E3C : une génération entière sacrifiée pour maintenir la réforme ?

Alors que la répression contre les militants anti-E3C se poursuit, les autorités font montre d’un acharnement pathologique à maintenir les épreuves. Pour les élèves, les conséquences à long terme risquent d’être désastreuses.

« Patrick et Fabien ne sont convoqués qu’aujourd’hui car ils se sont aperçus après coup qu’ils avaient oublié la FSU » raconte Claude Delétang, secrétaire départemental du syndicat. Ce matin, mardi 11 février 2019, il y a à nouveau entre 150 et 200 personnes devant le commissariat de Clermont-Ferrand pour soutenir les militants convoqués. Il s’est déjà écoulé trois semaines depuis l’action contre les E3C au lycée Blaise Pascal qui fait l’objet d’une plainte de la proviseure, et les autres grévistes visés sont passés par la case interrogatoire le 29 janvier dernier. Respectivement secrétaire académique et secrétaire adjoint du SNES-FSU, Patrick Lebrun et Fabien Claveau complètent un tableau peu équivoque : ce sont les représentants de chacun des syndicats mobilisés qui ont été nommément désignés. « En tapant sur eux, on tape sur les organisations syndicales, et on essaye de nous museler », estime Claude Delétang. Un constat guère surprenant, alors que les réformes successives ont justement affaibli les syndicats et les protections liées au statut d’enseignant et de fonctionnaire. « Mais le gouvernement est en train de souffler sur les braises : voir des enseignants et des lycéens réprimés ne laisse pas indifférent, et beaucoup de gens sont prêts à se mobiliser si ça continue. »

Outre une répression inédite, le choix de maintenir les épreuves coûte que coûte interroge sur la valeur du diplôme. À Clermont-Ferrand comme ailleurs, les examens se sont déroulés dans le chaos : des élèves enfermés dans des salles, des sujets qui fuitent, des vidéos tournées en pleine composition par des candidats laissés seuls, des épreuves reportées de quart d’heure en quart d’heure pendant une matinée complète… La volonté affichée de noter les élèves comme si de rien n’était pose question. « Le principe même de ces épreuves remet en question l’égalité entre les élèves. Mais cet acharnement empire encore les choses : il y a des endroits où le contenu des épreuves ne correspond à rien de ce qui a été vu en cours. Il va y avoir une commission d’harmonisation qui va revoir les notes, et permettre au rectorat d’annoncer que tout s’est bien passé, mais les notes ne vont correspondre à rien. » Une situation chaotique qui rappelle le baccalauréat 2019, qui avait vu une grève de la surveillance et des corrections. Suite à la mobilisation, les témoignages s’étaient multipliés de notes attribuées de manière arbitraire et aléatoire par du personnel administratif. « On va voir ce qu’il va se passer réellement. Au niveau national, la région parisienne est partie en vacances avec des E3C qui n’ont pas eu lieu dans beaucoup d’établissements. Localement non plus, les épreuves n’ont pas eu lieu partout. Il y a des établissements où seulement une partie des élèves les ont passées… » Verra-t-on des notes attribuées à des candidats qui n’ont même pas composé ? Plus rien ne semble impossible, à l’heure où des lycées parisiens organisent des épreuves sous la surveillance de policiers armés. « Macron nous dit d’essayer la dictature, mais on aimerait bien qu’il commence par essayer la démocratie ! » Pour beaucoup d’élèves, les conséquences pourraient être catastrophiques : depuis la loi ORE, les universités sont autorisées à sélectionner sur dossier. Si la réforme soulève déjà la crainte d’un tri selon le lycée d’origine, cela risque d’être le seul critère d’admission pour une cohorte de bacheliers dont les notes ne signifient rien.

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