Licenciements à la poste : une restructuration cachée ?

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Au centre de tri des colis de Clermont-Ferrand, un chef d’équipe a été licencié et quatre autres postiers attendent leur lettre pour avoir été en salle de repos avant la fin de leur journée. La CGT condamne des licenciements abusifs qui masquent une volonté de dégraissage de la masse salariale.

Quelle est la sanction pour s’être rendu en salle de pause une heure avant la fin de sa journée, une fois toutes les tâches terminées ? Pour cinq postiers de la plateforme de tri des colis de Clermont-Ferrand, c’est le licenciement sec, malgré presque trente ans de carrière pour certains. Le chef d’équipe a reçu sa lettre le 10 février ; les quatre autres sont passés en conseil de discipline la semaine dernière et attendent la décision de leur direction, qui devrait être vraisemblablement similaire.

« Ce sont clairement des licenciements abusifs », dénonce Gérard Saugues, représentant CGT. « Le travail était terminé et les postiers n’ont pas quitté le lieu de travail, ils se sont simplement rendus en salle de repos car il n’y a pas d’endroit où s’asseoir dans le hall de production. Ils ont eu récemment une grosse période avec des heures supplémentaires au-delà du raisonnable, et voilà la manière dont on les remercie ! » Le syndicat a donc marqué une journée de grève et lancé une opération escargot jeudi dernier, 20 février, pour afficher le soutien aux postiers mis en cause avant la manifestation contre la réforme des retraites. Car pour Gérard Saugues, le licenciement serait dû moins à la faute qu’à la volonté de réduire les effectifs de postiers sur la plateforme colis, au profit de salariés embauchés sous des statuts moins favorables, voire de l’externalisation. « Il y a quand-même un contexte : depuis quelques années, il n’y a plus que la moitié des salariés de la plateforme colis qui ont le statut de postier. Le taux d’intérim est largement supérieur au taux de fluctuation des colis, c’est-à-dire qu’ils se servent de l’intérim comme emploi permanent. » Et pour cause : la tendance est à l’industrialisation du service, sous fond de diminution de la part de l’Etat au capital de la poste. « La poste est une société anonyme depuis 2010. Depuis le 1er janvier 2020, l’Etat ne détient plus que 34 % du capital ; la majorité est maintenant détenue par la caisse des dépôts, qui fonctionne en partie avec des fonds d’investissement privés », relève le syndicaliste. « En même temps, on voit des réorganisations de toutes part : des plateformes qui ferment, d’autres qui ouvrent, des tournées qui sont de plus en plus confiées à des sous-traitants… » Dans ce contexte, le statut de postier serait jugé trop coûteux, et trop contraignant pour l’entreprise. « En cas de fermeture, tous les postiers doivent être reclassés à l’intérieur du groupe, alors que les nouveaux embauchés sans statut sont payés au SMIC. Même avec une condamnation des prud’hommes, ça coûte moins cher de licencier que de reclasser des agents qui ont presque 30 ans d’ancienneté. » Les salariés devraient être fixés sur leur sort à la fin de la semaine, même si le délai légal pour statuer est d’un mois. Le syndicat confirme vouloir porter l’affaire devant le tribunal des prud’hommes si la sanction était confirmée, mais même en cas de victoire, les chances de réintégration des postiers licenciés sont minces.

Retrouvez l'interview de Gérard Saugues en vidéo sur notre page facebook : https://www.facebook.com/mediacooplecactusdelinfo/videos/577681749484326/?eid=ARAh3nadcbxvxlNWZ4_JSnP3iHbbhxTbl1WTtHmpgBURp99_getxEt4CuaqWqVu6QX1NjsJy1UNrqVoh
Merci à notre stagiaire Ana M. pour le cadrage.
Illustration : archives.

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