Rien de tel pour tester sa détermination journalistique que de commencer son stage au sein du média clermontois Médiacoop… à plus de 500 bornes de là, dans l’arrière-pays niçois. En effet, c’est dans la commune de Tourette-Levens que sont organisées les assises 2022 de la presse libre. Un événement que le cactus de l’information ne pouvait pas rater. Mais, arrivés sur place, rien n’est joué. Pour celles et ceux qui n’ont pas raté l’embranchement menant à la Ferme de la Sauréa – et ont continué sur une route à l’étroitesse rendant audacieux tout retour en arrière – l’aventure peut commencer… mais à l’allure du pas, sur près de quatre kilomètres d’un chemin de montagne sinueux et non carrossable. De quoi mettre à l’épreuve sa peur du vide, ses amortisseurs et son malheureux bas de caisse.
Ce n’est qu’après d’interminables minutes rappelant – tout à fait injustement – La Mort aux trousses, que l’horizon se dégage pour laisser apparaître l’idyllique ferme entourée d’oliviers en terrasse et de pâturages ensoleillés. Et, quand les lunettes de soleil permettent au regard de porter sur l’ensemble du site, on peut dire que toute l’équipe de bénévoles a bien fait les choses pour accueillir les nombreux médias et collectifs venus tisser des liens et des solidarités, et organiser leur avenir.
La presse pas pareille de quoi ?
Portées par le média Mouais, journal d’information indépendant et critique de la région de Nice, ces rencontres ont pour volonté de « voir comment faire pour dynamiter la domination des grands groupes médiatiques aux ordres des politiques et des millionnaires ». Rien que ça ? Un vaste projet partagé par une Presse Pas Pareille (PPP) qui, à travers l’ensemble du territoire français (voir la carte réalisée par l’Âge de Faire), tente de lutter contre sa soumission aux pouvoirs économiques et politiques tout en survivant financièrement. Reste à savoir comment. Et c’est ce que deux discussions se proposent d’aborder concrètement durant un week-end ponctué d’ateliers pratiques et de fêtes.

Professionnaliser la PPP : grandir sans trahir ?
Une fois dépassé le dôme carrelé de coussins et tapissé de revues passionnantes, il faut encore réussir à ne pas se laisser happer par le stand radio des joyeux lurons de Youtubercule, toujours friands d’histoires en tout genre. Puis, des stickers plein les poches, éviter – ou pas – le bar pour s’éloigner du site et se rendre à l’heure prévue à la première discussion. C’est là, à flanc de colline, sur des coussins à l’ombre d’un olivier, que la PPP, diverse et protéiforme, a décidé de s’autoausculter à partir de la question de sa professionnalisation.
Comment être indépendant et salarié ? Peut-on se préserver du risque de devenir mainstream ? Se professionnaliser, est-ce trahir ses valeurs ? Quels outils administratifs et quels statuts juridiques pour quels objectifs ? La carte de presse est-elle obsolète ? Doit-on rechercher une forme de reconnaissance par les autres médias ? La question se résume-t-elle à savoir si l’on préfère être dépendants des revenus publicitaires, des mécènes ou des activités mixtes ? L’information étant un bien public, un statut d’intermittent pourrait-il s’appliquer aux journalistes ? « Le but, ce n’est pas de faire de l’argent, mais de pouvoir vivre de sa plume », précise un collègue.
On se retrouve au final avec plus de questions que de réponses. Ce qui est a priori frustrant est en réalité bien normal tant les médias présents émanent d’histoires et de réalités qui leurs sont propres. Il n’y a pas de solution toute faite. Les échanges sont riches et les partages d’expériences nombreux. Les réflexions stimulantes élargissent l’univers des possibles. Elles enrichissent la boîte à outils de médias pas pareils qui sont autant de réponses à une même question: faire vivre et vivre de son projet. De l’autre côté du site, c’est la question d’un front commun à cette diversité qui est abordée.
Syndiquer la PPP : la force du collectif !
L’idée de discuter de la création d’un syndicat de la presse pas pareille (SPPP) était posée dès l’annonce du programme de l’événement. Alors que la Coordination Permanente des Médias Libres (CPML) n’as pas réussi à sortir d’un sommeil forcé engendré par la crise du Covid, il manque une structure permettant d’organiser collectivement tout ce petit monde. Que ce soit pour s’entraider et mutualiser certaines ressources, pour régler de potentiels désaccords internes. Ou pour se donner les moyens de porter largement des revendications unitaires. Et faire front dans un contexte de concentration des médias toujours plus forte. Ce fut chose faite avec l’élaboration et l’adoption du premier jet d’un texte fondateur : le SPPP est presque né.
Selon les camarades du Poing, pour y participer : « le média doit être possédé par ses journalistes, ses lecteurs ou une association, être dans une démarche d’information et non une simple expression d’opinions, promouvoir une société plus juste et égalitaire sans exclure aucune catégorie de personnes, et s’engager à donner 1 % de ses ventes ou de son chiffre d’affaires au syndicat (le texte définitif est à venir et sera publié quand il sortira). »
De quoi poser les principes de bases d’un syndicat qui ne manquera pas de faire parler de lui à l’occasion de très prochaines rencontres.
Épilogue
Après plusieurs heures de discussions, la tête pleine de questions, et d’une réponse majeure – la syndicalisation – la puissance de l’informel nocturne prend le relais jusqu’à tard dans la nuit. La ferveur des débats élargit ses terrains d’intervention, en chants, en musiques ou en plaidoyers enflammés. Le réveil embrumé conserve le sentiment qu’une dynamique est lancée. Que de nouvelles énergies s’agrègent aux anciennes pour des plans sur une comète pas si lointaine. Une émulation d’idées et d’envies qui se poursuit… Sur les 500 kilomètres du retour d’un début de stage prometteur et pas pareil.
1 réflexion sur “Là où la Presse Pas Pareille se fête, s’organise et (pré)voit l’avenir”
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