La sucrerie d’Aulnat : vers une fermeture définitive de l’usine ?

Le 17 avril dernier, l’entreprise coopérative sucrière française “Cristal Union” a annoncé un plan de restructuration visant les sites de Bourdon (Puy-de-Dôme) et de Toury (Eure-et-Loir). En clair, c’est une nouvelle peu réjouissante pour les employés de la sucrerie d’Aulnat, plongés dans l’incertitude quant-à l’avenir de leur usine. Pour comprendre les tenants et les aboutissants d’une telle décision, Médiacoop est allé à la rencontre de Brice Laurier, secrétaire CGT du comité d’entreprise (CE).

 

La sucrerie de Bourbon, créée en 1835, est la plus ancienne de France encore en activité. Rachetée par le Duc de Morny – demi-frère de Napoléon III – en 1837, l’usine est également la seule au sud de la Loire. Depuis 2011, la sucrerie appartient à “Cristal Union”, une entreprise coopérative sucrière possédant 10 usines à travers l’hexagone. Brice Laurier se souvient : « Auparavant, c’était une coopérative agricole indépendante. 450 producteurs de betteraves y détenaient des parts. En 2011, l’usine affichait un chiffre d’affaire de 35 millions d’euros. Autant dire que ça fonctionnait plutôt bien ».

Mais soucieux quant-à l’avenir de la filière des betteraves sucrières dans le Puy-de-Dôme, les anciens administrateurs du site ont trouvé plus judicieux de fusionner avec une entreprise coopérative de plus grande ampleur. « En fusionnant avec “Cristal Union”, les agriculteurs betteraviers pensaient qu’il y aurait plus de sécurité pour leur avenir. Finalement, il s’est avérait que “non” » précise avec amertume le secrétaire CGT du CE.

 

La sucrerie d’Aulnat paye t-elle les erreurs stratégiques de “Cristal Union” ? 

 

Profitant de la suppression des quotas sucriers européens intervenue en 2017, “Cristal Union” a incité les cultivateurs à augmenter leurs surfaces de betteraves afin d’accroître le volume de production de sucre. Confiants, c’est en toute quiétude qu’une quarantaine de producteurs se sont sereinement installés sur les terres noires et fertiles de Limagne, situées au centre de l’Auvergne. Aujourd’hui, près de 5000 hectares de betteraves sont cultivés à destination de la sucrerie de Bourdon. Brice Laurier l’avoue à demi mot, le site d’Aulnat paye à présent les erreurs stratégiques de “Cristal Union”.

D’après lui, il n’a pas fallu attendre longtemps avant que les sucriers se retrouvent confrontés au problème des excédents ainsi qu’à un effondrement des prix. « Parallèlement, des pays comme l’Inde ou la Thaïlande se sont également mis à produire énormément et à exporter. A ce moment-là, le prix de la tonne de sucre est passé de 700 euros à 300 euros. Autant dire qu’à ce prix là, aucune usine européenne ne peut vivre sans devenir déficitaire. Pour qu’une usine comme la notre puisse survivre, il faut que la tonne de sucre se vende à 400 euros » détaille t-il. 

Vers la mise à mal de tout un écosystème 

 

La fermeture définitive de la sucrerie de Bourdon sera synonyme de “désastre” pour les agriculteurs betteraviers si celle-ci est prononcée. Condamnés à mettre la clef sous la porte, ces derniers ne pourraient plus écouler leur betteraves. Interpellant les élus sur cette question, le secrétaire CGT du CE lance : « Il faut que les hommes politiques aient bien conscience que 450 producteurs risquent de perdre leur métier du jour au lendemain. Et puis, la pulpe des betteraves sert également à nourrir les bêtes de la région. Au final, c’est tout un écosystème qui pourrait être mis à mal ». D’ailleurs, les conséquences d’un tel évènement pourraient être bien plus lourdes que nous pouvons l’imaginer.

Si près de 90 salariés et 450 producteurs (dont environ 300 dans le Puy-de-Dôme) s’avèrent directement menacés, l’activité de divers corps de métiers pourrait également être impactée : les saisonniers venant chaque année en renfort au moment de la campagne sucrière ; les entrepreneurs arrachant les betteraves ; la startup “Afyren”  utilisant l’eau de lavage des betteraves pour fabriquer des acides à base biologique ; les transporteurs ; l’entreprise curant les bassins ; les sous-traitants assurant l’entretien des machines, etc.  « Analyser seulement la rentabilité de l’entreprise est une erreur fatale. Ce qu’il faut voir, c’est tout ce qui se greffe à l’usine. Si elle ferme, cela va toucher économiquement plusieurs secteurs » admet Brice Laurier, visiblement inquiet. 

L’avenir de la sucrerie de Bourdon : entre incertitudes et espoirs

 

Bien qu’elle soit ancienne, la sucrerie de Bourdon est en bon état. Arborant son gilet fluorescent, Brice Laurier est convaincu que le plan de restructuration annoncé par “Cristal Union” est une décision destinée à rassurer les milieux financiers. « Les employés sont tous derrière un projet de reprise mais nous n’avons pas vraiment d’informations. Nous savons seulement que l’on a  jusqu’à fin août pour trouver un repreneur. Nous pensons que cette option est possible. L’usine ne peut pas s’arrêter comme ça ». Sans repreneur, “Cristal Union” déclenchera un plan social, ce qui entrenerait inévitablement la fermeture de l’usine et le reclassement des salariés.

A présent, les betteraves sont semées. Déterminés à trouver une solution, salariés et producteurs se sont engagés à mener la campagne sucrière 2019 à son terme. « Nous faisons comme si l’usine n’allait pas fermer ». Même si le moral est en berne, les agriculteurs betteraviers envisagent de reprendre la sucrerie selon le témoignage de plusieurs producteurs. Finalement confiant, Brice Laurier conclut sur cette note plutôt optimiste : « Si on redevient une coopérative indépendante, il va falloir que l’on redevienne auvergnat dans notre façon de travailler. Notre méthode était beaucoup plus économique et il y avait beaucoup moins de gaspillage ».

 

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