Rentrée scolaire désastreuse pour les AESH puydômois.es

Contrats non reçus, salaires non versés, victimes d’une organisation chaotique… Les accompagnants d’élèves en situation de handicap du Puy-de-Dôme doivent faire face à une dégradation de leurs conditions de travail en ce début d’année scolaire. 

« S’il y avait eu un incident, nous n’étions pas couvertes »

Séverine et Pascale (noms d’emprunts) travaillent au sein d’établissements scolaires situés dans le Puy-de-Dôme. Depuis plusieurs années, elles accompagnent des élèves en situation de handicap. Malgré l’absence de reconnaissance professionnelle, les deux femmes continuaient d’exercer leur métier avec passion. Or, en un mois, cette passion s’est progressivement métamorphosée en un profond découragement. La raison : une rentrée scolaire désastreuse et vraisemblablement mal préparée.

Pourtant, dans une circulaire diffusée le 5 juin 2019, le ministère de l’Éducation nationale présentait le cadre de gestion des AESH comme un « levier essentiel de réalisation du saut qualitatif annoncé de l’école inclusive et de la transformation durable du dispositif d’accompagnement ». Autrement dit, la place accordée aux AESH dans les établissements scolaires devait être réévaluée en vue d’une meilleure intégration des élèves en situation de handicap.

Il y a les belles promesses de juin et puis, quelques mois plus tard, il y a la réalité du terrain. En Septembre, Séverine et Pascale n’ont pas perçu leur salaire de 734 euros net. Pire, ces deux mères de famille ont pris leur fonction le 1erseptembre 2019 sans avoir signé le moindre contrat. Depuis un mois, ces dernières sont dans l’incompréhension la plus totale.

« Nos contrats sont arrivés le 23 septembre, antidatés du 1erseptembre. C’est la preuve que l’on travaille depuis le 1erseptembre en toute illégalité. Normalement, on doit avoir notre contrat dans les 48 heures qui suivent la prise de poste » tempête Pascale qui s’occupe d’enfants en situation de handicap depuis un ans et demi. Impuissantes, les deux femmes s’avèrent médusées face à cette situation sans précédent. « D’habitude, on ne reçoit pas nos contrats aussi tardivement. Même nos directions ont rechigné. S’il y avait eu un incident, nous n’étions pas couvertes ».

Et pour comble de déconvenue, nos deux AESH puydomoises révèlent avoir reçu leur affectation la veille de la rentrée : « Je l’ai reçu seulement quatre jours avant la rentrée. Quand tu as des gamins à faire garder, que tu es toute seule, que tu es affectée dans une école où tu seras peut-être amenée à bosser le mercredi, que tes horaires de boulot peuvent se terminer à 17 heures… Tu dois anticiper tout un tas de trucs… Mais tu ne peux pas anticiper si on te prévient la veille » déplore Pascale, mère d’une jeune fille.

« Il y a quelques mois, l’inspecteur du Pôle ASH nous avait certifié qu’au 15 juillet, la majorité des affectations serait calée »

Derrière son sourire, Séverine laisse entrevoir une pointe d’amertume car elle a la sensation d’être manipulée à la manière d’un pion dans un jeu de dame : « Finalement, on nous dit au dernier moment “allez hop, toi tu vas là !” ». C’est en quelque sorte le traitement qu’a subi Pascale début septembre. Alors que cette dernière vient de prendre son poste dans un nouvel établissement scolaire, le rectorat lui annonce, le jour même de la rentrée, que son affectation est erronée. « J’ai été affectée dans une autre école et mon emploi du temps s’en est retrouvé modifié. Pourtant, il y a quelques mois, l’inspecteur du Pôle ASH nous avait certifié qu’au 15 juillet, la majorité des affectations serait calée… Visiblement, c’est loin d’être le cas ». Fin septembre, une trentaine d’élèves puydômois en situation de handicap demeuraient sans AESH.

Ces problématiques, liées à la précarité du métier d’AESH, ne datent pas d’hier. À chaque rentrée, le dossier revient sur la table. Malgré leurs plaintes, ces travailleuses demeurent dans l’ombre de l’Éducation nationale. Comme de nombreux et nombreuses AESH, Séverine et Pascale ont la facheuse impression de ne pas être entendues. Elles se sentent ignorées et méprisées par un ministère dont le programme entend pourtant défendre « l’école inclusive ».

« Pour avoir quelques explications, on a contacté le rectorat car personne n’a eu la bonne idée de nous prévenir. On nous a seulement répondu qu’il fallait qu’on patiente jusqu’au mois d’octobre ; qu’on allait recevoir une compensation ; qu’on avait de la chance car ça nous fera une double paye à la fin du mois ; … ». Séverine et Pascale ont effectivement reçu un acompte… Un peu moins de 700 euros. Ça fait tout de même une différence de 100 euros par rapport à ce qu’elles perçoivent habituellement : « Ils ne se rendent pas compte que même si nos salaires ne sont pas très élevés, on en a besoin ».

Il semblerait que le problème soit national comme le confirment plusieurs papiers portant sur le même sujet. Le rectorat du Puy-de-Dôme justifie ces dysfonctionnements en prétextant un souci informatique.

« On se parle beaucoup plus entre nous maintenant et nous ne sommes pas prêtes à nous taire »

Au-delà de ces multiples dysfonctionnements, Séverine et Pascale estiment que les directives émanant de la circulaire, publiée le 5 juin 2019 par le Ministère de l’Éducation nationale, ne sont pas suivies pas l’académie de Clermont-Ferrand : « Ce texte est pourtant suffisamment précis. Malgré sa clarté, toutes les académies ont réussis à interpréter ce texte comme elles le voulaient. Chacune à gérer le truc à sa sauce. Comme on n’a pas de statut, ils font ce qu’ils veulent ». Il est vrai que de nombreuses disparités peuvent être observées d’une académie à l’autre. Par exemple, selon l’indice de rémunération adopté par les académies, le salaire des AESH peut varier de 15 à 20 euros.

L’académie du Puy-de-Dôme a, quant-à elle, choisi de maintenir l’indice de rémunération valable l’année précédente, soit une quotité de 60 %. Séverine et Pascale déplorent cette décision : « Le problème, c’est qu’on nous demande de faire 24 heures par semaines. Donc, en maintenant une quotité de 60 %, on fait chaque semaine 30 minutes gratuites si on calcule bien ».

En effet, Séverine et Pascale se sont senties lésées par l’académie de Clermont-Ferrand. Lors de la réception de leur affectation, leur attention s’était directement portée sur « le temps de travail hebdomadaire théorique » (CF. le tableau ci-joint) qu’elles sont censées effectuer chaque semaine : « 23 heures 51 ». « Au départ, quand on a vu ça, on ne s’est aperçu de rien… On était rassuré. Or, nous avons fait le calcul en respectant les préconisations de la circulaire du 5 juin… nos 1607 heures (temps plein) à l’année divisée par une quotité de 60 %, on tombe sur 964, 2 heures. On a divisé ce nombre par les 41 semaines sur lesquelles nous sommes annualisées et on trouve effectivement 23, 51. Or, ce nombre ne correspond pas à 23 heures 51 comme c’est écrit sur l’affectation mais bien à 23, 51 heures… ce qui change tout car 23, 51 heures, ça fait 23 heures 30 ». Or, « le temps de travail hebdomadaire demandé » est de 24 heures. Ainsi, si l’on suit un résonnement logique, Séverine et Pascale doivent travailler, chaque semaine, 30 minutes supplémentaires non rémunérés. « On travaille plus mais on gagne moins… Ils nous prennent vraiment pour des décérébrés car par rapport à l’année passée, nos salaires n’ont pas bougé ». (Calcul 1607 heures [temps plein] * 0,6 [quotité de 60 %] = 964, 2 heures ; 964, 2 heures / 41 semaines [période d’annualisation] = 23, 51 heures [temps de travail hebdomadaire demandé])

Temps de travail des AESH employés par la Direction

Précisons qu’en France, certaines académies ont décidé de jouer le jeu en appliquant désormais une quotité de 62 %, ce qui équivaut à une légère augmentation de salaire pour les AESH concernés. (1607 heures ([temps plein] * 0,62 [quotité de 62 %] = 996, 34 heures ; 996, 34 heures / 41 semaines [période d’annualisation] = 24 heures 18 [temps de travail hebdomadaire demandé]).

Malgré une rentrée scolaire chaotique, Séverine et Pascale tempèrent leur désarroi car ces mésaventures ont eu le mérite de les rapprocher : « On se parle beaucoup plus entre nous maintenant. On ne se connaissait pas entre AESH. Sur les réseaux sociaux, on a beaucoup échangé et nous ne sommes pas prêtes à nous taire ».

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1 réflexion sur “Rentrée scolaire désastreuse pour les AESH puydômois.es”

  1. Patural Jean-Louis

    Le travail de l’éducation spécialisée se dégrade à grande vitesse. 700€/mois pour accompagner des enfants handicapés dans leur scolarité aujourdhui (!!!) ; la bonne affaire. On vide petit à petit les IME qui employaient des éducateurs (trices) spécialisés (ées) avec des salaires en rapport avec leur formation et leur fonction et ils sont remplacés par des travailleurs pauvres sans réelles formation. Et tout ça au nom de « l’inclusion »… On voudrait nous faire prendre des vessies pour des lanternes qu’on ne s’y prendrait pas autrement . Encore 3 ans à tirer en tant qu’éducateur spécialisé et hâte de quitter ce milieu qui devient du grand n’importe quoi…

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