre d’affaire en 2018, le résultat opérationnel courant (EBIT) s’élève à 314 ME, soit 9,4% du chiffre d’affaires (contre 9,0% en 2017). Le Résultat net retraité atteint 123 ME, soit une hausse de 28,1%.
    Malgré tout ce fric gagné, ça va plutôt mal dans la multinationale , et pas qu’à Clermont !
    Une grève reconductible est prévue à Korian Agora (Vauvenargues) à partir du 25 Juin .
    Grève à Korian St-Charles à Sceaux (92)…..
    A noter que les élections professionnelles auront lieu dans l’entreprise Korian les, 13 NOv. et 10 Déc. 2019 .
    Mais comment je sais tout ça ?
    Ben tout simplement en lisant un site « de lutte » mis en place par des grévistes de Korian il y a plusieurs années, et qui est une mine de renseignement ! C’est le blog « le fruit des amandiers » :
    http://www.le-fruit-des-amandiers.com/
    Ce sera tout pour aujourd’hui……je recopie ce, texte et l’envoie aussi par mail pour plus de sûreté …
    Très bonne continuation dans vos investigations.
    Jacques Adam, syndicaliste CGT Santé Action Sociale à la retraite .

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