» Trop c’est trop » pour le centre hospitalier de Billom

Depuis janvier, le centre hospitalier de Billom est en grève, réclamant plus de moyens afin d’assurer le confort et la sécurité de ses patients, alors que la direction réduit drastiquement les effectifs.  15 CDD en 2 mois n’ont pas été renouvelés.

 

Eric met la bonne humeur dans la cuisine. Pour ce syndicaliste FO, depuis 20 ans en poste au centre de Billom, l’heure n’est pourtant pas très réjouissante. Il se bat avec de nombreux collègues contre l’annonce faite par la direction de réduire les effectifs.  » Cela ne date pas d’hier ces histoires d’économies. L’ancien directeur, en 2014, nous a demandé de travailler plus pour économiser sur les RTT. »

Mais depuis 2016, une nouvelle directrice a pris la place. Elle a dû subir les projets en cours, dont un EHPAD qui a vu le jour en 2017, étranglant les comptes et n’a pas su gérer. «  En fait, depuis 3 ans, la structure accumule 2,6 millions de dettes, et 1,2 millions de déficit sur l’année passée. l’ARS a alors demandé de faire des économies. » explique Pascal, représentant CGT.

 

La nouvelle directrice a donc décidé de ne plus renouveler certains contractuels. «  Nous avons perdu l’équivalent d’un poste depuis mi-février, par service! » s’insurge Céline, aide-soignante. » C’est simple, nous étions deux le matin, une de coupure et une du soir pour 24 résidents. Et nous ne sommes désormais qu’à une personne…Nous le refusons catégoriquement. Nous ne pourrons plus assurer la douche hebdomadaire de chaque résident. On ne pourra les doucher que tous les 15 jours voire une  fois par mois…Elle est où la dignité de nos patients là-dedans? On ne va pas les laisser déambuler en robe de chambre… »

Pascal connaît lui aussi comme Céline et Eric, la «  maison  » depuis 20 ans. «  Ils savent qu’ils peuvent compter sur notre conscience professionnelle. Nous n’abandonnerons jamais nos patients, du coup, ils en profitent et jouent sur l’affectif. « 

 

« La remise en question est plus globale » soutient Eric,  » il s’agit du système de santé, de celui de la fonction publique et s’ajoute à cela la mauvaise gestion de notre direction… »

Céline reste pragmatique. «  La population vieillit, nous avons de plus en plus de monde, nous sommes « obligés d’attendre des morts » afin de pouvoir transférer certains patients dans des services qui leur correspondent. »

Actuellement, le centre hospitalier de Billom contient environ 400 lits et 400 membres du personnel, tous services et bureaux compris. Un quart de l’effectif est contractuel, et pourrait donc ne pas être renouvelé.

«  La direction a un discours absolument infâme. Par exemple, on nous reproche les arrêts maladie trop longs« . Pire. La direction a expliqué longuement qu’en un an, les 26 congés maternités avaient coûté 420 mille euros à la structure. Une gestion déshumanisée et comptable…

«  Se pose alors la question quand tu souffres d’une gastro ou grippe…que fais-tu? Tu vas bosser au risque de contaminer tout le monde car si tu n’y vas pas, tu n’es pas remplacée » Explique Céline.

L’Agence Régionale de Santé, basée désormais à Lyon, demande pourtant bel et bien de faire des économies. «  Pourtant, ils ont de l’argent » clame Pascal. «  Ils ne savent juste pas le distribuer correctement… »

Un exemple : Le dossier patient informatisé va être mis en place coûtant 250 mille euros pour l’établissement. Et chaque année, désormais, il faudra débourser 180 mille euros pour la gestion et le stockage des données informatiques. «  Ca fait un petit paquet d’emplois, ça quand même… »

Pascal, en plus d’être aide-soignant, est formateur à la manutention des malades. C’est lui qui explique comment déplacer les personnes sans se faire mal et sans leur faire mal.  » On se rend compte que quand on arrête ces formations, cela génère des, accidents du travail, des arrêts maladie, les gens se blessent. »  Il entend lors de ses formations les plaintes de ses collègues, souvent à bout…

D’ailleurs, plus de 200 personnes ont participé à l’Assemblée Générale du personnel du 18 janvier.  Le 9 février, ils étaient plus de 700 à défiler dans les rues, entourés des élus locaux, des familles, des Gilets Jaunes et nombreux soutiens de la région.

 

 » On ne demande pas ni d’augmentation ni de prime, juste qu’on nous laisse nos collègues. Pour nos patients en fin de vie, nous n’avons même pas 15 minutes par jour à leur consacrer, c’est inhumain…Et puis, ces personnes âgées sont celles qui se sont battus pour nos droits, pour nous, pour notre confort de vie, et là, on ne peut même pas les remercier correctement, on les laisse mourir seulsJ’ai honte » explique Pascal.

En tant qu’aide soignant, et travaillant 2 dimanches par mois, avec 20 ans d’ancienneté, Pascal et Céline ne gagnent que 1700 euros par mois. Eric, cuisinier gagne 1589 euros en travaillant un dimanche par mois et en étant «  dans la boutique » depuis plus de 20 ans. Malgré tout, ils ne se plaignent pas. ils ne se battent pas pour eux, mais pour leurs collègues contractuels, et leurs patients.

Céline raconte:  » En 20 ans, on a vu le déclin de la prise en charge des gens. Par  exemple, si un de nos malades est anxieux, on lui parle, on passe un peu de temps avec lui et ça passe. Désormais, on ne pourra plus. Nous n’avons même plus d’animateur chez nous. Avant, on les amenait au marché, là, plus rien… »

 

Billom souffre en plus d’un désert médical. La structure n’avait plus de médecin. «  Pendant 2 mois, nous avons eu des médecin en interim, cela nous a coûté 700 euros par jour, et là l’ARS a bien aligné l’argent...Comme quoi, ils en ont.. » Explique Eric.

Le cuisinier d’ailleurs parle lui aussi du changement de son métier.  » Jusqu’au 28 janvier, nous faisions à manger pour le personnel. Désormais, avec la coupe dans les contractuels, nous n’avons plus le temps. Nous avons l’équivalent de deux emplois temps plein en moins. Et nous devons assurer 1000 repas par jour! » 

La grève est donc effective depuis le 28 janvier. Partout, par les fenêtres, des draps où les salariés ont écrit leur mécontentement. Plus de 30 % du personnel a été gréviste. Mais les gens perdent de l’argent, ou prennent sur leur repos et sont assignés pour la mission de maintien.

Et surtout la situation est bloquée, la directrice est elle aussi en arrêt maladie, jusqu’au 7 avril.  » Mais, à l’avis de tous,  » elle ne reviendra pas de si tôt…Elle n’assume rien…Même si nous avons une direction par interim, il faudra que nous attendions le retour de la directrice, seule habilitée à prendre des décisions. « 

En attendant, les salariés voient le contrat de leur collègue ne pas être renouvelé, comme cette aide-soignante qui travaillait ici depuis 7 ans, en accumulant de petits contrats et à laquelle il a été reproché deux arrêts maladie après des accidents de la vie. Le résultat est dramatique. Chacun devient un travailleur isolé. «  Avant, nous étions tous en binôme, au cas où il arrive quelques chose. Ce temps là est révolu… » 

Pourtant, Céline, Eric et Pascal sont unanimes «  On aime notre métier, mais on déteste ce qu’il est en train de devenir… » 

Pour suivre leurs actualités, le lien de la page facebook : https://www.facebook.com/Trop-cest-trop-centre-hospitalier-de-billom-318101382174149/

 

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