Affaire Wissam : malgré les preuves médicales, le déni judiciaire menace la vérité

Malgré une nouvelle expertise médicale confirmant l’implication d’un tiers dans la mort de Wissam El Yamni, l’affaire risque à nouveau d’être enterrée. La famille, qui a tenu une conférence de presse ce jeudi 9 janvier, appelle à continuer le combat.

« L’enterrement médical, c’est terminé ; on a échappé au non-lieu. » C’était le commentaire plein d’espoir que formulait maître Borie, avocat de la famille El Yamni, en février 2019. Il venait alors de recevoir une nouvelle expertise médicale mettant en cause l’implication d’un tiers dans la mort de Wissam, décédé en 2012 après son interpellation par la police clermontoise. Mais ce jeudi 9 janvier 2020, au huitième anniversaire du drame, le ton de la conférence de presse tenue par la famille, les avocats et le comité de soutien est amer. Malgré ce nouvel élément, la juge d’instruction a refusé la réouverture du dossier et les actes supplémentaires demandés par les avocats.

Devant les journalistes et les militants, Marwa El Yamni, la sœur de Wissam, a rappelé sa détermination à poursuivre le combat contre vents et marées. D’une voix étouffée par l’émotion, elle pose la question qui brûle les lèvres à toute l’assemblée : « l’institution judiciaire rend-elle vraiment la justice ? » À ses côtés, maîtres Canis et Borie rappellent l’historique des mensonges et des manipulations dont la famille a été victime : expertises médicales erronées, photos falsifiées, ordinateurs formatés, témoins jamais interrogés… « C’est la chronique d’un non-lieu annoncé », dénonce Jean-François Canis. « Il y a eu des mises en examen pour calmer la foule, en attendant d’enterrer l’affaire. » Seul espoir d’obtenir un procès équitable désormais : que la chambre d’instruction demande la réouverture du dossier et la tenue d’actes supplémentaires. Les avocats ont d’ailleurs fait appel du rejet de leurs demandes d’actes par la juge d’instruction, mais sont loin d’être optimistes. Pourtant, les avocats le rappellent, « il y a des hommes et des femmes qui savent ce qui s’est passé. »

Et l’affaire Wissam n’est malheureusement pas un cas isolé. « Il y a une telle impunité qu’il n’y a pas de raisons de retenir les coups », estime Jean-François Canis, évoquant la mort de Cédric Chouviat, décédé il y a quelques jours après un contrôle de police. C’est justement le sujet de Dernière sommation, l’ouvrage du journaliste David Dufresne, dont la présence à la conférence de presse a malheureusement dû être annulée. Et c’est également ce dont témoignent les images de IanB, fondateur du collectif Désarmons-les !, dont le film À nos corps défendant a été projeté en conclusion de la conférence de presse. Durant 90 minutes, ce documentaire qui s’assume comme militant montre, en trois actes, comment l’État contrôle par la violence les corps des racisés. « L’État Français s’est construit sur un amas de corps détruits », introduit-il. On y voit la violence physique, les menaces, le harcèlement, les arrestations arbitraires que subissent les habitants des banlieues, sous le joug d’une police qui semble se comporter en véritable force d’occupation coloniale. Les victimes racontent comment elles ont été mutilées au LBD alors qu’elles faisaient la fête ou qu’elles rentraient des courses. Enfin, les familles de ceux qui n’ont pas survécu témoignent de leur combat contre une justice qui protège les responsables et humilie les victimes. Chaque fois, les similarités avec l’affaire Wissam, également évoquée dans le documentaire, sont tellement frappantes qu’on croirait presque à un protocole officiel. Chaque fois, les familles et leurs soutiens continuent le combat, des années après, sans que justice n’ait été rendue. Malgré cela, Marwa El Yamni le rappelle, il ne sera jamais question d’abandonner. « Nous serons là jusqu’à la dernière minute de notre vie ! »

Le combat se poursuit le 30 janvier, avec un rassemblement à 14 heures devant le tribunal de Clermont-Ferrand pour soutenir Will, militant antifasciste arrêté pour avoir tagué Wissam sur un passage piéton.

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1 réflexion sur “Affaire Wissam : malgré les preuves médicales, le déni judiciaire menace la vérité”

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