Une nouvelle constitution pour le nouveau monde

Et si on réécrivait la constitution ? À l’Université populaire et citoyenne, le groupe RIC 63 tient des ateliers constituants. Gilets jaunes ou non, les participants font bouillonner leurs cerveaux pour faire émerger une nouvelle démocratie.

L’après-midi touche à sa fin, ce mardi 23 avril. Tout le monde est en vacances, cette semaine, des élèves de primaire jusqu’aux étudiants des universités. Mais il n’y a pas de répit pour les braves, et les militants clermontois ne s’arrêtent jamais. Au café-lecture Les Augustes, des écologistes tiennent réunion ; à seulement quelques pas de là, ce sont des Gilets jaunes qui se retrouvent dans les locaux de l’Université populaire et citoyenne.

Pas exactement des Gilets jaunes, en réalité. Bien sûr, la plupart des personnes qui sont là se reconnaissent dans le mouvement de contestation. Mais aujourd’hui, ils viennent en tant que citoyens, à l’appel du groupe RIC 63, pour un atelier constituant. À mesure que l’heure de la rencontre arrive, la salle et le stock de nourriture pour le buffet se remplissent. On voit apparaître des habitués des manifestations du samedi, quelques incontournables du mouvement social clermontois, et de parfaits inconnus. La plupart ont déjà assisté à un des précédents ateliers, mais quelques-uns sont là pour la première fois. Militant du groupe RIC 63, Antoine ouvre la séance en rappelant la teneur de l’atelier. « L’objectif n’est pas forcément d’écrire la constitution idéale tout de suite, mais d’échanger ensemble, de prendre conscience qu’il ne s’agit pas d’un sujet aussi compliqué qu’il n’y paraît et que chacun peut s’en saisir », introduit-il, en rassurant les nouveaux venus. Pour autant, il s’agit de travailler efficacement, dans l’idée de diffuser le résultat des réflexions par la suite. Alors les ateliers se sont organisés en cycles thématiques : le premier, toujours en cours, concerne l’organigramme des pouvoirs. Pour en imaginer un qui soit plus en accord avec l’idéal démocratique des participants, ceux-ci choisissent de se séparer en deux groupes : un qui travaille à partir de la constitution actuelle, un autre qui part de rien.

Dans celui-ci, la métaphore de l’île déserte résume l’exercice. « Il n’y a plus rien, on est 65 millions et il faut qu’on s’organise », lance Antoine. Les interventions se succèdent et vont bon train. Avec aussi peu d’éléments de départ, il faut reprendre les bases, y compris philosophiques. « C’est important de savoir si on écrit une constitution parce qu’on est une nation, ou si c’est la constitution qui va faire de nous une nation », intervient quelqu’un. On débat sur la démocratie directe, sur l’autonomisation de la bureaucratie, sur la mise en place de ministères indépendants, gérés par des représentants des corps de métier concernés. « Pas des représentants », corrige quelqu’un, « des exécutants. Il faut être clair : ils sont là pour appliquer les décisions du peuple. »

Dans l’autre salle, les débats sont plus aboutis. Partant de la constitution existante, les participants sont déjà parvenus à un premier jet d’organigramme. Dans cette ébauche, exit le Sénat : à la place, l’Assemblée nationale débat des lois avec une Assemblée citoyenne, constituée en partie par tirage au sort au sein de collèges de métiers. Et tout se beau monde est placé sous le contrôle du peuple par le biais du fameux Référendum d’initiative citoyenne (RIC). Là aussi, les discussions vont bon train : une assemblée doit-elle pouvoir voter les lois qu’elle propose elle-même ? Quel rôle accorde-t-on aux « experts » dans l’élaboration des lois ? Comment organiser l’avant-référendum pour que chacun puisse voter en connaissance de cause ?

D’une salle à l’autre, les cerveaux sont en ébullition. La pause repas est même retardée, la faim effacée par l’émulation collective de ces quelques citoyens qui inventent une nouvelle démocratie. « On échange, on s’éveille, on sort des préconçus qu’on nous a vendus depuis qu’on est nés », exprime Aurélie, administratrice du groupe RIC 63. « C’est une forme d’éducation populaire, on se nourrit des idées et des expériences de chacun pour repenser les bases de nos luttes à tous. Tout ça autour d’une valeur commune : que le citoyen reprenne sa place dans la vie de la cité. » Finalement, les participants marquent une pause dans les débats pour partager un repas collectif, puis reprennent les échanges. Ici, chacun parle honnêtement, se réapproprie la chose publique et réinvente la démocratie ; c’est peut-être ça, le « nouveau monde ».

Photo d’archives (23/02/19)

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