UCA: Une rentrée 2018 allégée de 2%

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Publié le 17 mai,

Ce vendredi matin, les membres du conseil d’administration de l’université de Clermont Auvergne ont voté un plan d’action budgétaire. Objectif : réduire la masse salariale qui a atteint une proportion trop importante dans le budget de fonctionnement de l’université. Comment ? Par l’application d’un « plan social », ensemble de mesures visant à diminuer les coûts liés aux rémunérations du personnel de l’institution : professeurs, chercheurs, personnel administratif, etc. Retour sur un processus initié dès le mois de mars qui met en péril les conditions d’apprentissage des étudiants et de travail des salariés.

Tout découle d’une consigne : la proportion du budget alloué à la masse salariale ne peut excéder 80 % du budget de fonctionnement des universités.

Avec, d’une part, des professeurs toujours plus vieux et l’augmentation successive de leur salaire par l’application du principe de GVT (Glissement Vieillissement Technicité). D’autre part, la diminution de la compensation financière attribuée par l’état, l’Université de Clermont Auvergne s’est vue glisser dans le rouge en 2017. Ses charges de personnel ont atteint la proportion de 83,7%. L’état concède un plafond à 81 %. Il reste 2% à faire fondre, soit 7 millions d’Euros à effacer pour retourner dans le vert.

Comment s’y prendre ? Le 26 mars, peu après que Mathias Bernard, président de l’université, comprend à la vue du budget alloué par le ministère pour l’an prochain que la masse salariale se révèle trop élevée par rapport au budget total, il prévient ses collaborateurs : chaque Unité de Formation et de Recherche, Laboratoire et Service Centraux fera sa part du travail et devra trouver un moyen de diminuer de 2 % ses dépenses salariales. Par un petit mail, la responsabilité du budget est donc transférée aux directeurs de ces 3 services grimés en directeurs des ressources humaines pour le printemps 2018.

Ce matin, une première étape a été franchie dans l’application du plan social. Les administrateurs présents lors du conseil ont voté l’application d’un scénario. L’histoire d’un ensemble de mesures structurantes organisées en 6 leviers d’actions. Chaque levier est détaillé avec des termes techniques qui précisent comment et dans quelle proportion il aura effet. Par exemple, le premier levier décrit, touche à l’attribution de la Prime d’Encadrement Doctoral et de Recherche. Dans le scénario voté ce matin, le taux reçu par les bénéficiaires est diminué de 36%, il passe de 5 500 euros à 3 500 euros par an ce qui permettra d’économiser selon les projections de la commission « finances », environ 90 000 euros d’ici 2021.

Une autre mesure prévue vise le statut des BIATSS en particulier : « La structure de l’emploi des agents BIATSS doit être ramenée dans la norme des universités française et converger vers une pyramide, c’est-à-dire un nombre de cadres C supérieur au nombre de cadres B, à son tour supérieur au nombre de cadres A. Cela reviendra quasi-systématiquement, à déclasser à chaque départ les postes de A vacants en postes de B. » Des personnes engagées pour un même travail seront donc à l’avenir moins bien payées qu’elles ne l’auraient été si elles avaient été engagées précédemment.

Chaque contrainte énoncée, rétrécit, diminue les coins du budget de la masse salariale. Cependant, si l’on enlève les 3 dernières petites lignes du dernier levier d’action cité, l’accumulation de toutes les mesures préconisées ne permet même pas d’atteindre la moitié des 7 millions visés…

C’est donc dans le haut de la 8ème et dernière page de la note du plan que se concentre près de la moitié des économies envisagées. De quoi s’agit-il ? : « Gels d’emplois ciblés pour les campagnes 2019 et 2020 d’enseignants et enseignants-chercheurs, pour un objectif attendu de 3 M d’€ à 4 M d’€ environ (selon l’effort consenti sur les autres leviers), ce qui correspond à une fourchette de 18 à 25 emplois / an (entre 35% et 50% des départs non remplacés). Dans l’évaluation la plus efficace des autres leviers, cela reviendrait à 36 gels d’emplois de postes d’enseignants et d’enseignants-chercheurs soit un peu plus d’un départ sur 3 non remplacé.

Un problème souligné par Matthieu Barberis, élu au conseil administratif au nom de l’Unef, ancien président du syndicat étudiant pour l’Auvergne et militant actuel à la France Insoumise : « Ce dernier point ne constitue en rien une variable d’ajustement comme son positionnement le laisse sous-entendre. Au contraire, il est central dans le plan ! »

Sur base du scénario choisi ce matin, il reste maintenant à chaque directeur d’UFR, de laboratoire et de service spéciaux à déterminer concrètement comment les leviers seront appliqués à leur échelle. Une responsabilité lourde quand il s’agit parfois de statuer sur le futur professionnel de collègues directs. Une situation qui paraît d’autant plus ironique quand, dans la note du plan d’action budgétaire, on lit que l’une des motivations auxquelles répond le plan est justement : « d’éviter à l’UCA de se retrouver dans une situation de crise financière obligeant à prendre des mesures d’urgence, non structurelles, malthusiennes et socialement délicates (suppression massive des emplois non titulaires, gels systématiques d’emplois, arrêt des programmes d’investissement) ».

Cette dernière procédure est critiquée dans une lettre ouverte signée par plus d’une dizaine de directeurs de département et responsables de licence et adressée au président de l’Université Clermont-Auvergne, aux membres du Conseil d’Administration et aux membres de la Commission de la Formation et de la Vie Universitaire. Les auteurs de la lettre soulignent que l’implication des acteurs dans la mise en place concrète des mesures d’ajustement pourra être à la source de tensions internes. Les auteurs questionnent : si la volonté est véritablement l’implication des acteurs dans une perspective de prise de décision démocratique, pourquoi ne l’appliquer qu’à ce domaine ? : « S’il s’agit de finesse, alors nous souhaiterions que cette logique de consultation des composantes et de prise en compte effective des expressions démocratiques s’applique aussi, par exemple, lorsqu’il s’agit de restructurer des services. »

Les directeurs des 3 types de services auront jusque juin pour consigner leur mise en application des mesures. Le conseil d’administration votera les dispositions précises proposées. Si, au regard des exigences du scénario voté ce matin, rien de satisfaisant n’est amené sur la table, le président tranchera tout en pouvant arguer avoir laissé la possibilité à chacun de proposer des solutions plus adéquates aux particularités des services.

Pour contrer cette situation qu’il considère comme un faux choix, Matthieu Barberis a voté contre les deux scénarios proposés. Ce rejet a été suivi par 3 autres votants, un BIATSS et deux syndicalistes.

Selon Matthieu Barberis : « Ces contraintes budgétaires sont le résultat de la logique d’autonomisation des universités initiée en 2007 avec la loi LRU (Liberté et Responsabilité des Universités) ». C’est donc dans ce cadre plus large que l’Unef s’oppose au projet, considérant qu’il est impossible pour l’université d’assurer son rôle de service public dans des conditions de précarisation.

Quelle stratégie adopter ? « Il faut créer un climat de mobilisation et se battre pour rester un service public ». L’Unef propose donc d’écrire une lettre publique adressée au ministère qui demande à l’état un rallongement des aides financières attribuées à l’université. Une aide qui soit au moins suffisante que pour permettre de rétablir une part de la masse salariale en dessous des 80%. Si le rallongement est refusé, le syndicat étudiant invite les membres du conseil d’administration à ne pas voter de budget rectificatif lors du prochain CA en juin : « Cela nous permettrait d’imposer un nouveau rapport de force car le fonctionnement de l’université serait bloqué dès la rentrée de septembre. »

Ce plan social intervient à quelques mois d’une rentrée 2018 qui ne prévoit aucune diminution des inscriptions. Les premiers résultats des vœux exprimés via la plateforme Parcoursup en attestent : la demande pour venir étudier à l’université de Clermont-Ferrand Auvergne est plus importante que l’an passé dans une écrasante majorité des filières. Les Licences en langues étrangères appliquées par exemple, affichent toutes une évolution des candidatures à la hausse par rapport à l’année dernière. En tête d’affiche, la Licence en Anglais-Italien passe de 50 à 129 candidatures soit une augmentation de 158%.

Il y aura donc, à priori, toujours au minimum autant d’étudiants en septembre avec à terme, un personnel enseignants-chercheurs et agents BIATSS restreint numériquement mais également, soumis à des conditions de travail moins favorables qu’elles ne l’étaient jusqu’à aujourd’hui.

Gwendoline Rovai

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