Mariana Otero:  » j’aurais fait ce film coûte que coûte »

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L’Assemblée, film de Mariana Otero sera à l’affiche du cinéma associatif Le rio, le 24 octobre. A cette occasion, nous avons voulu interrogé la réalisatrice sur sa démarche et les raisons qui l’ont poussée à filmer Nuit Debout pendant 3 mois, non stop. Entretien.

 » Comment s’est passé votre première approche avec Nuit Debout? » 

Je me suis rendue à l’appel de Ruffin, nous étions 300 je crois, à la Bourse. Et nous avons décidé de ne pas rentrer chez nous. Dès le 31 mars 2016, je propose de me mettre dans la commission Communication. Je suis dans une période durant laquelle j’ai du temps pour militer. Je n’ai ni caméra ni idée de film. Le 32 mars, comme on dit à Nuit Debout, je reviens. Et je suis émue par ce qu’il s’y passe. A partir de là, je ne peux pas m’empêcher de filmer. Au départ, je mets sur youtube des bribes, mais très vite je me dis que ce n’est pas intéressant. Qu’il faut faire un long-métrage. Que ce que je vis, ce que je vois, ce n’est pas du tout ce qui est raconté dans les médias. Alors, je me trouve un endroit où m’installer et je réfléchis à un angle. Je le trouve facilement. Je suis happée par l’Assemblée et la commission  » Démocratie sur la place publique ». Mon film est né comme ça. En toute logique. Sans véritablement y réfléchir.  

 

Votre film raconte Nuit Debout à Paris, or, il se passait plein de choses partout ailleurs dans l’hexagone. 

j’avais peur de m’absenter car j’avais peur de louper un truc. Peur d’être loin de ce qui respirait. J’étais dans uns situation de gestion du quotidien. Je n’ai pas réfléchi au film avant. Je n’avais pas fait de repérage. Je suis restée avec une unité de lieu du coup. Et j’ai construit sur cet unique endroit. Pendant 3 mois. J’y suis allée tous les jours!

 

Mais vous devez avoir un paquet d’heures de rush! le montage a été difficile?

Non, car je ne filmais que l’assemblée. J’avais 70 heures d’images. ce qui a été dur pour le montage c’est de rendre l’expérience Nuit Debout joyeuse alors que l’initiative a  fini par retomber. Ce qui n’est en aucun cas un échec à mes yeux. Car on a compris l’importance d’être ensemble. Mais, il fallait partir du plus joyeux, des premiers jours plein d’espoir à une fin. Et montrer que tout ça n’est pas un échec. Bien au contraire. Bon, il m’a fallu 6 mois de montage, quand même! Ce qui m’importait c’était cette réflexion sur la démocratie. Ce film c’est une trace de ce qui s’est passé mais c’est aussi un accompagnement à la réflexion de ce qu’il peut se passer. C’est un outil extraordinaire pour débattre. 

N’avez-vous pas peur que les spectateurs soient des convaincus de Nuit debout? 

Bien sûr, les réfractaires ne viennent pas mais certains qui n’ont pas du tout suivi Nuit Debout viennent voir le film, car ils me connaissent comme réalisatrice, qu’ils ont aimé mes films précédents. Ca les ouvre sur cette question. Et ils prennent conscience des violences policières. Plein de choses qu’aucun média ne leur a racontés… 

Et vous en tant que militante, qu’avez-vous pensé de cette initiative Nuit Debout? 

C’est très positif, certains se sont politisés, ont rejoint les rangs de la France Insoumise, ou des anarchistes, voire des radicaux. Certains pour la première fois, entendaient parler du revenu de base, de la proportionnelle, tant de thèmes débattus pendant Nuit Debout! C’est un acquis qui insufflera d’autres mouvements, qui a permis  la création de plein d’associations militantes. Quelque chose de sous-jacent qui reviendra. L’arrêt de ND ( Nuit Debout) était inscrit dans ses propres gênes. La loi travail, le froid, les coups assénés par les policiers. Tout ceci est complexe. Mais malgré cette lassitude, une génération s’est formée. J’ai une grande confiance en les jeunes. Beaucoup ont compris que la politique ce n’est pas que voter. Ils sont formidables!Cette initiative était une école au militantisme. Mon propre fils s’est révélé pendant Nuit Debout. Moi j’ai pris comme focal, cette Assemblée, mais il s’est passé mille autres choses. 

Votre affiche est originale, pourquoi un dessin? 

Je n’avais pas envie de photos. Photos de quoi? J’ai voulu rendre hommage à Catherine Riss. Elle vient de Charlie Hebdo. Cette place est un lieu de deuil pour elle, je voulais qu’elle s’empare de façon positive ce lieu. Comme une réponse. Comme une suite. Une fin heureuse. 

Ce film qui raconte une intiative franco-française peut-il marcher à l’étranger? 

Bien sûr, nous sommes sur le festival de Milan, comme dans les universités américaines pour un débat. Je présente ce film à Lisbonne ou encore Belgrade, en Suisse! 

A l’étranger, les gens se sont intéressés à ce qu’il se passait en france. C’est unique quand même, et d’autres pays cherchent à créer leur renouveau démocratique. Nous avons donné des idées. Ca interroge tout le monde. Mais nous faisons aussi une tournée nationale, et pas que dans les grandes villes. Je vais dans des bleds dont j’ignorais jusque là l’existence. Il ne faut laisser personne à l’écart, pas même nos campagnes! 

Comment avez-vous réussi à financer ce film? 

Le film est passé au festival de Cannes dans la sélection d’ACID, une associaiton de réalisateurs indépendants. Nous avions un producteur. Mais cette sélection nous a ouvert plein de portes. Mais surtout, ce film n’existerait pas sans le financement participatif. Nous avons réuni 35 mille euros, grâce aux dons des gens. C’est extraordinaire et totalement cohérent avec notre démarche! Mais honnêtement, même sans argent, j’aurais fini ce film, coûte que coûte…

Propose recueillis par Eloïse Lebourg

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