Le Char et l’olivier : une autre histoire de la Palestine

Médiacoop a assisté à la diffusion du film Le char et l’olivier, qui a fait salle comble au cinéma Le Rio. Retour sur un film qui réussit le pari d’être une porte d’entrée abordable tout en tenant un discours politique profondément engagé, construit et documenté.

La salle du Rio est à nouveau bondée, ce mardi 7 janvier, à un point auquel même les militants de l’Association France-Palestine solidarité (AFPS), organisateurs de la soirée, ne s’attendaient pas. Et pour cause : le film documentaire projeté ce soir-là commence à faire parler de lui, et son réalisateur est présent. C’est donc devant des strapontins remplis que Roland Nurier, auteur de Le char et l’olivier : une autre histoire de la Palestine, prend la parole.

Mettre l’histoire en perspective pour comprendre le présent

En quelques mots, le réalisateur présente son objectif et les conditions de production de son film : avec un petit budget obtenue grâce aux associations et à un financement participatif, il espère offrir un documentaire permettant de « mettre l’histoire en perspective pour comprendre le présent ». Sans la prétention de révolutionner le genre, Roland Nurier essaye d’injecter autant que possible de rigueur intellectuelle dans son film, en s’appuyant sur de nombreux témoignages.

Excellente porte d’entrée, le film s’ouvre sur une mise en perspective historique de la situation palestinienne. Les lumières éteintes laissent s’afficher à l’écran deux premières définitions : celle de la Palestine, et celle du sionisme. De ce « gigantesque remplacement d’un peuple », le documentaire retrace d’abord la naissance, depuis le premier congrès sioniste de 1897, alors qu’il ne s’agissait que d’un courant minoritaire, ouvertement colonialiste. Il raconte comment ses fondateurs sont parvenus à l’imposer sur la scène internationale en promettant aux dirigeants européens d’accomplir à la fois leur désir de coloniser le Moyen-Orient et de se débarrasser des Juifs d’Europe. Et comment les démocraties occidentales s’en sont servies pour refuser d’accueillir les populations juives fuyant les pogroms, puis le nazisme. « En résumé, l’Europe fait payer le génocide aux Palestiniens. » Après guerre, l’histoire est relativement mieux connue, mais largement déformée par le traitement médiatique de l’époque. Il y a la Naqbah, durant laquelle des dizaines de villages sont rasés et des milliers de personnes déplacées dans des camps de réfugiés, puis la guerre des 6 jours, alors présentée comme une agression des États arabes contre Israël ; des généraux israéliens confieront plus tard que Tel Aviv était à l’initiative du conflit.

Vient ensuite la situation actuelle, dont témoignent les images et les interviews réalisées par Roland Nurier sur place, ou transmise par des palestiniens eux-mêmes. Ce sont désormais les petits-enfants des déplacés qui vivent dans les mêmes camps, la plupart du temps sans emploi, avec seulement quelques heures d’électricité par jour et sous la menace constante de Tsahal et ses bombardements. Dans la bande de Gaza, des « tours tueuses » pilotées à distance font la sale besogne des soldats. En 1948, chacun s’imaginait rentrer au village quelques semaines plus tard. « Ma grand-mère a vécu dans un camp de réfugiés depuis ses 8 ans », raconte un palestinien. Sans concessions, le documentaire raconte comment cette population a été rendue dépendante des aides humanitaires internationales, qui finissent inévitablement dans les poches des entreprises israéliennes. Alors, la résistance s’organise : les intifada à l’intérieur, la campagne « boycott désinvestissement sanction » (BDS) à l’extérieur, elle aussi victime d’une criminalisation de plus en plus forte. Le documentaire se conclue par une perspective : celle de la lutte pour les droits civiques, après l’échec des tentatives de « solution à deux États ».

1 h 40 durant, le film tient jusqu’au bout sa promesse de rigueur et multiplie les interviews d’historiens, les documents d’archives et les témoignages directs. Pour la période plus récente, des palestiniens eux-mêmes, des responsables du Hamas, des militants de l’Union juive française pour la paix (UJFP), des militants natifs-américains et sud-africains offrent chacun leurs perspectives, leurs regards sur la situation. Et les mots ne sont pas mâchés : l’apartheid et les crimes de guerre sont désignés comme tels, les problèmes politiques sont soulevés. Pas tous, évidemment : le réalisateur assume qu’il n’était pas question de faire un film exhaustif. Le rôle des États voisins, les divisions au sein du mouvement palestinien et les alliances entre Israël et les dirigeants occidentaux ne sont par exemple pas évoqués. À la place, le documentaire prend le parti de traiter de manière claire et maîtrisée les sujets qu’il aborde.

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