« Lutter contre la mine c’est lutter pour la vie »

Samedi 11 février, une réunion publique était organisée à Bellenaves (03) par le collectif "Préservons la forêt des colettes". Son but : Informer la population des dangers de la potentielle future mine de Lithium sur le territoire.

La salle des fêtes est pleine à craquer. Les chaises ne suffisent plus. Certains restent debout. Il est 18H45 et le froid persiste à rester dehors. A l’intérieur, sourires et bonne humeur réchauffent l’atmosphère pourtant anxiogène sur le territoire depuis l’annonce de l’exploration de lithium sur différentes communes d’Allier et Puy-de-Dôme.

Mais Bérangère, de l’association « Préservons la forêt des colettes » rassure de ses mots : « Nous faisons le pari de la controverse. Nous ne sommes pas des experts, il nous a fallu travailler des mois, mais ce que nous voulons c’est préserver la nature et donc la vie. Et nous ne ferons pas comme Imerys, à vous dire que nous ne savons pas. »

Il faut dire qu’elle ne parle pas à tort. Nous étions présents à la réunion publique organisée par Imérys. Et nous avions été troublés par les non-réponses aux questions légitimes des habitants du territoire. (Lire notre article ici). Changement d’ambiance ce samedi soir. Les inquiétudes sont remplacées par des affirmations, des recherches et des expertises.

Autonomie énergétique et dérèglement climatique

Ainsi, Patricia, au bureau de l’association depuis 4 ans, rappelle le contexte du dérèglement climatique et de la fameuse neutralité carbone. Aussi, les voitures électriques sont désormais promues par le gouvernement comme seule alternative. Mais, en fond, le besoin incontestable du lithium pour les batteries.

Soit. Pour l’instant, c’est surtout la Chine qui s’est emparé de l’exploitation du métal. La Serbie, sous les contestations populaires a abandonné sa mine. Au Portugal où un projet gigantesque pourrait voir le jour, les mobilisations n’ont de cesse de faire reculer les échéances. Alors, sous couvert d’autonomie énergétique, la France a pris les paris. Avec France Relance qui subventionne largement les phases d’exploration, Imerys a trouvé le bon filon.

Mais d’autonomie, il ne sera pas vraiment question même si le lithium était exploité par ici. Pour les batteries de voitures électriques, il faut du Cobalt, de la manganèse. Des produits arrivant du Congo ou d’Indonésie. Il s’agit donc plutôt de questions économiques qu’écologiques. Et la Chine fait monter les prix. La France se dit donc que c’est le moment.

Le lithium, c’est quoi ?

Mais donc le Lithium c’est quoi ? C’est un infime constituant du granite de Beauvoir. Le granite est une roche compacte composée de Quartz, de Mica ou encore de Feldspatch. Le lithium se trouve dans le mica, à un rendement de 0,9 %. Il faut donc une tonne de roche pour trouver 9 kilos de lithium.

« Imérys soutient pouvoir exploiter sur le site d’Echassières en Allier 34 mille tonnes de lithium par an, soit 3,9 millions de tonnes de roches par an. 95 millions de tonnes sur 25 ans. » Explique Cécile, Ingénieure en Génie Civile. Elle se permet même un petit rapprochement : « Tous les jours, ce sera 5000 m3 de roches, l’équivalent de 2 piscines olympiques au quotidien. » Silence dans la salle. On imagine chacun découvrir les trous tous les matins sur leur territoire. Mais cela n’arrête pas la professionnelle. « En fait, tous les 18 mois, nous aurons l’équivalent d’une pyramide d’égypte de roche. Et par n’importe laquelle : Khéops ! »

Le site est pourtant déjà exploité. Pendant 50 ans, le tungstène a été extrait, à hauteur de 6000 tonnes en 50 ans. Puis, désormais, c’est une carrière de Kaolin qui fonctionne encore aujourd’hui, avec 140 mille tonnes de roches par an.

Mais, le lithium c’est une autre affaire. Une autre ampleur : Ce serait 40 fois plus intense.

Une extraction désastreuse pour l’environnement

Voila pour les faits sur le territoire. Enfin pas complètement, car l’exploitation d’un métal ce n’est pas anodin. Et celle du lithium est très particulière.

Il faut d’abord extraire la roche, avec toutes les vibrations que cela induit et les nuisances qui vont avec. Micro-séisme, bruit, consommation en énergie, camions.

Puis, il faut concasser la roche, et la broyer. afin de récupérer le mica, le recours à l’eau et aux produits chimiques est incontournable.

Enfin, le raffinage sert à sortir le lithium, avec beaucoup d’eau.

Ainsi 99,1 % de la roche extraite, l’eau et les réactifs chimiques seront autant de déchets solides et liquides toxiques. Mais rassurons-nous, même le directeur d’Imerys l’a confié sur France Inter « La mine propre n’existe pas. »

La question des emplois

Alors les habitants se raccrochent à ce qu’ils peuvent. On leur a promis 1000 emplois directs et indirects. De quoi parle-t-on ? le site EMILI sur place sera automatisé. L’usine de transformation sera à moins de 100 kilomètres a-t-on promis.

Mais, on sait déjà que l’usine ne pourra guère employer plus d’une vingtaine d’ouvriers certainement spécialisés. Que deviendront les salariés de la carrière de Kaolin qui devra fermer pour laisser place à la mine (Imerys a vendu toutes ses carrières ces dernières années) ?

Et dans les emplois indirects, parle-t-on du marketing, des transporteurs qui ne seront pas de la région ? Ainsi Bérangère qui a repris la parole interroge : « Combien de sacrifices pour quelques emplois ? »

L’eau : gros point de crispation

La grosse crispation du dossier reste la problématique de l’eau, déjà trop insuffisante depuis plusieurs années. A l’aide de quelques croquis, Cécile explique que quelque soit le pays et la mine, l’eau est la première victime. Les eaux de surface autant que les eaux souterraines. Et l’impact perdure bien au-delà que la période d’exploitation.

Inéris (et non Imérys) analyse les impacts et risques des travaux miniers souterrains sur l’hydrologie. Selon l’Agence de protection environnementale américaine (US EPA) la contamination es eaux par l’activité minière représente l’une des trois plus importantes menaces pour la sécurité écologique au monde au même titre que le dérèglement climatique.

De plus, l’association a évalué qu’un strict minimum de 2 millions de tonnes par an seront nécessaires à Imérys pour exploiter le lithium. Or, 2 millions de m3 c’est quoi ? C’est la production d’eau potable annuelle du SIVOM Sioule et Bouble qui couvre 46 communes, 25 mille habitants et plusieurs centaines d’industries.

Sécheresse et pollution des sols

Pourtant, le territoire souffre déjà de la sécheresse. Les arbres de la forêt des colettes en sont les premiers indices et premières victimes. Un tiers des arbres sont morts de soif.

Etienne, membre du Collectif est un amoureux de sa forêt. Il en parle comme d’une amante. Ses chênes, ses hêtres, et ses conifères. Il ne fait pas de différence entre la forêt domaniale et le reste de l’étendue boisée. « Les nuages, les oiseaux, le vent, les animaux ne font pas la différence entre le privé, le domaine ou le public. » Il raconte les 350 sources qui tentent d’arroser la nature en y coulant de moins en moins. Il rappelle que déjà de nombreux habitants n’ont plus le droit de se servir de l’eau de leurs puits.

Informer par le rire

Alors, il reste cette saynète. 3 membres du collectif jouent le rôle des pour et des contre. De bonne humeur. Sous forme de questions-réponses, comme une ode à la vie, à la nature, et à la sérénité. On rit mais parfois, on a envie de pleurer.

Bérengère termine. La mine, elle n’en veut pas, ni ici ni ailleurs. Parce qu’il existe d’autres alternatives au lithium. Qu’elle ne veut pas de pollution sous couvert d’écologie ni ici ni ailleurs.

Parce qu’elle ne veut pas, ni elle, ni les autres membres de l’association, ni ceux du collectif Stopmines, que le chant des oiseaux se taise. Ni ici ni ailleurs. Parce qu’elle n’est pas dupe. Elle sait que tout ça c’est pour l’argent.

Pour enrichir les déjà riches. le lithium passé de mode quand un autre métal sera plus rentable. Alors elle interroge sur notre consommation. A-t-on besoin de tout ça pour être heureux ? Elle invite à la décroissance, à penser à l’avenir des enfants, à la préservation de la forêt. Elle invite à la vie. La vraie.

David contre Goliath

La réunion se termine. Un verre et quelques morceaux de quiche maison avalés, les gens finissent par partir. La plupart était déjà convaincus. D’autres avaient entendu les arguments d’Imerys. La maire d’un petit village à côté remercie : « Oh ben moi, je n’avais pas compris combien ça allait nous coûter cher en eau. Je vous remercie pour ces explications claires. Ca me fait beaucoup réfléchir sur la nécessité d’un tel projet. » Puis, elle se réfugie dans sa petite voiture. Elle démarre et croise un SUV Range Rover qui ne lui laisse pas la place de passer.

Une lutte collective

On y voit une allégorie. Le combat d’un géant puissant contre le minuscule. Sauf, que sur le perron de la salle des fêtes, ils sont nombreux à se moquer du conducteur énervé, qui ne parvient pas à faire entrer sa grosse voiture dans la petite ruelle. La mairesse, enfoncée dans son siège, finit par passer, faisant un signe de la main. Et l’on se dit alors que c’est peut-être comme ça qu’on gagne à la fin : En forçant le passage, poussé par l’action collective.

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