Atelier, jeudi au lycée d’Issoire. La prof doc nous court après : « Il faut valider absolument sur le passculture le financement des ateliers. Ca ferme demain ! » Les recteurs et la direction des établissements scolaires viennent de l’apprendre : on coupe le financement du passculture…le lendemain.
D’abord qu’est-ce que le passculture ?
En 2019, Le président de la république annonce une enveloppe budgétaire afin de relier le monde de l’école avec celui de la culture par deux biais. Une part individuelle permettant à chaque élève de 18 ans d’obtenir un chèque de 300 euros pour aller à des expositions, projections, ou encore acheter des livre ou des places de concert. Une autre part dite collective, est gérée par les établissements afin de proposer des sorties culturelles, rencontres avec les artistes, mise en place d’ateliers pour des classes entières.
Ainsi, vendredi c’est une autre enseignante, défaite qui me demande de remplir rapidement notre offre d’ateliers. Mais il est trop tard. Le site est pris d’assaut et il est impossible d’y déposer de nouvelles commandes. Elle soupire : « on devait emmener nos terminales à Oradour-Sur-Glane au printemps, c’est dramatique pour les enseignants, les élèves et le monde de la culture. »
25 millions d’économies sur le budget de la part collective
En tout, le passculture, parts individuelle et collective réunies coûtaient jusqu’alors, 210 millions d’euros.
97 millions étaient destinés à la part collective. Mais, une baisse de 25 millions a été votée le 15 janvier par le Sénat dans le projet de loi des finances 2025. Les députés de la commission culturelle avaient entendu Sébastien Cavalier, président de la société passculture, peu satisfaits du rendu des rapports de ce dernier.
Ainsi, alors que 25 millions ont été retirés du budget, 40 millions avaient déjà été utilisés en janvier. Pour cette raison, il a été décidé de ne distribuer que 50 millions d’euros jusqu’en juin, afin de garder 22 millions pour la rentrée de septembre à décembre.
Mais, dès que les établissements et acteurs culturels ont eu connaissance de la coupe budgétaire, ils se sont rués sur le site de mise en place des offres et les 10 millions d’euros ont été épuisés en 48 heures.
Le 31 janvier, donc le site a annoncé qu’il n’était plus possible de réserver de sorties, rencontres, et autres manifestations culturelles.
Prévenus de la coupe budgétaire la veille de la fermeture du site
Ainsi, en plus du fond qui consiste à réduire une enveloppe culturelle à destination des jeunes, dans le cadre scolaire, alors même que cette enveloppe est victime de son succès, et donc nécessaire, c’est la forme qui met en colère.
Tout s’est joué en catimini. Seules quelques rumeurs se sont échappées des couloirs du ministère. Pour les autres, l’annonce officielle du coup de rabot n’a été annoncée que 48 heures avant la fermeture du site. Cette décision non concertée et brutale est la conséquence de la situation budgétaire inédite. Et la culture est toujours la première touchée lorsqu’il s’agit de faire des économies.
« On essaiera de finaliser nos projets avec nos fonds propres » tente de rassurer une enseignante, qui poursuit : « Même si les dotations là aussi fondent comme neige au soleil. »
Un autre enseignant, qui a l’habitude de nous faire intervenir dans sa classe envoie un mail. « Allons tous avec nos fourches au Puy-du-Fou! »
En effet, alors que Rachida Dati annonçait que la part individuelle n’était pas satisfaisante car les jeunes dépensaient leur argent dans des sorties peu culturelles, elle a décidé d’ouvrir ce pass au Puy Du Fou. « Alors qu’on ne pourra plus emmener nos enfants à Oradour Sur Glane, avec la part collective. » Rappelle la prof documentaliste au bout du téléphone.
Inquiets, syndicats du monde culturel et enseignant risquent de monter au créneau ces prochains jours. « Parce que ça marche ce pass culture. Les élèves ont besoin d’apprendre autrement, en voyageant, en rencontrant des professionnels, comme avec vous, des journalistes qui leur font de la critique des médias. La part collective est juste, elle permet à toute une classe d’avoir accès à la culture autrement. Pourquoi à chaque fois qu’une chose marche il faut la saborder ? » S’agace une prof d’histoire.
Le passculture devrait donc faire débat encore quelques temps, aussi parce qu’il est géré par une SAS, « entièrement financée par l’Etat mais peu surveillée« , comme l’a rappelé Rachida Dati, la semaine dernière.
La reprise des offres n’aura lieu qu’en septembre avec une enveloppe réduite à peau de chagrin. Une rentrée qui risque donc d’être tendue.