Le comité Justice et vérité pour Wissam porte le combat à Paris

Après 7 ans de lutte, le comité Justice et vérité pour Wissam se prépare à mener le combat jusqu’à la capitale. Un rassemblement est organisé ce samedi 5 janvier, à la Fontaine des innocents à Paris. Farid El Yamni, membre du collectif, nous en parle.

Alors que s’enchaînent lois sécuritaires et renforcement de l’arsenal de maintien de l’ordre, l’action policière semble faire de plus en plus de victimes. Il y a quelques semaines, une retraitée était tuée par un tir de grenade lacrymogène ; hier, un jeune homme est mort à Lille, après avoir reçu une balle de la police le 1er décembre. Dans ce contexte, le comité Justice et vérité pour Wissam continue de se battre pour faire la lumière sur le décès de Wissam El Yamni, en janvier 2012, après avoir été passé à tabac par des policiers dans le commissariat de Clermont-Ferrand (1). Samedi, c’est à Paris que le collectif a décidé de porter le combat, pour la première fois en sept ans. Membre du comité et frère de Wissam, Farid El Yamni nous aide à comprendre cette action et son contexte.

Pourquoi organiser ce rassemblement devant la fontaine des innocents, ce 5 janvier ?

Ça correspond aux 7 ans de la mort de Wissam, et quand on disait « pas de justice, pas de paix », ce n’était pas seulement des mots. Alors on va continuer à se faire entendre. On va rappeler qu’on est toujours là, rappeler les faits, interpeller la capitale qui est le centre du pouvoir. C’est là que se trouvent les supérieurs hiérarchiques de ceux qui sont responsables de cette affaire. Ils ont les moyens de toucher beaucoup de monde avec leur propagande mensongère, mais nous, nous pouvons nous adresser directement au peuple, utiliser les médias indépendants, pour parler des injustices qu’on subit, qui sont liées à l’histoire de mon frère. Ils essayent de nous embourber, alors on prend de l’espace. Nous sensibilisons toujours plus de personnes, unes par unes. Nous voulons également en profiter pour établir des connexions, faire en sorte de ne pas rester isolés à Clermont.

Une action des Gilets jaunes est attendue le même jour, une convergence est-elle prévue ?

Nous n’avons pas appelé les gilets jaunes à nous rejoindre en tant que tel. Ceux qui veulent et qui peuvent venir soutenir notre combat sont invités. Tous ceux qui sont là pour défendre des droits, pour une société plus juste, sont les bienvenus. On est solidaires des gilets jaunes et de leur combat, de la criminalisation qu’ils subissent… Mais il faut s’unir avec nos particularités, ce sont elles qui nous donnent notre force, et l’action de samedi est dédiée au combat pour Wissam. Le comité soutient les autres luttes, là on espère que les autres vont venir nous soutenir. Lorsque les différents membres du comité ont participé aux rassemblements des gilets jaunes, ils ont été très bien reçus, et ça nous a fait énormément plaisir. Les gens comprennent notre combat, alors même que l’État souhaite isoler les injustices. Mais nous sommes les plus nombreux parce que nous sommes le peuple, et les gilets jaunes l’ont compris. Alors ils sont solidaires de notre combat, et nous du leur.

Ce contexte de mouvement social et de forte répression rend-il la population plus sensible à votre cause ?

On ne recherche pas à ce qu’il y ait plus d’injustices pour que les gens nous soutiennent. Mais à force de parler, de dire la vérité… L’expérience est source de pensée, on comprend mieux quand on voit les injustices. Et les gens ne peuvent plus faire comme s’ils ne savaient pas, ça vient corroborer tout ce qu’on dit depuis des années. Quelqu’un qui est sensibilisé ne peut plus faire semblant, c’est ça qui entraîne la conscientisation de masse.

Un homme a est mort hier à Lille après que la police lui a tiré dessus, et on ne compte plus les témoignages de violences policières depuis quelques semaines. En sept ans de combat, vous avez ressenti une augmentation de ces violences ?

Je n’aime pas réfléchir en terme d’augmentations ou de diminutions, une injustice est une injustice. Mais structurellement, il y a une dégradation de l’état de droit, qui permet ces injustices. Tous les gardes fous sont en train d’exploser. Les enquêteurs peuvent faire ce qu’ils veulent, et même ne rien faire du tout. Ils peuvent ne pas entendre les témoins, ne pas faire la vérité médicale… On donne toujours plus d’occasions à la police de faire n’importe quoi. Récemment, une loi a été votée pour anonymiser les procès verbaux (2), ce qui était encore la seule chose qui permettait de trouver le responsable quand la police mentait sur le procès verbal. Pour Wissam, ils ont pris des photos au bout de dix jours d’hospitalisation, lorsqu’il était cicatrisé, et les ont anti-datées. Il y a une personne qui doit répondre de ses actes, sur cette histoire de photos trafiquées. Avec cette loi, il n’y a plus de responsable !

Structurellement, il y a une dégradation de l’état de droit, qui permet ces injustices. Tous les gardes fous sont en train d’exploser.

À chaque fois, la loi vient permettre l’impunité. Il y a des condamnations pour avoir fait des faux, donc on passe cette loi sur l’anonymat des procès verbaux. Il y a des condamnations pour des tirs dans le dos, donc on passe la loi sur la présomption de légitime défense. L’État est en train de nous diriger dans l’abîme.

Tu parles de dégradation structurelle, de responsabilité de l’Etat…

Les gens à la tête de ce pays ont oublié de servir et de protéger le peuple, pour se servir et se protéger eux-mêmes. Ils trahissent, et se servent de leurs chiens de garde pour se mettre entre eux et le peuple. Mais à force de prendre des coups, on comprend d’où ils viennent. Et les événements ne sont pas indépendants : quand on honore des policiers qui tuent, quand on donne la légion d’honneur à Houellebecq qui appelle à la guerre civile contre l’Islam, quand BFM ne fait qu’appeler à dénoncer les violences et s’enthousiasme sur les charges à cheval… On ne peut pas s’étonner que les violences augmentent.

Et concernant l’affaire Wissam, où en est-on ?

On demande à ce que les témoins du commissariat soient entendus par le juge d’instruction, sans passer par la police des polices qui les a écartés. Qu’on rétablisse la vérité médicale, et que la lumière soit faite sur tous les dysfonctionnements qu’on a pointés du doigt, notamment les photos trafiquées. En deux semaines, les spécialistes ont connu les raisons de la mort de Lucy, morte il y a plusieurs millions d’années. Wissam est mort il y a 7 ans.

Le comité Justice et vérité pour Wissam organise également une soirée publique le lundi 7 janvier, à 20 heures à l’Université populaire et citoyenne, pour faire un retour sur l’action à Paris et organiser les prochains événements. 

(1) Chronologie Générale de l’affaire Wissam El Yamni

(2) Vers l’anonymisation complète des flics dans les procédures juridiques

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