Récit de la “Marche des fiertés“ clermontoise

Pour défendre la cause de la communauté LGBTQIA+, deux “Marches des fiertés” se sont tenues en ce samedi 6 juillet, à Clermont-Ferrand. L’une étant organisée par le Collectif “Outrecuidance 63” (“Queer Auvergne” ; “Coordination libertaire 63” ; “Solidaires Etudiant.e.s” ; “NPA 63” ; “Hôtel des vil(e)s” ; “Bas les pattes” ; … et l’autre, par l’association “Socle EGLC”. Malgré cette brouille entre organisateurs, 500 personnes ont tout de même défilé dans les rues clermontoises. Médiacoop a couvert l’une des deux marches… 

14 heures. Sous un soleil de plomb, une trentaine de personnes sont déjà réunies devant le parvis de la gare SNCF, cherchant désespérément l’ombre qui fait cruellement défaut. Quelques drapeaux arc-en-ciel, emblèmes de la communauté LGBTQIA +, viennent donner à ce 6 juillet une couleur toute particulière. Car aujourd’hui, l’édition 2019 de la “Marche des fiertés” se tourne symboliquement vers la commémoration des émeutes de Stonewall[1]de 1969. « C’est un évènement aussi inédit que spontané qui a marqué la réelle éclosion du militantisme LGBT à l’échelle mondiale » précise Camille, femme transgenre et membre de l’association Queer (ex Agile). 

« Cette marche est une manière d’occuper l’espace pour montrer que l’on existe »
« – de mitraillettes ; + de paillettes »

Ayant participé à l’organisation de cette nouvelle “Marche des fiertés”, Camille explique que la tenue d’un tel évènement est d’une importance cruciale : « Ce genre d’évènement est essentiel car aujourd’hui encore il y a un truc sociétal qui fait qu’il ne faut pas sortir de la norme qui t’est imposée. Alors, cette marche est une manière d’occuper l’espace pour montrer que l’on existe ». Pari gagné pour les organisateurs puisque, très vite, 200 personnes rejoignent le point de ralliement dans la joie et l’allégresse. 

Malgré des préparatifs réalisés à la hâte, Morgane Vigouroux, présidente de l’association “Queer Auvergne“, semble satisfaite : « C’est bien que ce genre d’évènement puisse attirer du monde. Cela permet à la communauté LGBTQIA+ d’être plus visible en province. Car, il faut savoir que dans plusieurs petites villes, il n’y a pas d’associations et donc, aucune “Marche des fiertés” n’est organisée. Avant, ça se passait surtout à Paris mais je crois qu’il faut déconstruire cette centralité pour que les gens puissent, même en province, se retrouver et discuter ensemble… Et surtout, se sentir représentés. Et d’autre part, face à la recrudescence des agressions commises contre des personnes LGBT, il faut montrer que l’on a pas peur et que l’on est bien présent dans l’espace public ». 

« “Les Sœurs de la Perpétuelle Indulgence” est une association internationale de lutte contre les discriminations et la connerie humaine »

A quelques mètres de nous, deux femmes attisent la curiosité populaire. L’une d’entre elles, le visage couvert de peinture blanche, porte une robe de prière ornée d’une croix catholique rouge. Déguisée en none, Psychée détonne dans le paysage où dominent surtout les couleurs de l’arc-en-ciel. Il en va de même pour sa camarade garde-cuisse Catwoman, couverte de cuir et de paillettes. Pourtant, malgré l’attention qu’elles suscitent, ces dernières sont bien connues de la communauté LGBTQIA+. Et pour cause, il s’agit en réalité des “Sœurs de la Perpétuelle Indulgence”… Une association LGBT internationale dont les organisations locales sont réparties en « couvents » (84 dans le monde).

Les Soeurs de la Perpétuelle Indulgence

En dépit des apparences, cette « congrégation LGBT » n’est en aucun cas un ordre religieux, elle en reprend seulement les codes vestimentaires et le champ lexical. Ainsi, depuis quarante ans, “les Sœurs de la Perpétuelle Indulgence” (couvent des monts) détournent de façon festive et théâtralisée l’habit des religieuses catholiques. L’une d’entre elles explique le but de leur mouvement associatif : « C’est une association internationale de lutte contre les discriminations (homophobes, transphobes, etc.) et la connerie humaine… née en 1979 à San Francisco. Quelque part c’est un pied de nez à la religion catholique. Mais ce n’est pas seulement de la provocation car nous faisons également passer des messages de prévention sur les IST et le VIH. D’ailleurs, depuis 1993, nous organisons des séjours de ressourcement pour les personnes concernées par le VIH. Le but est de leur apporter du bien-être et de l’estime de soi car, être touché par cette maladie, c’est souvent se retrouver mis à l’écart de la société, comme les lépreux d’autrefois ». 

« Si les luttes sociales m’ont appris une chose, c’est que ces droits ne sont jamais acquis »
Dessin de Laurier The Fox (Pour voir son portfolio, cliquez ici)

14 heures 45. L’heure est aux prises de parole habituelles. Mais le discours le plus marquant est sans nul doute celui de l’auteur de BD Laurier The Fox, parrain de l’édition 2019 de la “Marche des fiertés” : « Cette année, nous célébrons les émeutes de Stonewall. Un soulèvement en réaction aux violences policières qui a eu une influence directe sur nos droits et sur nos vies : dépénalisation et démocratisation de l’homosexualité à travers le monde. […] Or, si les luttes sociales m’ont apprises une chose, c’est que ces droits ne sont jamais acquis. Il faut continuer à combattre pour trouver le moyen de lutter contre le VIH ; il faut combattre pour faire évoluer les mentalités concernant les personnes transgenres ; lutter pour la PMA et la filiation pour tous ; dénoncer et refuser le pinkwashing ; combattre les violences policières… ». 

L’équipe de football LGBT tenant la banderole de tête

Galvanisés par la force des mots, les 200 individus présents s’élancent comme un seul homme dans les rues clermontoises. L’ambiance y est festive et la jeunesse majoritairement représentée. Visiblement heureuses de partager ensemble ce moment unique, certaines personnes n’hésitent pas à esquisser quelques pas de danse. En tête de cortège, l’équipe de football (essentiellement composée de réfugiés LGBT), récemment créée par l’association “Queer Auvergne”, montre l’exemple.

La marche s’annonce longue avec 4 kilomètres au programme, avant de rejoindre, en musique, la Place de Jaude. Or, malgré la chaleur, personne ne se plaint. En chemin, quelques badauds immortalisent la scène grâce leur portable instinctivement brandi. En outre, nous avons également droit à toute une série de slogans mis en évidence sur des pancartes préalablement réalisées lors d’ateliers interactifs : « Mon corps, mes choix, ta gueule » ; « Ôte ton sexe de mes papiers ! » ; « Fais-moi chier et pan dans ta gueule ! » ; …

Une minute de silence : La fête laisse place au recueillement
Minute de silence pour rendre hommage aux victimes homosexuelles, assassinées dans les camps de la mort

15 heures 30. La fête laisse place au recueillement. La musique est interrompue et le cortège fait halte devant le monument aux morts, situé Rue Montlosier. Dans le plus grand des calmes, une minute de silence est observée pour rendre hommage aux victimes homosexuelles, assassinées dans les camps de la mort durant la seconde guerre mondiale. Comme un symbole, “Les Sœurs de la perpétuelle Indulgence” s’agenouillent pieusement face à ce mémorial au pied duquel une gerbe y est déposée. Car, si la « Marche des fiertés” est un moment de fête et de joie, c’est aussi l’occasion de se remémorer ces fragments d’Histoire qui n’ont rien d’un détail. 

Arrivée du cortège sur la Place de Jaude

Suite à ce temps d’arrêt commémoratif, la cortège se remet en marche pour rejoindre la Place de Jaude en passant par le quartier Universitaire. Une fois la célèbre place clermontoise atteinte, la plupart des personnes présentes se réfugient à l’ombre. Or, tout ne se passe pas exactement comme prévu. En effet, contre toute attente, les deux cortèges du jour (la seconde “Marche des fiertés”) se croisent succinctement à proximité de la statue équestre de Vercingétorix. Un aléa sans graves conséquences qui contribue néanmoins à désorganiser le mouvement dont nous faisons parti. Toujours est-il que l’objectif principal des organisateurs est atteint : Donner de la visibilité à la communauté LGBTQIA+ et faire entendre sa voix.


[1]Il y a cinquante ans, dans la nuit du 28 au 29 juin 1969, une descente de police au Stonewall, un bar gay de New York, avait provoqué une série de manifestations violentes.

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