Des salariés en grève à l’ADSEA 63

L’Association Départementale de Sauvergarde de l’Enfance et l’Adolescence du Puy-de-Dôme connaît quelques turbulences notamment depuis la restructuration de la maison  » Arc-en-Ciel » qui accueille une quarantaine d’enfants. Retour sur un conflit dû notamment au manque de moyens alloués à la protection de l’enfance.

Dirigeants associatifs et salariés travaillent depuis février 2017 à l’élaboration d’un nouveau planning pour la Maison d’Enfants à Caractère Social (MECS), Arc-en-ciel. Cette maison accueille une quarantaine d’enfants, retirés de leur famille. 16 éducateurs  » internats » et un éducateur de jour travaillent 365 jours par an sur cette structure. Le bâtiment est neuf, il a été innové en novembre 2017, avec un investissements de 5 millions d’euros du Conseil départemental et 600 mille euros engagés par l’association ADSEA, gestionnaire de la MECS.

Depuis début septembre, de nouveaux plannings et une nouvelle organisation ont été proposés aux salariés. «  Notre ancien planning ne respectait pas assez la législation. Nous pouvions travailler 18 heures d’affilée.  » Explique le collectif des salariés en grève illimitée (et regroupant les 17 éducateurs travaillant sur le centre.) Aujourd’hui, la nouvelle grille colle davantage aux droits du travail. Pourtant, les salariés dénoncent des dysfonctionnements. «  Il est vrai qu’hormis quelques petits manquements au droit du travail qui persistent, notre grille est certainement plus légale, pourtant, nous déplorons qu’aucun accord d’entreprise n’ait été signé. Nous n’avons pas pu être écoutés sur le fonctionnement et la vie de notre structure. Par exemple, on nous a donné un planning sur 16 semaines, or, la loi est claire, le cycle ne doit pas dépasser 12 semaines. Nous demandons de remplacer notre présence la nuit par celles de veilleurs de nuit. Nous demandons cela non pas pour notre confort mais pour celui des enfants. Quand nous travaillons de nuit, nous ne pouvons être présents la journée… »

Les éducateurs expriment surtout leurs craintes concernant le fonctionnement. «  Nous travaillons par groupe. 4 groupes pour 4 éducateurs. 10 enfants par groupe. Avant, nous étions fixes sur nos groupes, nous nous occupions toujours des mêmes enfants et cela nous semble indispensables pour leur sécurité affective, notamment. Désormais, nous tournons sur les groupes, c’est évidemment un contexte moins serein pour des enfants qui ont besoin d’apaisement. »

Les enfants accueillis à Arc-en-Ciel sont effectivement des enfants qui ont été retirés de leur famille car couraient un grand danger.  » Il faut savoir que le placement en maison est le dernier recours, que cela intervient après de nombreuses actions, car on essaie au maximum de laisser un enfant chez lui. Quand un enfant arrive ici, c’est qu’il a vécu des choses dures, il est souvent passé par des familles d’accueil. ici, il devrait pouvoir s’apaiser et se reposer sur son éducateur. »

Selon les salariés, le nouveau planning nuit davantage aux enfants accueillis.  » Le week-end, nous ne sommes plus que trois groupes. Car, désormais l’ADSEA accueille plus d’enfants qui retournent chez eux le week-end, ça limite la présence au centre, ça réduit les effectifs des salariés, et donc les coûts. Notre direction, de toutes façons, ne nous parle que de budget à respecter, quand nous, nous parlons bien-être des enfants. Les enfants se retrouvent perturbés et nous nous retrouvons avec une charge de travail encore plus importante. Nous assumons un encadrement pauvre et nous nous y refusons.  »

La direction, quant à elle, s’explique : «  Nous sommes dans une crise structurelle, notre priorité reste le bien-être des enfants mais nous avons malheureusement pas assez de moyens pour pouvoir mettre tout en oeuvre pour que ce soit parfait. Nous allons rencontrer le conseil départemental qui est notre financeur pour expliquer la situation. Notre situation est compliquée, nous sommes structurellement déficitaire. Et c’est vrai, que nous devons jongler entre les besoins fondamentaux de l’enfant, la législation du travail et la gestion budgétaire de notre association. Ca devient très compliqué…nous n’avons aucune marge de manœuvre. Nous avons mis en place des grilles sur 16 semaines car nous avons 16 éducateurs et qu’il fallait le faire le plus juste possible. C’est un consultant extérieur qui s’est chargé de cela. Concernant les nuits, nous pensons qu’il est important que des éducateurs soient présents. ce sont des moments difficiles pour les enfants. Mais nous aimerions aussi pouvoir embaucher 2 autres veilleurs de nuit, or, les budgets ne nous le permettent pas.  »

La direction de l’ADSEA reconnaît que la situation n’est pas idéale. «  Nous avons de plus en plus d’enfants qui vont mal, nous avons peu de solutions à leur proposer, les éducateurs sont alors mis à mal. Certains craquent. Nous avons remis pas mal de choses en place, avant les gens étaient en contrats aidés et sous payés, désormais, chacun respecte des horaires légaux et sont payés avec la convention collective. Mais, il est évident qu’il n’y a pas assez d’argent pour la protection de l’enfance et qu’on arrive à des situations compliquées. »

Les salariés redoutent justement que faute d’investissement et d’écoute de la part de leur direction des situations catastrophiques adviennent . «  Il y a peu de temps, une ancienne accueillie nous a confié que chaque week-end, elle rentrait chez elle, et que chaque week-end, elle se faisait violer par son père, qu’elle ne nous a jamais rien dit. Il ne faudrait pas que sous prétexte de budget à respecter, on détruise des vies alors que nous sommes là pour les sauver… »

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1 réflexion sur “Des salariés en grève à l’ADSEA 63”

  1. 4 éducateurs par groupe de 10 enfants ? Si c’est bien exact, cela ne respecte-t-il pas la norme ?
    4 éducateurs permanents par groupe, sans trop de changements, c’est essentiel au plan sécurité affective de l’enfant, quel que soit son âge, mais surtout s’il s’agit de jeunes enfants.
    Certes, l’organisation fonctionnelle, c’est tout aussi essentiel. Un éducateur référent par enfant, par exemple, pour le suivi et la relation avec la famille et l’extérieur, c’est tout aussi essentiel (je dis bien « éducateur », et non personnel de direction de l’institution, comme cela se passe parfois).
    Quant aux nuits, pendant les congés d’un ou deux veilleurs, et à titre exceptionnel, cela pose-t-il problème ? — Vous allez dire que je m’occupe de ce qui ne me regarde pas, ce qui est vrai, mais je témoigne quand même de ma longue pratique en tant qu’éducateur en structure d’hébergement puis de responsable. Bon courage !

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