« Aux hommes et femmes tournesols »

Pour l’ouverture du cycle « désobéir », le Grin recevait samedi 29 février Hubert Blond et Sandy Rousson, auteurs du livre Instants d’humanité dans les Alpes de Haute-Provence. En texte et en images, ils apportent leur témoignage de ce qu’a été pour eux le mouvement des Gilets jaunes.

L’odeur de thé chaud se répand au rez-de-chaussée du Grin ; les discussions s’interrompent et les regards se tournent vers l’écran où défilent des photos en noir et blanc accompagnées de l’emblématique Sans la nommer. Derrière le monochrome intemporel, on devine le jaune fluo qui restera dans les livres d’histoire comme le symbole d’une contestation populaire. On y distingue nettement les slogans peints sur les pancartes en carton, les poses déterminées des contestataires, mais aussi leurs sourires, leurs plis rieurs au coin des yeux.  « Ce ne sont pas que des photos : c’est un an de lutte, de moments de partage, de liens créés… » reprend leur auteure Sandy Rousson, qui co-signe avec Hubert Blond Instants d’humanité dans les Alpes de Haute-Provence.

Témoignage de leur expérience au cœur du soulèvement populaire de 2018-2019, l’ouvrage lui-même est le résultat d’une rencontre de rond-point. Lui est un ancien artisan à la retraite et auteur d’un premier livre sur l’histoire d’un berger au début du XXe siècle ; elle est psychologue clinicienne et photographe amatrice. Avec le public du Grin, ils racontent leur arrivée sur les ronds-points, les premiers contacts avec ceux qui les avaient précédés de peu dans le mouvement de contestation. La découverte de l’humanité et de la chaleur des ronds-points, malgré les mauvais côtés qu’ils n’occultent pas pour autant. « Un jour, un Gilet jaune m’a dit : « si tu sais faire quelque-chose qui peut être utile, fais-le ! » », raconte Hubert Blond. « Mais je ne me sentais pas compétent pour écrire ce livre, notamment l’aspect politique et économique… En janvier 2019, j’ai rencontré Sandy et l’émotion provoquée par ses photos m’a porté. »

De cet échange est né cet ouvrage, leur moyen à eux de continuer le combat en reversant les éventuels bénéfices aux associations de blessés. Mais aussi en racontant l’envers du décor à travers une « analyse systémique qui n’oublie pas le point de vue humain », en témoignant de ce qui a fait la richesse du mouvement : les ronds-points. « C’est un aspect que les médias ont laissé de côté : cette convivialité qu’on a découverte ensemble, ces moments d’échange sur la base de la lutte contre l’injustice sociale, qui nous ont permis de détourner ces lieux pour en faire des espaces où on pouvait reconstruire un monde. » Un engagement « au-delà du positionnement intellectuel » qui marquera durablement les deux auteurs : dans l’émotion toujours visible à la diffusion des photos comme dans les questions politiques qu’ils soulèvent. « Il y a avait énormément de praxis sur les ronds-points : les gens n’étaient pas de vieux syndicalistes, ou les mêmes fils de prof qui se mobilisaient depuis deux décennies », relève Sandy. « Tout le monde apprenait à lutter, il y avait cette forme d’horizontalité particulièrement enrichissante, bien qu’elle ait aussi ses effets délétères. Il y a eu des moments de dégoûts, comme au moment où des gilets jaunes ont dénoncé des migrants, et des instants de réalisation avec la convergence tant attendue avec les mouvements pour le climat. » C’est aussi le cadre de l’expérimentation de la violence physique et symbolique d’un pouvoir : sur le terrain, les charges de CRS ; à la télé, les manipulations médiatiques. À l’espoir que le changement arrive se mêlent les questions sur la nécessité ou non de l’action violente. Des interrogations et des analyses dont Sandy et Hubert débattent volontiers avec le public du Grin, ce jour-là composé de beaucoup de Gilets jaunes, recréant deux-heures durant un instant qui, sans-doute, leur rappelle un peu les discussions de rond-point. Et puisqu’ils en redemandent, le diaporama est à nouveau projeté ; en guise de conclusion résonne l’air de Georges Moustaki qui accompagne ces images dédiées aux « hommes et femmes tournesols », celles et ceux qui toujours regardent le soleil.

Le cycle « désobéir » continue au Grin jusqu’à la fin du mois de mars. Prochain rendez-vous demain,
4 mars à 12h, pour un repas avec le coach Guillaume Vizade pour parler de la nécessité de désobéir à son entraîneur dans le sport autour d'un repas.

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