« Gibert Joseph à Clermont, c’est terminé »

L’emblématique librairie de l’avenue des Etats-Unis a déposé le bilan après 78 ans d’existence, laissant 14 salariés sur le carreau. Ceux-ci demandent « davantage de temps » pour espérer une reprise de l’activité ; le tribunal de commerce a cependant validé la liquidation judiciaire demandée par la direction.

« J’ai acheté le premier cartable de mes enfants ici… » se désole une passante. Sous un soleil de plomb, les salariés de l’enseigne clermontoise de Gibert Joseph se préparent à rejoindre le tribunal de commerce, ce mardi 2 juin, pour y entendre la décision des autorités sur leur sort. Car malgré le déconfinement, le rideau de la librairie est resté désespérément baissé, la direction nationale de la chaîne ayant demandé la liquidation judiciaire.

« On savait que le magasin était en difficulté : il n’y avait plus de direction locale depuis le début de l’année », explique Jean-Philippe Barré, représentant du personnel. « À l’époque, la direction nationale a hésité, mais a tout de même décidé de chercher à maintenir l’activité en cherchant un nouveau directeur de magasin pour redresser l’affaire. Juste avant le début du confinement, un candidat avait été choisi ; on pensait que l’activité allait perdurer au moins pendant un an… ». Des espoirs appuyés par une promotion en interne ainsi que l’embauche de deux CDD pour remplacer des départs. Mais au sortir du confinement, c’est la douche froide : après la fin de l’exercice fiscal, au 31 mars, la chaîne demande la liquidation de son enseigne clermontoise au tribunal de commerce, laissant ses 14 salariés sur le carreau.

Pour eux, les perspectives d’avenir sont maigres. « J’ai 28 ans d’ancienneté quasiment jour pour jour. Depuis que je travaille ici, j’ai vu construire le tram, se faire et se défaire les autres commerces de la rue… », témoigne Serge, employé au rayon papeterie. « La plupart de mes collègues sont là depuis 25 à 35 ans ; on est dans une tranche d’âge où il est difficile de retrouver du travail. » Et les espoirs de rachat sont minces : en difficultés financières, l’enseigne nécessiterait entre autres de gros travaux de remise aux normes. « Tout ce qu’on peut dire pour l’instant, c’est que Gibert Joseph à Clermont, c’est terminé. » Quant à la reprise en coopérative, « on en parle évidemment, on a l’exemple des Volcans qui ont réussi, mais leur modèle est difficilement transposable ici », tempère le représentant du personnel. « Même en réinjectant nos primes de licenciements, je ne pense pas qu’on puisse apporter suffisamment de garanties à des banques pour qu’on nous prête de quoi relancer l’activité. » À défaut, les salariés demandent un délai supplémentaire pour laisser le temps à un éventuel repreneur de se manifester, ainsi qu’une indemnité de licenciement supérieure au minimum légal. « On aimerait que la maison fasse un geste, après toutes ces années de travail. » Une lettre a été adressée le lundi 1er juin à la municipalité pour lui demander « un soutien, sous n’importe quelle forme ». « La fermeture d’un commerce affecte la santé de tout le centre-ville », estime Serge. « C’est d’autant plus important pour une ville qui prétend devenir capitale européenne de la culture de préserver les petites librairies », renchérit le représentant du personnel. C’est également ce que semblent penser les clients, y compris les plus jeunes : la semaine dernière, une étudiante en médecine lançait une pétition en ligne pour témoigner son soutien, mettant en avant le savoir-faire des salariés. Ce mardi, elle comptait déjà 915 signataires.

La liquidation judiciaire validée par le tribunal

Au sortir de l’audience, le doute semblait permis quant au devenir de l’enseigne. « Le tribunal s’est montré très à l’écoute : il a soulevé les questions que se posent les salariés avant que j’ai eu besoin de les aborder », raconte Jean-Philippe Barré. À savoir : pourquoi une décision si brutale, sans tentative de redressement judiciaire ou de demandes d’aide au tribunal de commerce, alors que des efforts semblent avoir été faits pour maintenir l’activité ? Malheureusement pour les salariés, qui espéraient un redressement plutôt qu’une liquidation, la demande de la direction a été validée. Officiellement, l’activité peut être poursuivie jusqu’au 1er juillet ; peu de chances, cependant, de voir l’enseigne rouvrir d’ici là.

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