Morgane, clermontoise et femme transgenre !

Morgane, 23 ans, est une jeune femme transgenre. Elle s’est longtemps demandée qui elle est réellement, mais depuis le début de sa transition – il y a 9 mois et demi – elle éprouve enfin le sentiment de s’être trouvée. Sans tabou, Mediacoop a pu recueillir le témoignage d’une femme qui, aujourd’hui, se sent mieux dans sa peau.

 

Il y a quelques mois encore, Morgane n’avait toujours pas de réponses.  Pour elle, devenir une nana, c’était trop tard : Ses poils poussaient, son corps changeait naturellement avec l’âge. Pourtant, cette jeune femme aux cheveux châtain clair se cherchait encore : « Il y a des périodes où je me disais “je suis ça” puis d’autres ou c’était plutôt “je ne suis pas ça” » nous confie-t-elle en se remémorant son passé. Cette période d’incertitude a duré plusieurs années. Elle pensait déjà au regard des autres : « Qu’allaient-ils penser de moi ? ».

 

« Ma mère s’est aperçue que je ne regardais pas les gens dans les yeux.  Je n’avais pas de réactions classiques pour un enfant dit “normal”. C’était les premiers symptômes de mon autisme »

 

Cette question, elle se la pose depuis son plus jeune âge car Morgane est également autiste Asperger. Pour elle, son rapport avec la société était très compliqué, surtout à l’école. « J’étais quelqu’un qui avait des compétences mais j’étais en partie inadaptée au système scolaire ». Très tôt, sa mère avait détecté les premiers symptômes… A l’âge de 12 mois exactement. « Elle s’est aperçue que je ne regardais pas les gens dans les yeux. Mon regard était perdu. Je n’avais pas de réactions classiques pour un enfant dit “normal” » précise-t-elle impassible. Pour Morgane, l’une des premières conséquences de son autisme a été un retard du langage. Ses premiers mots n’étaient ni « papa », ni « maman » mais elle se plaisait plutôt à répéter les marques de voitures. D’ailleurs, elle les connaissait par cœur.  « J’étais passionnée de camion-poubelle » nous confie-t-elle.

A côtés de ça, Morgane se souvient des colères ou des crises de stress qu’elle pouvait avoir étant enfant. « La vérité, c’est que cette société n’était pas faîte pour moi. Au collège, les rapports que j’avais avec les gens étaient très dures ». En soi, ce qui rendait son autisme difficile à vivre était le regard des autres. « Si je n’avais été qu’avec des personnes comme moi, ça n’aurait posé aucun problème » affirme-t-elle avec conviction. Sa période collégienne a été la plus difficile pour elle. Morgane n’a quasiment pas pu suivre un cursus régulier puisque de grosses phases de dépression venaient perturber son parcours scolaire. Alors, grâce à sa mère, ses cours avaient lieu dans une petite salle se rappelle-t-elle. L’assistante de vie scolaire était là pour veiller à son bon apprentissage. Durant cette période, son handicap était la chose la plus complexe à gérer.

 

« Elle a dû se battre très violemment contre les institutions médicales »

 

Célibataire, sa mère a dû, seule, s’occuper de ses deux enfants. « Elle a dû se battre très violemment contre les institutions médicales ». Pour les psychiatres, Morgane était un enfant capricieux. Son autisme n’a pas été détecté tout de suite. « Dans les années 2000, dans le Cantal, l’autisme n’était pas reconnu. On a vu pleins de médecins. Un moment, ce qui s’est passé, c’est que suite à un diagnostic, ils ont dit que j’étais schizophrène » dit-elle amèrement son verre à la main. Un simple diagnostic qui a pourtant eu de lourdes conséquence puisque Morgane a été internée de force à l’âge de 11 ans. De ce moment-là, elle n’en garde que quelques souvenirs : « Un jour, un médecin a dit à ma mère “Si vous n’envoyez pas votre enfant à l’hôpital de jour, c’est nous qui viendrons le chercher ». Sa mère a tout fait pour la faire sortir de cette prison qui n’en porte pas le nom. Elle y est parvenue, notamment grâce à la Loi Kouchner (relative aux droits des malades et à la qualité du service de santé). « Elle a eu vraiment très peur » ajoute-elle soulagée.

Dès le plus jeune âge, Morgane a côtoyé des psychiatres. Mais comme elle le reconnaît, elle a eu beaucoup de chance : «  J’ai évité tous les traitements. Certains finissent avec des neuroleptiques et deviennent de véritables légumes pour finir en M.A.S. Ils nous disent “Les médocs, ça va vous aider”. Mais en vérité, ça ne fonctionne pas ».  D’après elle, les personnes souffrant d’autisme auraient plutôt besoin de suivre un cursus scolaire dit “normal” « pour leur donner les armes. Si on nous coupe du monde en nous mettant dans des hôpitaux psychiatriques, on ne peut rien faire car on n’est pas stimulés ; on perd tout intérêt car les personnes autistes peuvent être très vives intellectuellement » précise Morgane assumant à deux-cent pour cent l’handicap dont elle souffre au quotidien. Cette souffrance n’est pas nécessairement physique mais son autisme est une réelle contrainte pour elle. « J’ai des problèmes pour gérer mon emploi du temps ou mes papiers par exemple ». En fin de compte, elle a su apprendre les codes de notre société en s’adaptant à elle… Une véritable victoire selon Morgane : « J’ai appris à bien m’habiller, à bien me comporter, c’était déjà énorme pour moi ».

 

« Il y a des gens qui se disent “Je ne me sens pas dans le bon corps”. C’est là où j’étais un peu perdue. Cette question, je me la posais tout le temps, encore aujourd’hui. Il n’y a quasiment pas un jour sans que je ne pense pas à ça. Et quand cette interrogation revenait à la charge, c’était très violent »

 

La question du genre s’est posée à Morgane indépendamment à son autisme. Jeune, elle se souvient du plaisir qu’elle éprouvait lorsqu’en cachette, elle s’habillait en fille. Discrète, cette jeune femme a décidé de tout arrêter à partir de son entrée au collège. Morgane était victime de harcèlement par rapport à son autisme, elle ne se sentait pas capable d’assumer ce nouveau rapport au genre. « En fait, ça s’est manifesté vers mes 8 ans et j’ai fait une pause relative à partir du collège car je me suis dit qu’il fallait que j’arrête ». Au moment de l’adolescence, le corps de Morgane changeait inévitablement. De plus en plus, son apparence devenait masculine nous confesse t-elle. « A partir du Lycée, j’ai tenté de vivre comme un mec. Puis, arrivée à la faculté, j’ai commencé à faire de la muscu’  ». Des séances de musculations pour pouvoir être dans la norme tout simplement. Elle voulait plaire… Plaire aux autres afin de ne plus être victime de harcèlement ; pour ne plus subir le jugement des gens. Repensant à son passé, Morgane avoue qu’il y avait un certain paradoxe dans sa vie. « Lorsque je me comportais comme un vrai mec, c’était artificiel. Mais, une partie de moi se sentait mieux à ce moment-là ». Le regard de l’autre était très important.

Depuis que Morgane est devenue “trans”, « le regard des gens est encore plus compliqué à supporter ». “Transgenre”, ce terme, elle l’a connu lorsqu’elle se trouvait au collège. Chaque jour, le doute s’emparait d’elle. La boule au ventre, elle se demandait si ce terme ne correspondait pas tout simplement à ce qu’elle était. « Il y a des gens qui se disent “Je ne me sens pas dans le bon corps”. C’est là où j’étais un peu perdue. Cette question, je me la posais tout le temps, encore aujourd’hui. Il n’y a quasiment pas un jour sans que je ne pense pas à ça. Et quand cette interrogation revenait à la charge, c’était très violent ». Lorsque cette question refaisait surface, Morgane essayait de la ranger dans un coin de son esprit mais un jour, elle s’est rendue à l’évidence. Ce jour-là, elle s’en souvient parfaitement. « Le jour où j’ai annoncé à ma mère que je voulais devenir trans’, c’était dans une période où je n’allais pas bien. Je déprimais justement à cause de cette question. Alors, je me suis disputée avec ma mère parce que je ne faisais pas ce qu’il fallait à la maison. Et là je lui ai dit. Je suis monté dans ma chambre et pendant plusieurs jours, j’ai chialé. Ma mère a chialé aussi et elle me disait “Je ne pense pas que tu sois ça, tu es très masculin”». Ces souvenirs sont difficiles à revivre pour Morgane qui fait l’effort d’être la plus exacte possible dans ses propos. Implicitement, sa mère avait peur de ce qui allait se passer. Aussi, depuis 2017,  Morgane a décidé d’assumer son choix en coupant les ponts avec celle qui l’a mise au monde… Du moins pour un temps. Le temps de faire sa vie. « Maintenant, ça va mieux entre nous, mais c’est toujours assez compliqué pour elle ».

 

« Je veux montrer que je ne suis pas seulement une femme trans’. J’aime tout un tas de choses telles que le sport, la politiques, les jeux de rôle, etc »

 

Finalement, Morgane a décidé de commencer sa transition il y a neuf mois et demi précisément. Avec impatience, elle attend désormais les “1 an” de façon symbolique, comme un cap qu’elle aurait franchi. Lorsqu’elle a commencé à prendre des hormones, cette jeune femme étudiait en licence d’histoire à l’Université Clermont Auvergne. Pendant un petit moment, elle s’est isolée. « Certains ne m’ont pas vue pendant quelques temps. A mon retour, je les ai prévenus “ Je deviens une femme en fait”. Beaucoup en n’avait rien à foutre, ça ne changeait rien pour eux. D’autres se sont quand même posés des questions. Pour quelques-uns, j’étais la première personne transgenre qu’ils connaissaient » raconte-elle avec plaisir.

Dès les premiers mois durant lesquels Morgane est sortie en femme,  elle était dans une euphorie totale. Progressivement, elle a pu se réapproprier sa vie. Mais elle n’avait qu’une seule crainte, celle de n’être pas assez féminine au regard des autres. « A ce moment-là, la vision que les gens avaient de moi était très importante ». C’est également à cette période que Morgane s’est faite agresser pour la première fois. « Quelqu’un a tenté de me filmer. J’étais toute seule. C’était Rue des Gras. Il y a deux mecs qui m’ont dit “Mais c’est un mec !”. Je me suis approchée d’eux, j’ai craché sur celui qui filmait, et je lui ai mis une baffe. Mais j’ai fait la pire erreur de ma vie parce qu’il m’a attrapée par les cheveux et m’a faite tourner. J’ai eu très peur. Alors, j’ai appelé à l’aide comme ça j’ai réussi à m’en sortir en l’insultant un peu. J’étais très fiere de moi cette fois ci ». Morgane était fière d’elle car ce n’est pas la seule fois où, marchant seule, elle a été victime d’agressions verbales ou physiques. Or, elle n’a pas toujours su trouver les mots pour répondre aux insultes. « Et ça, c’est plus dur par contre car on éprouve un sentiment de honte ».  D’après elle, les personnes transgenres sont considérées comme des objets de curiosité… « Surtout pour les hommes ! ». Au fil de la transition, les gens l’appelaient plus facilement « Madame ». Les effets des hormones fonctionnent pour elle même si « les changements physiques se termineront au bout de 3 ans ». Désormais, Morgane envisage également de faire de la chirurgie si nécessaire. Pour elle, la prise d’hormone est à vie.

A terme, elle souhaite que les gens s’intéressent plus à ses passions, à ce qu’elle fait dans la vie, plutôt qu’à son changement de genre. « Je veux montrer que je ne suis pas seulement une femme trans’. J’aime tout un tas de choses telles que le sport, la politiques, les jeu de rôle, etc ».  A présent, si tout se passe bien, Morgane envisage de poursuivre ses études. Bien qu’elle n’est pas d’idée exacte pour son avenir professionnel, elle sait déjà que l’année prochaine, ce sera Géographie.

 

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1 réflexion sur “Morgane, clermontoise et femme transgenre !”

  1. Belle, paisible et heureuse vie à Alice, l’important n’est pas ce que l’on a où bien ce que l’on est, c’est d’être en paix et en accord avec qui l’on est et pouvoir vivre tel que l’on se ressent pour être au mieux possible.
    Force et courage, volonté et résistance à Alice, pour beaucoup de personnes transidentitaires l’existence est compliquée, souvent dans l’insécurité du quotidien, dans l’incompréhension de nombreuses personnes, voir leur defiance et même leur hostilité…
    Peu à peu la société nous voient exister de plus en plus nombreuses en son sein au grand jour, gardons confiance en l’avenir, tous mes vœux de bonheur à Alice.
    Article bien écrit et respectueux de la personne, de son genre, c’est encore trop rare, merci, Florence.

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