» En France, il est impossible d’ouvrir un débat sur la police »

La polémique lancée par la droite n’aura pas eu l’effet escompté. Alors qu’ils pensaient discréditer Marianne Maximi,  en dénonçant l’un de ses tweets,  ses adversaires politiques ont en fait permis à la jeune élue insoumise de poser des questions et d’interpeller les pouvoirs publics sur le rôle joué par les Forces de l’ordre lors des manifestations. Des interrogations soutenues et partagées par de nombreux citoyens à en croire les réactions.

 

Mais il faut commencer par le départ. Marianne, élue municipale à la ville de Clermont et militante incontournable dans les luttes sociales a été à la manifestation de samedi. L’acte 15 des Gilets Jaunes. Une manifestation régionale qui a fini sous les gaz lacrymogènes, avec de nombreux blessés et vitrines brisées. En rentrant le soir, alors qu’elle manifeste toujours à visage découvert, ( » si je commence à mettre masque et lunettes, on aura vite fait de dire que je suis  » casseur »), elle s’interroge et publie alors ce tweet : « Moralité : Les manifs se passent bien jusqu’à ce que la police décide du contraire ! »  

«  Et là, le soir-même, je me rends compte qu’il y a de vives réactions. Des gens de Droite   » Debout la France »,  » Les républicains » demandent que je sois sanctionnée. Ils interpellent la préfète et le maire. Tout ça me dépasse très vite« . Marianne garde aussi toutes les traces du harcèlement dont elle est victime. «  Quand tu es en plus une femme, tu prends plein de propos sexistes« . Des internautes politisés à droite sont même allés dire que ça l’arrangeait bien que le magasin de lingerie ait été pillé, elle avait ses petites culottes gratuites…

Pire, la presse locale s’en mêle.  » Le lundi , alors que je suis au boulot, une journaliste de France 3 cherche à me joindre par téléphone, Twitter et Facebook, et insiste. Elle veut que je commente ma phrase. Je ne la rappelle qu’à la fin de la journée, en sortant du travail. Elle sort un papier où elle a interrogé Jean-Pierre Brenas, leader de la droite clermontoise, elle a même cherché à interroger Olivier Bianchi, qui n’a évidemment pas voulu entrer là-dedans. Bref, mon tweet est devenu une affaire d’Etat! »

Qu’à cela ne tienne, Marianne décide d’utiliser la médiatisation de son message pour poser le débat, en écrivant une lettre ouverte dans laquelle elle interroge réellement sur les raisons du dérapage de la manifestation. «  Mais en France, les citoyens n’ont pas le droit d’avoir un débat sur la police, son fonctionnement, ses responsabilités. Mais je veux des réponses. » Car Marianne, comme de nombreux manifestants déjà interrogés, ne comprend pas. La manifestation était calme et joyeuse, les revendications étaient toutes pacifistes. Pourtant arrivé au palais de justice, le cortège est accueilli par un cordon de gendarmes mobiles. «  On peut nous dire que les Forces de l’Ordre sont intervenues parce qu’il y avait des dégradations, mais dans la temporalité, ça ne s’est pas passé comme ça, les gendarmes étaient déjà postés au palais de justice, s’ils n’avaient pas été là, le cortège aurait continué et il ne se serait rien passé. Là, nous avons été obligés de retourner du côté de la place de Jaude. Ce qui est incroyable, car, en gros, on nous a ramenés là où les pouvoirs publics disaient craindre des tensions. Et effectivement, place de Jaude, ça a été l’enfer. Les gendarmes ont tiré dans la foule. Et place de Jaude, nous étions bloqués. Pendant 4 heures, ça a gazé, et nous n’avons pas pu terminer notre manifestation. »

Marianne veut donc une réponse du préfet. «  Le maire n’est pas responsable de ça, là, il s’agit bien de la responsabilité de l’Etat et donc de la préfecture, en tant qu’élue et citoyenne présente à la manifestation, j’ai le droit de savoir. »

Pour l’instant, la seule réponse qu’elle a obtenue, vient du responsable départementale de la Police, et ce, à travers les médias.  » Son argumentaire ne tient pas. Les forces de l’ordre étaient déjà déployées à notre arrivée. Ils ont fait un barrage. Et ce n’est pas à lui de me répondre mais à la préfète. »

Depuis, le tweet fait son bonhomme de chemin, on en parle dans le Figaro et même Valeurs Actuelles! Et ce qui frappe, c’est finalement le soutien des citoyens, des manifestants. Nombreux sont ceux qui veulent aussi des réponses, qui veulent enfin que la police s’explique, comme nous avons pu le constater dans les commentaires sous l’article de France 3.  » C’est vrai que c’est violent ce harcèlement sur les réseaux sociaux, du coup, le soutien des personnes inconnues qui disent qu’enfin une élue pose les bonnes questions, ça fait plaisir! « 

Marianne a décidé de continuer à chercher des réponses. Elle a reçu de nombreux témoignages et vidéos pour l’aider. «  Et je pense qu’il serait intéressant de mettre en place une commission d’enquête afin que l’on sache réellement ce qui s’est passé. Il est important que l’on sache quels sont les ordres donnés à la police » Marianne insiste  : « Quand je parle de la police c’est en tant qu’institution, pas en tant qu’individus. D’ailleurs eux-mêmes pourraient venir revendiquer de meilleures conditions. On questionne les ordres donnés par l’Etat. Une autre question aussi mérite selon elle, d’être élucidée : ce qui a été fait de l’argent public.  » 300 mille euros, c’est beaucoup, et on ne saura jamais si, sans cet argent cela aurait été pire ou pas. On veut le détail des dépenses.   »

La jeune élue insoumise n’est pas dupe, elle sait bien que la controverse sur son tweet arrive à point nommé. «  Nous sommes en période électorale. Dans un an, il faudra voter un nouveau maire. Après, ça montre finalement que nous faisons peur si on veut déjà tenter de nous discréditer! Et puis la droite a envie de discréditer l’actuel maire de Clermont-Ferrand en disant qu’il gère la ville avec des irresponsables que sont les Insoumis. » Mais elle ne lâche rien : «  Le débat sur la police est nécessaire dans ce pays. On nous parle de centaines de casseurs; j’y étais à cette manifestation, il n’y avait pas le Black Bloc, juste une poignée, peut-être une dizaine de gamins venus en découdre. Et puis à force de répression, des gens se sont mis en colère. Donc pourquoi personne n’a pu neutraliser les quelques fauteurs de trouble? En comparution immédiate, aucun de ceux qui ont cassé des vitres…Dans certains pays, la police se fait discrète pour justement ne pas inciter les gens à venir en découdre. Là, un hélico au-dessus de nos têtes, dès le début festif de la manifestation. C’est totalement anxiogène. Moi, je veux que l’on puisse continuer à manifester sans avoir peur. Partout en France, des gens perdent des mains, des yeux, sans que cela n’émeuve le gouvernement. Jusqu’à samedi, Clermont-Ferrand était une ville dans laquelle nous ne prenions pas le risque de perdre un œil en réclamant des droits. Ce n’est peut-être plus le cas désormais. »

Cette militante du mouvement social est certaine que le but des médias mais aussi des pouvoirs publics est de convaincre l’opinion publique que ce mouvement n’est pas légitime. «  Les médias ont anglé tous leurs papiers sur la fin de manif sans parler des nombreuses heures de manifestation joyeuse. Alors, bien sur, ils veulent la fin du mouvement. Pourtant certaines des revendications des Gilets Jaunes sont vraiment justes! » Marianne travaille samedi, mais elle passera à l’acte XVI des Gilets Jaunes. «  Je continuerai à manifester et  à revendiquer le droit de le faire… »

 

 

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5 réflexions sur “ » En France, il est impossible d’ouvrir un débat sur la police »”

  1. Etant présent également ,j’ai eu le même raisonnement que cette dame….
    Pourquoi mais pourquoi barrer cette rue vers le palais de justice qui rejoint la place de la liberté alors que tout se déroulait dans 1 calme absolu,bon enfant ….
    Vraiment oui vraiment dur à comprendre …..
    Et je n’était pas le seul à ne pas comprendre….

  2. mais c’est vrai: c’est les forces « de l’ordre » qui déterminent la tonalité d’une action; je le sais bien: en tant que faucheur volontaire, je les ai souvent rencontrés, et à 200 metres, je pouvais dire si allait bien se passer ou mal.

  3. Ce qui serait intéressant, c’est de comparer les agissements des forces de l’ordre à Clermont-Ferrand aux autres Villes de France. Sans tirer de conclusions attives, je pense qu’il y a de grosses similitudes … notamment sur l’heure à laquelle débutent les violences…

  4. Je me pose et je pose les mêmes questions que l’élue insoumise, nous devons avoir des réponses sur les raisons du blocage au Palais de Justice puis après des gazages de la foule pacifique, charges , d’autres blocages au fond de Jaude, etc. l’hélicoptère , c’était vraiment la mouche du coche en permanence , l’impression d’avoir été manipulée ne me quitte pas , il fallait discréditer l mouvement à tout prix

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