« Il y a quelques années, notre département était considéré comme le château d’eau de la France. En 2019, il a fallu acheminer de l’eau potable en camion-citerne dans certaines communes. » Laurent Campos-Hugueney, porte-parole du collectif Eau bien commun 63 et syndicaliste de la Confédération paysanne, n’est pas le seul à s’inquiéter d’une nouvelle pénurie d’eau dans le département : selon une carte du ministère datée du mois dernier, la crise est « très probable » dans le Puy-de-Dôme. Mais à l’approche de l’été, l’impréparation générale est criante : « les élus municipaux avec lesquels nous sommes en contacts n’ont reçu absolument aucune information de la part de la préfecture, alors qu’il faudrait justement préparer la population à gérer la crise », relève-t-il. Au contraire, les autorités semblent poursuivre sur la voie qui a mené à la situation actuelle, en donnant la priorité de l’usage de l’eau à l’agro-industrie.
« On paye les politiques en faveur de l’agro-industrie »
Laurent Campos-Hugueney, porte-parole du collectif Eau bien commun 63
Car à n’en pas douter, la crise est d’origine humaine. « Pendant des années, on a considéré l’eau comme une ressource illimitée et on a construit un modèle industriel sur cette idée. » En conséquence, les petites poches d’eau qui criblent le sol granitique auvergnat ont fait l’objet d’un drainage massif ; en parallèle, un aménagement du territoire donnant la priorité aux grosses exploitations plutôt qu’aux petites parcelles ont limité la capacité des sols à absorber l’eau. « À cause entre autres des destructions de zones humides et de l’usage d’engrais chimiques au détriment du fumier, qui formait un humus absorbant, le sol est devenu poreux. Quand il y a des précipitations, toute l’eau s’évacue directement dans les cours d’eau, qui entrent en crue pendant quelques jours et retrouvent un niveau très bas immédiatement après. » En surface comme en sous sol, c’est donc l’appauvrissement généralisé des réserves d’eau qui couve dans le département.
Un tarissement qui atteint son sommet l’été dernier : leurs réserves épuisées par la sécheresse, plusieurs communes doivent importer de l’eau potable. « La préfecture a pris des arrêtés de restriction d’eau pour la population, mais n’a pas limité le drainage pas les grosses structures comme Limagrain ou Volvic », regrette Laurent Campos-Hugueney. « Le collectif Eau bien commun 63 s’est constitué à cette occasion pour interpeller les autorités sur cette différence de traitement, contraire à une loi de 2006 prévoyant la priorité à la population. » À la suite de cet épisode, le collectif obtient des entrevues avec la préfecture, qui entame des travaux pour modifier l’arrêté-cadre sécheresse en février dernier… mais les interromps après l’annonce du confinement. « On comprend que le fonctionnement des institutions est perturbé, mais ça n’a pas empêché la préfecture de prendre un nouvel arrêté pour autoriser un pompage illimité par les agriculteurs de la plaine de la Limagne… donc ceux qui travaillent pour Limagrain. C’est tout simplement la privatisation des réserves d’eau au détriment de la population qui est autorisé. » Des choix qui, pour le militant, témoignent de politiques nationales toujours tournées vers un modèle d’agriculture industrielle qui produit pour l’exportation, sans s’adapter aux ressources réelles des territoires.
Pour faire bouger les choses, le collectif a lancé il y a quelques jours une pétition en ligne « pour une gestion équitable de la ressource en eau dans le Puy-de-Dôme », qui a déjà recueilli près de 1.800 signatures. « On sait que la réponse des administrations est souvent trop longue, donc on va travailler avec les communes et les habitants pour préparer la population à la pénurie d’eau. Des courriers vont être adressés aux élus municipaux et aux candidats, pour aider à développer des initiatives locales autonomes. »
Source de la carte : https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/mieux-anticiper-secheresse-emmanuelle-wargon-reuni-comite-national-leau
Lien vers la pétition : https://you.wemove.eu/campaigns/secheresse-2020-pour-une-gestion-equitable-de-l-eau-dans-le-puy-de-dome
Photo d’archives : voir l’article original