Accident à la SNCF : la privatisation en cause ?

La semaine dernière, un accident de TER suscitait la colère des cheminots, ré-ouvrant le débat sur les suppressions de postes de contrôleurs. Un arbre qui cache une forêt touffue : la privatisation amorcée de la SNCF, et avec elle les sacrifices consentis sur l’autel de la rentabilité.

L’affaire a fait grand bruit : mercredi 16 octobre, un train percutait un convoi en panne sur la voie ferrée, faisant 11 blessés parmi les 70 voyageurs. Les dispositifs d’alerte ne résistent pas au choc, laissant au conducteur blessé la responsabilité de mettre en sécurité les passagers et de prendre des mesures d’urgence pour éviter un sur-accident. Que se serait-il passé s’il avait été inconscient, ou bloqué dans sa cabine ? Derrière cette question, c’est d’abord « l’équipement agent seul » (EAS), qui permet à un train de circuler sans contrôleur à bord, qui est remis en cause. « C’est un dispositif qui est utilisé depuis une quarantaine d’années en Île-de-France, mais ici, les problématiques sont différentes » explique Hervé Gonthier, secrétaire régional CGT cheminots Auvergne-Nivernais. « Il y a de véritable zones blanches en Auvergne : un train peut rouler 45 minutes entre deux gares, y compris dans des endroits où il n’y a pas de réseau téléphonique. » Ce qui n’empêche pas la SNCF de retirer progressivement les contrôleurs de ces lignes, laissant les conducteurs seuls responsables de la sécurité à bord. Pour le syndicaliste, les conséquences sur la sécurité des passagers sont déjà visibles, avec des incivilités qui augmentent, et même des agressions qui ont lieu à bord. Quant aux équipements de sécurité qui ont dysfonctionné, « ça fait des années qu’on dit qu’ils ne sont pas fiables en cas de choc. L’accident de mercredi aurait pu être dramatique. »

Des craintes pour la sécurité des passagers et du personnel qui ont entraîné le recours massif au droit de retrait des cheminots, en fin de semaine dernière. Une cessation de travail que le secrétaire d’État aux transports a qualifié de « grève surprise », tout comme la direction de la SNCF qui a menacé les cheminots de poursuites, avant de se raviser pour préférer des suspensions de salaires. « Il s’agit bien d’une situation dangereuse pour les usagers et le personnel, ce qui a été démontré par l’accident », estime Maître Borie, avocat de Sud rail. Pour lui, l’exercice du droit de retrait était donc légitime et conforme à la loi. Ce qui expliquerait le rétropédalage de la SNCF sur les attaques en justice, mais pas le maintien des suspensions de salaires. « Je ne sais pas ce que vont décider les cheminots qui sont concernés, mais c’est tout à fait possible qu’ils obtiennent gain de cause s’ils décident de contester ces suspensions aux prud’hommes », confirme l’avocat. De son côté, Hervé Gonthier estime qu’il ne s’agit que de menaces pour décourager les mobilisations. « Ce n’est que de la communication, on y est habitué. L’objectif est de mettre la pression aux salariés pour qu’ils hésitent à se mettre en grève. Et ils sont prêts à dépenser beaucoup d’argent pour ça : ils font appel à des huissiers qui leur coûtent des dizaines de milliers d’euros pour vérifier qu’on ne fait rien d’illégal pendant les grèves, mais on nous dit qu’il n’y a pas d’argent pour les salaires des contrôleurs et des guichetiers ! » Régionalement, les syndicats ont tout de même obtenu le rééquipement en contrôleurs de plusieurs trains, une réponse bien en-dessous de celle qu’ils espéraient.

Un train qui en cache un autre

Mais si le drame n’a été évité que par chance mercredi dernier, certains s’attendent à la multiplication des incidents du genre avec la mise en place de la réforme du ferroviaire, qui ouvre le secteur à la concurrence. Car la suppression des postes de contrôleurs correspond à un impératif de rentabilité à court terme caractéristique du secteur privé. Appliquée aux transports, cette logique peut avoir des conséquences désastreuses. « C’est déjà le cas avec l’externalisation de l’entretien des voies », estime le syndicaliste. « Des départs à la retraite ne sont pas remplacés, donc les équipes ne sont plus assez nombreuses pour effectuer les travaux nécessaires. Pour combler le manque, on fait appel à des entreprises privées qui coûtent plus cher, embauchent du personnel sans formation adéquate, ne respectent pas les normes de sécurité… En bout de course, on se retrouve avec des lignes comme Moulins-Souvigny qui doivent être fermées parce qu’il y a trop de malfaçons. » Pour lui, il est impossible pour le secteur privé de soutenir les 800 millions d’euros nécessaires à l’entretien du réseau en Auvergne, et dont la rentabilité ne se mesure qu’à long terme. « Il n’y a que l’État qui soit capable d’investissements aussi lourds. Les dépenses seront donc à charge de la collectivité, et les profits seront privatisés. On l’a déjà vu avec les autoroutes. » Pas sûr non plus que les usagers s’y retrouvent : en Angleterre, la privatisation du rail a entraîné une explosion des prix, et la patrie de Margaret Thatcher a amorcé une renationalisation partielle du réseau l’an dernier. À Clermont-Ferrand, les cheminots doivent se rassembler le 30 octobre pour demander l’arrêt de l’externalisation des travaux sur la voie et l’embauche du personnel nécessaire.

Photo d’archives

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