Le Ravi, journal engagé et en danger

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A Mediacoop, évidemment, on n’aime pas trop le copinage, sauf celui avec les naufragés du même bateau: celui qui prend l’eau, ceux qui rament pour arriver à bon port, et qui luttent contre la houle politique, et pour une tempête de pluralisme de l’information, ou pour hisser l(e) voile sur l’ indépendance des médias. Bref, à Mediacoop, on n’est pas mécontents de savoir qu’on est plusieurs matelots à croire encore à la traversée impossible, contre vents et marées. 

On ne va pas vous mentir, on les connaît bien les matelos du Ravi. Ils ont été dans les premiers à se rendre aux rencontres des médias Libres, qu’on organisait dès 2014, à Meymac ( 19). La bande marseillaise à la barre d’un journal satirique, redoutée par les politiques, n’est pas loin de couler. La faute à un constat actuel sur les médias indépendants qui naviguent en eaux troubles depuis plusieurs années. Sébastien Boistel, journaliste dans le canard phocéen «  qui gagne 1080 euros nets par mois« , président de Medias citoyen PACA, et très ( trop?) actif dans la Coordination Permanente des medias Libres, nous raconte comment le Ravi, ce mensuel en pleine crise d’ado ( il fêtera ses 15 ans en 2018)  n’est pas loin de baisser les bras! 

 

 

«  J’ai bien essayé de faire passer les fromages achetés à Meymac sur mes notes de frais, mais même ça ça ne ferait pas de moi un journaliste riche. » Sébstien est comme ça, toujours accompagné d’une petite phrase. «  Il faut le dire, on a souvent été dans la merde, mais cette fois, plus que les autres fois, je crois. On a essuyé un redressement judiciaire en 2014. On fait des appels à dons régulièrement. mais là, il ne s’agit pas juste d’un problème de trésorerie, mais de financement profond. En gros, on ne sait pas si on aura assez d’argent pour recevoir nos salaires en mars. aussi maigres soient-ils. » Pour cet ancien journaliste de l’Huma,  plusieurs facteurs ont amené Le Ravi à cette situation.  » On a eu une chute des abonnements de notre journal, attention, on n’a jamais atteint la bulle spéculative, mais on a eu jusqu’à 1500 abonnés, et là on est en-dessous des mille. On a dû faire face à la réforme du kiosque, en passant par des prestataires, on a perdu de l’argent au début, et maintenant, on n’en perd pas, mais on n’en gagne pas! On arrive à vendre 500 à 600 exemplaires par mois, ce n’est pas suffisant. Et puis dernier facteur, la suppression de 100% de nos subventions octroyées habituellement par la région pour nos ateliers de journalisme participatif dans les quartiers marseillais. Même Guérini ne nous avait pas fait ce coup. Mais bon, là avec la bande à Muselier et Estrosi, on se doutait qu’on n’allait pas s’en foutre plein les fouilles. Mais de là à voir la subvention disparaître… » le Ravi reçoit encore quelques financement publics comme le Fonds de Soutien aux Médias de Proximité, une subvention du conseil départemental des bouches-du-Rhône, la Fondation Abbé Pierre et quelques contrats privés, et se bat chaque mois pour les abonnements, et les ventes en kiosque. Mais pour payer les 6 salariés, cela ne devient plus suffisant. D’autres pistes, comme l’éducation aux médias à developper; et le Fonds Stratégique de l’Innovation Numérique, sont étudiées par l’équipe.  » Nous évoquons aussi le chômage partiel. » 

Mais pour Sébastien, ces pansements ne pourront résoudre un problème de fonds : Le mépris politique face à « nos » médias « pas pareils ». « Je pense qu’il faut plus que jamais que nous fassions une interpellation collective et politique, et j’ai eu une super idée: après la lettre au père Noël, une lettre à la Mère Nyssen!’ Le constat est effectivement sans appel: le président Macron est loin d’être le meilleur ami des médias indépendants qu’il ignore totalement. Et les lecteurs ne sont-ils pas lassés de devoir financer leur propre presse?  » Ben ça a toujours existé! L’huma, dès ses premières années avait créé le Comité de Défense de l’Humanité. Le don à la presse est aussi vieux que la presse. Mais je suis d’accord, c’est un peu comme le calendrier de l’avent: tous les jours, tu peux donner à un média, tellement nous sommes nombreux à lancer des appels à dons. Mais ce sont nos lecteurs qui nous donnent une identité« . Sébastien prend ( pour une fois!) Ruffin en exemple: «  Les lecteurs de Fakir en sont ses principaux défenseurs! » 

Les journalistes vont donc se transformer en éducateurs médias pour multiplier leurs sources de financement. » On va faire comme vous, à Mediacoop, les hôpitaux, les prisons, et c’est sûr qu’on pourrait se dire que ce serait tellement bien de ne pouvoir vivre que de notre plume mais je crois que c’est important que nous assurions le service après-vente en mettant les mains dans le cambouis. C’est important d’apprendre aux gens à lire entre les lignes, c’est comme ça qu’ils comprendront qu’on est indispensables! » 

Si Sébastien devenait à tout hasard!, ministre de la culture, il aurait un paquet de réformes à mettre en place. »Je mettrais mes potes avec moi, déjà! et après j’aiderais dans les mêmes proportions, les médias que nous sommes, que les radios associatives qui ont un Fonds de Soutien à l’Expression Radiophonique de plus de 29 millions d’euros, et je réformerais le paysage médiatique. » Sébastien s’emballe, il repense à la phrase du président Macron: « L’audiovisuel public est une honte« . « Tu parles, son traitement médiatique est honteux, il est bien content de se confronter à ces journalistes à la botte du pouvoir! Moi j’ai couvert sa venue à Marseille, et un de ses congrès, je n’avais jamais vu ça, même au FN, on traite mieux les journalistes! » Alors Sebastien raconte: «  On n’a pas le droit de poser de questions, on paie nos lunchbox 16 euros. La dernière fois, je suis resté 15 minutes, je ne voulais pas faire partie de ces journalistes qui font le pied de grue devant une allocution sans pouvoir interpeller le président. C’était délirant! Même au FN, si tu es rasé, tu peux un peu plus t’approcher! » 

Mais Sébastien n’est pas surpris par le comportement effarant de Macron face aux médias. « Il a commencé sa casse sociale du monde associatif avec la suppression des contrats aidés. Le député En Marche de notre circonscription, quand il a su que nous étions en difficulté, nous a appelés et il était désolé: il ne pouvait même plus nous filer un bout de sa réserve parlementaire, ben non, les marcheurs l’ont supprimée! » 

Alors, Sébastien, comme de nombreux autres journalistes de médias indépendants, ne repose ses espoirs que sur les lecteurs, leur prise de conscience.  » Mais, c’est compliqué, à la projection d’Irrintzina, on avait un stand, et on a expliqué qu’on ne pouvait pas filer nos numéros gratuitement, les gens ne comprenaient pas que l’information, ça se paie! » 

le Ravi a donc lancé un grand Couscous Bang Bang ( pour se moquer du Kisskissbankbank qui prend une commission au passage!) : vous pouvez les aider par là! 

http://www.leravi.org/spip.php?page=kousskouss

A Marseille, CQFD, ou encore Ventilo sont en danger. Ailleurs, Nos amis de Lutopik, avec la fin des contrats aidés, doivent eux aussi faire face à la crise. Reporterre a lancé sa campagne de dons et nous aussi à Mediacoop, on compte sur nos lecteurs pour survivre à une politique hostile…

https://www.okpal.com/mediacoop

Nous savons tous que c’est beaucoup vous demander, mais comme Sébastien, nous journalistes, nous pensons encore que nous pouvons encore vivre de nos articles? Nous ne sommes pas encore résolus «  à trouver un vrai métier »!

Eloïse

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