SNU : ses opposants muselés, à Clermont.

Promesse de campagne d’Emmanuel Macron, le Service National Universel a été lancé en 2019 pour les jeunes de 15 à 17 ans. Alors que le gouvernement souhaite le rendre obligatoire, de nombreuses organisations contestent ce projet. Samedi 1er avril, le collectif local « Non au SNU » qui souhaitait distribuer des tracts d’information s’est vu interdire tout rassemblement par la préfecture. Ses membres dénoncent une entrave à la liberté d’expression.

On se croirait presque revenus au temps du service militaire. Mais pas d’inquiétude. Le gouvernement voit dans le SNU un moyen « d’affirmer vos valeurs, de mettre votre énergie au service d’une société solidaire, d’être utile aux autres, de promouvoir une culture de l’engagement… », comme on peut le lire sur le site officiel du Service National Universel. Un peu plus soft donc mais tout aussi dangereux selon de nombreux citoyens et collectifs qui s’y opposent. Difficile d’y voir clair face au numéro d’équilibriste que joue le gouvernement et tant le sujet semble controversé. On vous explique.

Les trois étapes du jeune citoyen parfait.

Le Service National Universel (SNU) a été lancé en 2019. Objectif donc, « faire vivre les valeurs et principes républicains, renforcer la cohésion nationale et développer une culture de l’engagement. ». Pour cela, il suffit d’être Français, d’avoir entre 15 et 17 ans et un accord parental.

La formation se fait en trois étapes. D’abord, il y a un séjour de cohésion de deux semaines dans un autre département que le sien avec une centaine d’autres jeunes. Ensuite, le parcours se poursuit avec une mission d’intérêt général, à faire dans l’année. 84 heures minimum. Enfin, un engagement volontaire à l’issu de cette mission peut s’effectuer en service civique ou en volontariat.

En 2019, 2000 jeunes dans 13 départements ont participé à la première expérimentation. Pour 2021, ce sont 15 000 jeunes qui ont participé à des stages de cohésion dans tout le pays. En 2022, le SNU a mobilisé 32 000 volontaires. D’abord sur volontariat, le SNU aurait, selon la volonté du gouvernement, vocation à devenir obligatoire. Mais face à la colère actuelle de la rue et à la contestation des organisations de jeunesse notamment, rien n’est moins sûr.

Un pas en avant, deux pas en arrière

Fin février, dans la presse, on apprend via une note du gouvernement que ce dernier tend à rendre le SNU obligatoire. La secrétaire d’État chargée du projet, Sarah El-Haïry, confirmait d’ailleurs peu après qu’une généralisation du SNU était bien la piste privilégiée par le ministère. Mais il ne sera pas forcément obligatoire, assure cette dernière. À l’étude dorénavant, une autre formule. Un SNU incitatif avec notamment une formation au permis de conduire offerte pour tout SNU réalisé.

Lors de ses vœux de janvier, le Président de la République avait promis de faire des annonces rapidement. Mais depuis, ce dernier laisse ses équipes souffler le chaud et le froid. Face au contexte social déjà très compliqué et à la gronde de la jeunesse, on ne compte plus les reports. Sarah El Haïry, elle, réaffirme que rien n’est tranché dans une interview accordée à Ouest-France jeudi 30 mars. « On est sur le fonctionnement habituel du gouvernement qui a rarement le courage de ses positions. Ils ne sont vraiment pas à l’aise sur cette question. », déclare Anne-Laure Morel, membre du collectif local « Non au SNU ».

Une génération qui ne se tiendra pas sage

« Si le Gouvernement panique sur la généralisation du SNU c’est qu’il sait, depuis longtemps déjà, que les organisations de jeunesse et lycéennes sont contre ce dispositif d’endoctrinement et de contrôle de la jeunesse. Solidaires de ces organisations et convaincues de l’ineptie de ce dispositif, les organisations signataires affirment leur opposition au SNU. », rappelle le collectif local de « Non au SNU ». Pour Anne-Laure Morel, « Ce qui fait consensus, c’est que ce dispositif est une sorte de mise au pas de la jeunesse en ne considérant qu’une seule forme d’engagement. Même le Sénat dénonce ça ! ». La semaine dernière, les organisateurs d’un blocus devant le lycée Jeanne d’Arc à Clermont soulignaient avoir porté leur action contre la réforme des retraites mais aussi contre le SNU.

Logique d’endoctrinement

« Le SNU est très critiqué par l’extrême gauche, par idéologie. », explique Sarah El-Haïry, dans la presse. Mais le SNU est-il idéologique ?  Il paraît en tout cas être l’instrument d’une politique de mise au pas de la jeunesse. Lors des stages de cohésion, le programme repose sur le salut au drapeau, la Marseillaise et le levé à 6h30 chaque matin. « Le SNU emprunte des encadrant à l’armée sur les journées de cohésion. Tout l’aspect militaire est dérangeant. », dénonce le collectif.

Les organisations s’opposent aussi à l’utilisation de l’argument de la mixité sociale brandit par l’exécutif et l’utilisation des jeunes comme main d’œuvre facile à travers le bénévolat ou les services civiques. « Contraindre à s’engager, c’est le contraire de l’engagement. », souligne le sociologue Camille Peugny.

Gaspillage d’argent public

« Alors même que les associations et l’éducation font face à un manque de financement criant de l’Etat, le SNU engendrerait un coût annuel exorbitant, estimé entre 2 et 5 milliards d’euros par an. Et le même Camille Peugny de préciser, « quand on voit que l’Etat n’a pu débloquer que 10 millions d’Euros pour les banques alimentaires en faveur des étudiants fin novembre 2022, est-ce qu’on mesure l’écart avec les 2 milliards annuel du SNU ? » Nous revendiquons des missions de service public à visée émancipatrice. Par conséquent, nous sommes déterminé.e.s à combattre le SNU, ce projet scélérat d’endoctrinement et de militarisation de la jeunesse, avec tou.te.s ceux et celles qui le veulent, dont les organisations de jeunesse et principalement les organisations lycéennes. », mentionne le collectif dans un communiqué.

« Le problème, c’est qu’il y a une mobilisation de plus en plus forte des services Jeunesse et Sport sur le dispositif. L’argent public mobilisé est déjà important et ça ne prend pas en compte les coûts d’infrastructure si ça devenait obligatoire. Il y a d’autres urgences. », affirme Anne-Laure.

Propagande 2.0, méthodes vieilles comme le monde

Une chose est sûre, la comm’ du SNU est bien rodée. Site flamboyant, jeunes au discours pas du tout naturel, réseaux sociaux aux aguets… Sans oublier l’aspect un tout petit peu autoritaire. À Clermont, le groupe local « Non au SNU » est composé entre autres de La LDH, Solidaires Auvergne, UCL 63, Jeunes Insoumis·es Clermont-Fd, CGT Éduc’Action 63, NPA 63, Attac 63, Libre Pensée 63, FSU 63, UNEF Auvergne, CREFAD Auvergne, POI63, PF63, Generation.s.

Samedi 1er avril, alors que la « Tournée du SNU » s’arrêtait à Clermont place de Jaude, le colletif a souhaité distribuer des tracts d’information. Mais c’était sans compter sur l’interdiction par le préfet pour crainte de violences urbaines. L’arrêté disponible sur le site de la préfecture du Puy-de-Dôme évoque les risques liés à une « contremanifestation annoncée » et s’appuie sur une déclaration trop tardive.

Surtout, on peut lire : « La manifestation est déclarée par le même organisateur que la manifestation du 30 mars 2023 ». On parle ici du rassemblement organisé en soutien aux manifestants blessés à Sainte-Soline. Un joyeux gloubiboulga qui légitime de façon à peine cachée la décision de la préfecture.

Les organisations syndicales, associatives et politiques du collectif local « Non au SNU » dénoncent cette interdiction, qui démontre selon elles que « dans la période, le gouvernement ne supporte pas la contradiction et entrave la liberté d’information et d’expression ».

Privé de sa rencontre avec le public sur le lieu de l’événement, le collectif a organisé une conférence de presse le jour même à 14h au local de la LDH. Pour l’heure, aucun séjour de cohésion ne devrait être organisé dans le Puy-de-Dôme car trop peu d’enfants sont inscrits.

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3 réflexions sur “SNU : ses opposants muselés, à Clermont.”

  1. lauret nantoume

    Bonsoir
    Attention vous écrivez (erreur de frappe j, imagine, à Clermont le groupe local » Non au FSU au lieu de Non au SNU
    Bravo pour cet article ; il est certain qu’après les violences policières à l’ encontre des jeunes et il n’y a pas si longtemps , l ‘humiliation subie à genoux pendant une heure , le gouvernement se met le doigt dans l ‘oeil s ‘il pense les motiver pour un mini service militaire. Nous nageons dans une mare de mépris et de bêtise.
    Mais soyons un peu optimiste et comptons sur leur dynamisme et leur intelligence.
    Pouvez vous me donner quelques détails sur les film BD et livre que vous compter sortir. car j ai apprécié et j ‘ai été émue par les deux DVD que j ‘ai achetés sur votre site ?
    Merci!!
    Danielle

  2. Ping : Du nouveau sur le SNU mais rien pour rassurer… - MEDIACOOP

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