Droits des étrangers : la mobilisation s’intensifie contre la politique du pire !

Ces dernières semaines, avocats, militants et parents d’élèves poursuivent la mobilisation contre les menaces d’expulsions et la réduction des droits des personnes de nationalité étrangère. Les rassemblements devant les écoles se multiplient et une « Semaine de la honte » organisée par plusieurs avocats a commencé hier pour dénoncer les pratiques du tribunal administratif de Clermont-Ferrand.

Quand l’Europe se dotera-t-elle d’une politique d’accueil digne ? Quand la France le fera-t-elle ? Quand l’État et les préfectures laisseront-ils les étrangers vivre, travailler et étudier sereinement ? Ces questions ne semblent pas être la préoccupation du moment. Si la situation alerte les associations et collectifs depuis des années, l’actualité rappelle l’urgence d’agir.

Dans la nuit du 13 au 14 juin, une embarcation de pêche en provenance de Lybie a fait naufrage à l’ouest du Péloponnèse. À son bord, près de 750 personnes. Presque 80 corps sans vie ont été retrouvés. Des hommes, des femmes, des enfants. Beaucoup d’égyptiens, de syriens et de pakistanais. Des informations mettent en cause les garde-côtes grecs et l’agence Frontex. Le drame met en lumière les failles de la politique migratoire européenne.

Au même moment, en France, une vingt-neuvième loi se prépare sur l’entrée et le séjour des demandeurs d’asile. Une vingt-neuvième loi en quarante ans. « Une nouvelle loi sous la pression des idées racistes et xénophobes, une nouvelle loi Darmanin qui signerait un nouveau recul du droit des étrangers dans notre pays, stigmatiserait toujours plus des exilés et réduirait encore le droit à vivre en famille. Darmanin et avec lui le gouvernement, la droite et l’extrême droite ont décidé de rendre la vie « impossible » aux étrangers victimes des « malheurs du monde » et qui souhaitent reconstruire une existence avec nous, parmi nous. », dénonce le collectif Réseau Éducation sans Frontières 63.

La politique du pire

Le 31 mai, Médiacoop était devant la préfecture du Puy-de-Dôme lors d’un rassemblement contre les expulsions lors duquel parents et enseignants dénonçaient les risques encourus par leurs élèves et leurs familles. Quelques jours avant, nous avions détailler la loi Darmanin dans un autre article.

Dans le Puy-de-Dôme, sous l’effet de la circulaire Darmanin en application depuis l’automne 2022, les obligations à quitter le territoire français (OQTF) et menaces d’expulsions se multiplient. De plus en plus de familles y font face et goûtent à l’insécurité et la précarité. « Certaines de ces familles sont également contraintes de dormir à la rue car rejetées d’un dispositif d’hébergement d’urgence à bout de souffle. Cette politique indigne expulse et renvoie des personnes brisées vers des pays qu’elles ont fuis, sépare des familles et éloigne des enfants de l’école. », déclare également le collectif. « Le préfet régularise sur des situations mais expulse aussi à tour de bras. Il faut qu’on arrive à gérer les situations et à politiser tout ça pour changer le rapport de force. Il faut réussir à converger tout ça contre la loi Darmanin. », explique Simon Lamure du RESF.

Une mobilisation inédite

L’an passé, les expulsions étaient nombreuses. Les années d’avant déjà. RESF et La Cimade dénoncent une augmentation des menaces depuis maintenant plusieurs années. Face à cette réalité, une mobilisation inédite a commencé à Clermont-Ferrand et dans ses alentours. « Je ne sais pas si on a déjà vu une mobilisation comme ça. », confirme Simon.

Le 8 juin, un rassemblement avait lieu devant l’école primaire Nestor-Perret pour soutenir Grâce, Vanessa et leur maman. Cette mère est menacée d’expulsion. Les parents, les enfants et les personnels de l’école ont demandé sa régularisation. Une centaine de personne se sont ainsi réunies avec l’objectif de ne rien lâcher pour permettre à cette maman et à ses filles de continuer à vivre ici.

Le 9 juin, c’était à Jean-Moulin. Suite à un contrôle d’identité, Valentin a été sommé de quitter le territoire français dans lequel il réside depuis déjà 6 ans et où sa fille est née. Il doit être expulsé vers l’Albanie, laissant seuls, sa femme et ses 3 enfants dans une situation très précaire. Dès leur arrivée, Valentin et sa femme ont scolarisé leurs enfants à l‘école, pour leur donner toutes les chances de s’intégrer et construire leur vie en France. Aujourd’hui cette famille est parfaitement intégrée au sein de ces établissements.

Valentin a essayé à plusieurs reprises de trouver un emploi stable en France mais sans papiers, ses efforts sont restés vains. Lui et sa famille ont déjà engagé toutes les démarches pour demander le droit d’asile. Malheureusement ce droit leur a été refusé. Les parents et personnels de l’école Jean-Moulin, très inquiets, ont décidé de se mobiliser en publiant une pétition.

Jeudi 15 juin, c’était à l’école Jean-Philippe Rameau qu’un rassemblement de soutien à une famille albanaise avait lieu. Hier, à Jules Verne. La communauté éducative s’est mobilisée afin d’obtenir la régularisation d’une famille. Alors que la maman a enfin réussi à obtenir un rendez-vous en préfecture, son mari, le père de ses enfants, a été arrêté en faisant ses courses et envoyé directement au CRA de Toulouse. Ni madame, ni monsieur ne connaissent la Serbie. Les parents de madame l’ont quittée pour de bonnes raisons puisque l’asile leur a été accordé ainsi qu’aux deux frères et à la sœur cette dame en 2015 et cela au regard des persécutions subies dans ce pays.

Selon les informations actuelles, près d’une vingtaine d’enfants seraient menacés d’expulsion en tout. Deux au collège Trémonteix de Clermont, trois au collège Albert Camus de Clermont, une au lycée professionnel de Chamalières, deux enfants de la maternelle Jules Verne comme nous en parlons juste au-dessus, un élève de l’école primaire Ferdinand Buisson, les deux de l’école Nestor Peret, trois de l’école Jean Moulin donc, trois également à Victor Duruy, un à l’école Jules Ferry de Cébazat et un autre à l’école Alphonse Daudet.

« J’appelle le 115 mais il n’y a pas de place. Chaque jour je suis logée un peu partout avec mes enfants. Je dors aussi à la rue parfois. Ils ont 5 ans et 6 ans et j’en ai deux autres qui sont plus grands. Mon grand fils est malade, il est suivi à Sainte-Marie. », expliquait une mère de famille, il y a quelques semaines, devant la préfecture.

À l’Université Clermont Auvergne, c’est un jeune étudiant en sociologie, Fodé, qui n’est pas ressorti d’un commissariat et qui a été expulsé après plusieurs semaines passées en centre de rétention administrative malgré la mobilisation de ses camarades et enseignant.e.s.

8 jeunes filles à la rue

Mercredi dernier, une cinquante de militants du RESF 63 ont occupé le proto-habitat installé place de Jaude à Clermont-Ferrand pour alerter sur la situation de 8 jeunes filles. Ces 8 jeunes filles, arrivées seules en France en provenance de pays africains, majoritairement francophones sont actuellement sans hébergement. Ces enfants sont parties pour des raisons diverses et parfois de survie (décès des parents, esclavage, mariage forcé…). Elles ont bravé de nombreuses épreuves, traversé la mer méditerranée dans des embarcations de fortune, et n’ont pensé qu’à ce pays où elles pourraient avoir une meilleure vie, s’intégrer, aller à l’école, apprendre un métier…

À leur arrivée, les jeunes filles se déclarent mineures. Elles sont prises en charge par l’Aide Sociale à l’Enfance. Mais c’est l’ANRAS, association choisie par le Conseil Départemental du Puy-de-Dôme pour évaluer la minorité de ces jeunes qui les « évalue » donc. Elle estime que les filles sont majeures. Ainsi, ces dernières se retrouvent à la rue du jour au lendemain sans aucune ressource ni solution d’hébergement. Au 115, pas de place.

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« Nous avons donc rendu visible la situation de ces jeunes filles et dénoncer le manque d’hébergement d’urgence à Clermont-Ferrand. Nous avons également dénoncé le manque de structures accueillant les mineur·es étranger·es et la politique du Conseil Départemental du Puy-de-Dôme qui en donnant carte blanche à l’ANRAS ne remplit pas sa mission d’accueil et de mise à l’abri de tous ces jeunes. Au-delà même de la question de la minorité, comment accepter de voir ces 8 jeunes filles isolées confrontées à la rue et ses dangers. L’État ne remplit pas sa mission « régalienne » d’héberger ses habitant.e.s et ne respecte une nouvelle fois pas ses engagements dans la protection des femmes vulnérables. », déclare le RESF.

Malgré le succès de cette première action, la Préfecture est restée sourde à la situation. « Y’a rien de plus, on n’a pas de nouvelles. On a fait un courrier au préfet. », nous confiait Simon Lamure lundi. Ailleurs dans Clermont-Ferrand, la préfecture menace d’expulser le squat 5 étoiles et la trentaine de jeunes qui y ont trouvé refuge, comme tant d’autres avant eux.

La honte !

Depuis maintenant plus de 6 mois, l’accès au juge pour les personnes étrangères est entravé par la nouvelle politique du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand. Face à cette situation, un collectif d’avocats et avocates, soutenus par les militants, se mobilise. Cet engagement se concrétise ces jours-ci par la création de « La semaine de la honte ».

 Lassés des pratiques du Tribunal administratif, le collectif d’avocats et les bénévoles mettent leurs forces en commun dès le 20 juin, en rendant publiques, pendant une semaine, des situations iniques et honteuses. Le premier rendez-vous était fixé hier matin à 9h devant le tribunal administratif de Clermont pour faire du bruit.

Et il y avait du monde. Une quinzaine d’avocat et de nombreux militants. C’est rare mais le Conseil de l’Ordre de Clermont et le Conseil de l’Ordre du Puy se sont positionnés. « Mais ce n’est pas un problème d’avocats, c’est un problème de droit dans un contexte où la préfecture fait n’importe quoi. Sous les fenêtres du juge, crions Justice, Droit, Accès aux droits pour les étrangers » tonne Maitre Jean-Louis Borie.

Depuis l’arrivée de la nouvelle présidente du TA, les audiences en urgence sont absentes et le rejet de l’aide juridictionnelle est presque automatique. « Il n’y a même plus de justice. On se dit qu’on ne peut plus rien attendre de cette justice », se désole l’avocate Léa Vaz de Azevedo. Comme un exemple du cloisonnement du tribunal administratif, les portes principales ont été fermées alors même qu’une audience, censée être publique, est en cours. À côté de nous, un homme seul est venu à vélo. Il dit être parent d’élèves à l’école Edgar Quinet. Il est venu car il se dit que ses enfants pourraient être à la même place.

Le RESF 63 appelle avec un ensemble d’organisations à une grande manifestation unitaire mercredi 05 juillet au départ du Rectorat de Clermont-Ferrand en direction de la Préfecture du Puy-de-Dôme derrière un mot d’ordre simple : « PAS DE CHAISE VIDE DANS LES CLASSES A LA RENTRÉE ! ».  

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