« Médiatisez, n’hésitez pas ! Et faites appel aux associations ! » : le message de Nathalie après son agression transphobe

Le 21 décembre dernier, Nathalie a été agressée parce que transgenre dans le hall d’un immeuble clermontois. Appuyée par l’association Queer, cette militante de longue date a choisi de médiatiser l’affaire pour servir la lutte contre la transphobie.

C’est dans les locaux encombrés de l’association Queer que Nathalie raconte son histoire : celle d’une agression transphobe. Une agression choquante, mais malheureusement semblable à beaucoup d’autres, la médiatisation en plus. « Bien sûr, on sait que ça peut arriver ; mais on n’en a pas vraiment conscience tant qu’on ne l’a pas vécu » raconte cette aide-soignante originaire des Landes. Et la transphobie semble d’abord l’épargner, quand elle commence à évoquer sa transition à ses proches en 2015. « J’en ai ensuite parlé à mon entourage professionnel en 2016, et j’ai assumé mon identité dès ce moment là. Je n’avais pas l’impression de subir de la transphobie, et j’avais la chance d’être beaucoup aidée par une amie. » Nathalie va pourtant subir une première agression en 2017, peu après avoir commencé ses changements physiques : alors qu’elle est en visite chez une amie, une dizaine d’adultes les prennent à parti et leur lancent des pierres. « Je n’ai pas été blessée parce qu’en plus d’être cons, ils visaient mal ! Mais j’ai commencé à avoir peur des hommes, parce que les violences sont souvent commises par des hommes en groupe. J’ai pris l’habitude de changer de trottoir quand je vois un groupe dans la rue, surtout s’il commence à faire sombre. » Pour éviter que son amie ne subisse des représailles, elle choisit alors de ne pas porter plainte. Mais elle refuse de laisser la peur contrôler sa vie. « Ç’a été un choc, mais je m’en suis remise plus rapidement que d’autres », raconte-t-elle. « Même si la peur persiste, je suis épanouie et je refuse de me calfeutrer ou de changer mon mode de vie. »

Une combativité salutaire, car les coups durs continuent : en 2018, alors qu’elle veut reprendre le travail après un arrêt longue maladie, la direction de l’hôpital juge son retour « indésirable ». « J’ai écrit une lettre recommandée au directeur en lui expliquant qu’il enfreignait la loi et que je pouvais l’attaquer au pénal, alors j’ai pu retourner au travail. Mais entre-temps, ils avaient monté une cellule d’écoute psychologique pour mes collègues. Une cellule psychologique, comme pour les attentats ! Pour moi, ç’a été aussi choquant que l’agression à Clermont. Heureusement, je ne suis pas sans défense. Je suis une ancienne responsable syndicale, j’ai milité à la CGT et au PC pendant plus de 15 ans : ce qui m’arrive, je le transforme en militantisme. » Cette force de caractère lui permettra de réagir rapidement à sa seconde agression physique, qu’elle a subi le 21 décembre à Clermont-Ferrand, aux alentours de 18 heures. Lors d’un apéritif entre amis, elle sort fumer une cigarette lorsqu’une dizaine de jeunes adultes la sifflent, « comme ils auraient fait avec n’importe quelle femme, ce qui n’excuse rien ». S’apercevant de sa transidentité, ils déversent sur elle une pluie d’insultes et de coups, la frappant au visage à de nombreuses reprises, et finissent par partir avec son sac à main. « Le temps de me remettre, j’ai été voir la police vers 20 heures. Mais on m’a dit qu’il était trop tard, et on m’a fait comprendre que ce n’était pas assez grave pour porter plainte à cette heure là. » Nathalie se rend donc aux urgences, où on lui apprend qu’entre autres contusions, elle a récolté une fracture du plancher de l’orbite droit.

Rapidement, les réflexes militants reprennent le dessus ; avec son accord, l’association Queer décide de médiatiser l’affaire. Béryl Esbrayat, sa trésorière, est rapidement recontactée par le commandant du commissariat central et le chef de cabinet de la préfète. « Ça a dû remonter haut, parce qu’on a été accueillies en grandes pompes quand on a été déposer plainte ! », raconte Nathalie. « Il n’y avait que des gradés à l’accueil du commissariat, c’était à mourir de rire ! » Toujours avec l’association Queer où elle milite, Nathalie compte désormais se servir de cette agression pour renforcer la lutte contre la transphobie. « J’essaye de dépasser mon propre cas pour qu’il serve à quelque chose et de faire en sorte que ces agressions ne restent pas invisibles. SOS homophobie en recense 258 en 2019, mais il ne s’agit que des cas qui leur ont été signalés ou qui ont donné lieu à des plaintes, donc sans doute très en-dessous de la réalité. Je veux dire aux personnes trans : n’ayez pas peur, n’ayez pas honte ! Médiatisez, n’hésitez pas ! Et surtout, faites appel à des associations comme la nôtre, c’est notre rôle de vous aider. »

Bien sûr, la militante ne se contente pas de ce message : il va de paire avec de nombreuses revendications qu’elle porte avec son association pour lutter contre la transphobie au quotidien, à commencer par la dépsychiatrisation et la déjudiciarisation du changement d’état civil. « Surtout, la réponse ne doit pas être sécuritaire ! », insiste-t-elle. « Il y a beaucoup de choses qu’on pourrait faire : former les policiers qui prennent les plaintes sur le sujet, intervenir dans les écoles, dans les maisons de quartier… » Mais aussi accorder plus de soutien aux associations qui défendent les droits des LGBT+ et les accompagnent au quotidien. Trésorière de Queer, Béryl Esbrayat dénonce d’ailleurs le décalage entre la réaction des autorités après la médiatisation de l’affaire et le manque de moyens de son association. « On nous a déjà déplacé hors du grand centre de l’avenue Marx Dormoy pour nous envoyer ici, au dernier étage du centre Richepin. En juillet 2019, on nous a demandé de quitter nos locaux ; on a dû négocier pour garder une seule pièce sur les deux qu’on avait. On nous refuse des subventions parce qu’on considère le prêt de locaux comme une aide coûteuse. Aujourd’hui, on n’a plus l’espace nécessaire pour recevoir dans de bonnes conditions, et notre box internet vient d’être coupée parce qu’on ne peut plus la payer. On fait un travail que Queer est la seule à pouvoir assurer, parce qu’on a un savoir faire construit depuis plus de dix ans ; on a juste besoin qu’on arrête de saboter notre activité. »

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