» j’arrêterai d’avoir peur le jour où il sera mort »

Peur de celui que l’on aime, que l’on croit aimer, auquel on a cru. Peur jusqu’à devoir fuir, jusqu’à se protéger pour ne pas mourir. Peur pour rester en vie. Réussir à partir, et se reconstruire. L’histoire de Natacha est celle d’une femme violentée. Elle a décidé de se confier à nous…Pour les autres, toutes celles qui culpabilisent, se sentent responsables…

 

Natacha est célibataire, elle a 26 ans. Elle part rejoindre sa cousine dans le nord pour un week-end entre filles. C’est dans un bar, qu’elle le voit pour la première fois. C’est le patron d’un lieu tendance. Il est beau et ne voit qu’elle. Elle se sent vibrer, aimer, séduite et séduisante. Elle passe finalement toutes ses vacances près de lui. Puis tous les week-ends.  » On vit des moments magiques « . Natacha est sur son petit nuage. Elle ne peut pas quitter son travail à Clermont-Ferrand, ni l’appartement qu’elle a acheté. Alors moins d’un an après leurs rencontres, c’est lui qui décide de tout plaquer et de venir s’installer auprès de sa belle. Natacha est comblée. D’autant plus, que d’une première union Jacques a eu deux adorables petites filles qu’elle adore garder les week-ends, quand elles viennent chez leur père.  » C’est toujours plus tard que tu entrevois les alertes…Je me souviens de cette fois où la grand-mère maternelle des filles me dit discrètement qu’elle laisse les enfants, parce que je suis là, mais qu’elle ne les laisserait pas à leur père… » Pourtant, Natacha ne voit rien, juste un homme éperdument amoureux. «  Je ne comprenais pas que ce type d’homme puisse s’intéresser à moi, son ex était médecin, je me sentais si nulle à côté… » Natacha n’est pas intriguée non plus par la rapidité avec laquelle Jacques a lâché son affaire dans le Nord pour la rejoindre.  » Tu sais quand tu aimes quelqu’un, tu ne veux pas voir certaines choses… » Ils partent en vacances. Natacha y découvre qu’elle est enceinte. A l’annonce, son homme semble heureux. Natacha pourtant, n’est pas très rassurée. Dernièrement, il a frappé son chien violemment devant elle. Elle n’avait jamais vu cette facette de lui. Pendant la grossesse, il se dévoile davantage, avec des périodes cycliques qui passent du bien-être à la dépression. Il se met en colère pour rien. Alors qu’il a retrouvé un travail grâce à la famille de Natacha, il sombre quelques fois dans l’alcool et est incapable de se lever. Dans ces moments-là, il est capable des pires propos «  Tu ne ressembles à rien« ,  » tu n’es qu’une fille à papa« , «  tu ne réussiras jamais sans moi« . Un jour, alors qu’ils se promènent place de Jaude, à Clermont-ferrand, avec les deux petites filles, Natacha part retirer de l’argent pour payer une glace. Elle est enceinte de 6 mois. Sans la prévenir, alors qu’elle est au distributeur, il part en voiture, la laisse là. Obligée de rentrer seule. Quelques semaines plus tard, juste avant l’été, il fait une crise cardiaque. Natacha va le voir deux fois par jour. Mais il est exécrable. Elle tient, car elle l’aime se dit-elle et elle porte son enfant. Un week-end, alors qu’il est toujours en convalescence, il lui demande de le déposer au macdo. Alors qu’elle sort de la voiture, il sort son portable et la prend en photo. Puis lui montre le cliché qu’il vient de prendre en lançant : «  Regarde-toi, tu es horrible, tu me fais honte« . Natacha part en larmes. Puis se ravise. «  C’est l’homme que j’ai choisi, je porte son enfant, il n’est pas parfait mais je l’aime…voilà ce que je me suis dit ce jour-là » Lorsqu’elle décide de rentrer, il est en train de trinquer à sa santé. Il refera une crise cardiaque quelques jours plus tard…

Les semaines défilent. Jacques est de plus en plus rongé par l’alcool. «  Ses phases cycliques de dépression et de violence sont de plus en plus rapprochées« . Jacques le répète : tout est la faute de Natacha. Alors, la jeune femme culpabilise, et tente à chaque fois de se faire pardonner, d’être de plus en plus sage et parfaite. Elle finit par accoucher d’un petit garçon. Elle a peur pour lui, elle a peur de l’homme avec lequel elle a créé cette petite vie. Lorsqu’elle reprend le travail, elle ne veut pas le laisser garder le bébé. Il boit trop. Un jour, elle retrouve son bébé allongé sur le carrelage, au milieu des mégots de cigarettes, pendant que le père cuve à l’étage. «  A cette période, parfois, je ne vais pas travailler, j’ai des absences injustifiées. Mais je ne me résous pas à lui laisser mon enfant« . Au fur et à mesure, elle découvre, qu’il est interdit bancaire. Mais, affaibli par ses crises cardiaques, l’homme lui fait de la peine. Et pourtant, elle a de plus en plus peur de rentrer chez elle  » le seul endroit où j’étais bien, c’était à mon travail… »

Natacha voudrait le fuir, mais reste. Pourtant, il la dégoute, tant et si bien que, sexuellement, il la force, elle le supplie de rester loin, mais il la prend par les cheveux en pleine nuit, alors qu’elle dort, la descend dans le salon ou il l’oblige à regarder un film porno pendant qu’il se masturbe. «  Le film était d’une violence infinie mais il m’a obligée à le regarder« . Jacques lui répète : «  Voilà ce que je suis obligé de faire à cause de toi qui ne baises plus ». 

Les amis se font de plus en plus rares. Il leur interdit parfois la visite. Il s’est même battu avec certains d’entre eux. Bizarrement, à cette époque, Natacha instinctivement met des petites croix dans son agenda, dès qu’il est violent, dès qu’il est saoul, puis elle se met à noter toutes les menaces et insultes. Devant un copain, il lui fait écrire  » Je ferai 15 minutes de sexe par jour » .

Ce n’est qu’à cette période, après des mois d’angoisse, que Natacha prend réellement conscience qu’elle doit partir. Il le sent, il sent qu’elle lui échappe, alors un soir, il prend un couteau, un long couteau de boucher, et lui entre délicatement dans le nombril avec cette phrase : «  si je veux, je te tue« . Puis repart, laissant Natacha en pleine angoisse, contre le mur de la cuisine.

Quelque jours plus tard, il veut s’en prendre au père de Natacha. «  Moi je me suis mise entre les deux pour qu’il ne le frappe pas. Mais c’était sûr qu’en rentrant le soir, j’allais prendre cher ». Effectivement, arrivés à la maison, alors qu’elle monte coucher le petit, il se met à genoux devant la cheminée et la demande en mariage. Elle refuse. Il se tape la tête contre la pierre de la cheminée. Elle se réfugie dans sa chambre. Il la suit. Devient violent. Elle appelle la police. les agents arrivent mais repartent sans l’embarquer. C’est elle qui est obligée de partir de la maison qu’elle a payé seule. Il est totalement saoul. C’est un copain à Natacha qui va venir surveiller le petit, le temps que Jacques s’endorme. Une fois l’ivrogne dans les bras de Morphée, il appelle Natacha pour qu’elle vienne sans bruit récupérer son enfant. Elle passera sa nuit chez ses parents. Mais le lendemain, la nounou l’appelle. Il est venu récupérer le bébé, et il était terriblement saoul. Mais, elle le sait déjà, il lui a envoyé un message pour lui dire :  » Si tu veux revoir ton enfant, tu dois rentrer seule à la maison  » . Elle reviendra mais accompagné, pour reprendre le petit. Pendant plusieurs jours, elle se cache. Quand elle revient chez elle, elle découvre une maison détruite: Plus de fenêtres, des coups de couteau dans les murs, le papier peint lacéré.

Natacha vit encore dans cette maison. Elle montre tous les stigmates de la violence qui ont entaché les murs à jamais. Dans le salon, le mur est enfoncé à plusieurs endroits, les coups de couteau sont encore visibles.

De cette nuit-là, de cette nuit durant laquelle, il a aussi arraché le portail et cassé la voiture, elle se rappelle le silences des voisins, elle se rappelle que les policiers étaient 6 pour le sortir. Elle se rappelle que devant eux, il l’a encore menacée : «  Toi, tu es foutue, tu es pire qu’une abeille dans un bocal… » Elle repart avec la police. Lui ne sera pas embarqué malgré les dégâts. Il restera là, dans la maison de Natacha.

Alors qu’elle est réfugiée chez ses parents, elle continue à subir son harcèlement.  » Du chantage à l’enfant qu’il allait venir me kidnapper, à l’annonce à caractère pornographique avec mon numéro. Du coup, j’ai reçu plein de coups de fil obscènes par d’illustres inconnus… » 

Un jour, c’est avec une pioche qu’il débarque chez les parents de Natacha. Elle en est, alors,  à sa 9eme plainte, il n’a toujours pas été embarqué. Mais ce jour-là, il fera 24 heures de garde à vue.

Aujourd’hui, Natacha a gagné une procédure aux affaires familiales. Elle a l’autorité parentale exclusive. Pour cela, il aura fallu 4 ans et 9 reports d’audience. «  Alors que les choses étaient simples, ce père a quand même pris l’argent sur le compte de son fils pour pouvoir s’acheter une voiture, ça devrait suffire ça à dire que ce père n’est pas un bon père… » Un jour, il s’agace contre le juge, qui, pris de panique, appuie sur le bouton fixé sous son bureau. l’avocate dira alors juste  » Vous voyez ce que vivait Natacha? Sauf qu’elle n’avait pas de petits boutons quand elle avait peur… » 

Au pénal, l’homme, après 2 ans et demi d’enquête et trois reports prendra 6 mois de prison avec sursis…et quelques centaines d’euros pour le préjudice moral.

Natacha a réussi à quitter cet homme, il y a 11 ans, grâce au soutien de ses parents et de ses amis. «  Ce n’est pas grâce à la police en tous cas... » Depuis, l’homme est reparti dans le nord, où il vit, depuis le décès de son ex médecin, la mère de ses deux premières filles, dans la maison familiale. Deux autres femmes ont appelé Natacha, elles deux, victimes aussi de cet homme. Il s’était même remarié. Mais le mariage n’a pas duré.

Il y a un an et demi, Il a rappelé Natacha pur lui dire que ce serait bien qu’ils aillent se promener tous les 3, elle, lui et le petit…Elle a préféré ne pas répondre. Il a essayé de la joindre par les réseaux sociaux…Mais Natacha a refait sa vie, a eu une petite fille il y a maintenant 5 ans. Elle se reconstruit. «  Ca va mieux, j’ai soigné mes tocs. Avant, je fermais la porte plus de 10 fois pour être bien sûre. J’avais peur de toutes nouvelles plaques d’immatriculation. Quand il y a eu les nouvelles réglementations, j’en ai fait des crises d’angoisse… » Natacha continue à vivre dans cette maison, à travailler. Mais quand avant de partir, je lui demande si elle se sent désormais en sécurité, elle me fixe longuement et répond: «  Je ne souhaite la mort de personne, mais je crois que le jour ou il mourra, je pourrai enfin dormir tranquille…On ne se remet jamais complètement de ce genre de cauchemar… » finit-elle en chuchotant. Son petit garçon de 12 ans vient d’entrer pour prendre son goûter…

 

 

Nos actionnaires, c'est vous.

Aidez-nous à rester gratuit, indépendant et sans pub :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

nos derniers articles
Cet article vous a plu ?

Soutenez le Cactus !

Le journalisme a un coût, et le Cactus dépend de vous pour sa survie. Il suffit d’un clic pour soutenir la presse indépendante de votre région. Tous les dons sont déductibles de vos impôts à hauteur de 66% : un don de 50€ ne vous coûte ainsi que 17€.