En France, le nombre de personnes en situation de précarité augmente

L’enquête annuelle de l’UGESS (Union Nationale des Groupements des épiceries Sociales et Solidaires) dresse un bilan alarmant. Face à l’inflation et à la baisse des dons, en France, les épiceries solidaires font face à des difficultés accrues et doivent accueillir un public toujours plus large.

La mission de l’UGESS : lutter contre la précarité alimentaire. Son arme : l’union. En effet, l’UGESS se compose de groupements d’épiceries ou d’épiceries seules réparties un peu partout en France. Ces dernières signent puis mettent en œuvre la charte nationale des épiceries sociales et solidaires. Ainsi, de nombreux modèles différents y évoluent. Toutes les structures fonctionnent de manière partenariale au sein du réseau comme dans leur territoire, dans une logique de coopérations avec d’autres acteurs pour accompagner au mieux les publics accueillis. Au total, l’UGESS comprend près de 400 salariés et plus de 2000 bénévoles réparties sur 110 épiceries membres.

Pour la dignité et contre la précarité

Toute l’année, les épiceries mettent à disposition des produits variés et de qualité dans un espace aménagé en libre-service, ressemblant autant que possible à un magasin d’alimentation générale.« Les personnes en situation de précarité ont des produits entre 10% et 30% du prix d’achat. », explique Maxime Fritzen, chargé de plaidoyer à l’UGESS.

Mais si l’objectif principal de l’UGESS et de lutter contre la précarité alimentaire, son champ d’action est bien plus large. Les épiceries se veulent des lieux d’accueil et de convivialité où les personnes peuvent être accompagnées dans leur projet et participer à des activités variées. « Il y a deux aspects, la lutte contre la précarité alimentaire mais de façon plus large, la transformation des politiques d’aide alimentaire. Puis c’est aussi une question de dignité de la personne. », indique Maxime Fritzen.  En Auvergne, deux structures sont affiliées à l’UGESS : La Marguerite à Riom et Le Petit Marché Solidaire à Cournon, où nous nous sommes rendus cette semaine.

Tirer la sonnette d’alarme

Récemment, l’UGESS a publié son traditionnel panorama des épiceries sociales et solidaires. « Chaque année, on sonde les épiceries et collectifs d’épiceries de notre réseau. », précise Maxime. À travers l’envoi d’un questionnaire en ligne, l’UGESS tente de mieux cerner leur situation. Cette année, plus de 50 % des épiceries membres ont contribué à l’enquête. Et le constat est sans appel. « Effectivement, les épiceries voient de plus en plus de personnes nécessitant de l’aide alimentaire. » Une situation qui se veut la conséquence de politiques successives mais aussi d’évènements plus ponctuels, notamment l’inflation record de ces derniers mois.

Des facteurs qui se multiplient

Depuis des mois, la France connaît une inflation record. Une réalité qui touche des publics déjà fragilisés et qui en fait basculer d’autres dans la précarité. En effet, de nombreux ménages consacrent de moins en moins d’argent à leur alimentation tant les énergies coutent cher.

Un public qui s’élargit

Bien sûr, il ne faut pas oublier les publics qui traditionnellement se rendent dans ces structures. Maxime nous parle entre autres des femmes ou des familles familles monoparentales. Mais le constat est clair, de nouveaux profils apparaissent dans les épiceries. Alors que l’INSEE établit le seuil de pauvreté à 1100 € par mois (soit 60 % du revenu médian), les minimas sociaux ne permettent plus de mener une vie décente. Le nombre de personnes faisant appel à l’aide alimentaire est passé de 2,2 millions en 2009 à 5,6 millions en 2020. La crise du COVID et plus récemment l’inflation ont fortement participé à cette situation.

Selon le panorama de cette année, 53 % des épiceries constatent une hausse des publics accueillis (de l’ordre de 20 %) avec l’apparition d’un public retraité, étudiant et de travailleurs précaires. « On voit bien que la précarité touche tous les publics. », résume Maxime. Soulignons aussi la surreprésentation bien connue d’un public mineur de moins de 15 ans (30 % des publics des épiceries pour 17 % de la population) qui confirme que cette population est bien plus vulnérable face à la précarité.

Vulnérable, en effet, car ce sont bien les populations les plus précaires qui souffrent de problèmes de santé liés à l’alimentation : les 10% des Français les plus pauvres développent ainsi 2,8 fois plus souvent un diabète que les 10% les plus aisés. L’obésité touche bien plus des Français se situant dans le décile de revenu le plus bas. L’étude réalisée à l’initiative de la Ligue contre l’obésité et coordonnée par des chercheurs de l’Inserm et du CHU de Montpellier vient renforcer ce constat.

C’est malheureusement dans ce contexte de hausse des publics que 15 % des épiceries de l’UGESS ont dû refuser d’accueillir de nouvelles personnes faute de moyens suffisant.

Les lieux de solidarité en difficulté

Si les citoyens sont de plus en plus nombreux à être en difficulté au quotidien, les structures d’aide alimentaire souffrent également. Le calcul est simple : les demandeurs augmentent mais pas les moyens. Par conséquent, les produits viennent à manquer. Selon l’UGESS, les dons diminuent en quantité et en qualité. « L’apparition de start-ups engagées dans la lutte anti gaspillage ont permis de réduire les quantités de produits gaspillés (notamment via une meilleure gestion des stocks). Cette optimisation a aussi pour effet de réduire en partie la qualité de l’approvisionnement (avec des produits dont les dates limites de consommation sont trop courtes et donc directement jetés en arrivant dans les structures). », indique l’Union des Épiceries sociales et solidaires.

Apporter des solutions

« La politique d’aide alimentaire telle qu’elle est réfléchie n’est pas la bonne. À cela viennent s’ajouter des déstabilisations de court-terme. Nous, on demande que l’État réponde à l’ampleur de la situation et qu’il arrête de se reposer en permanence sur les bénévoles. », alerte Maxime.

 C’est avec ce constat en tête et dans cette situation compliquée que l’UGESS poursuit son engagement solidaire et la mise en place de réflexions à long-terme. Ainsi, l’Union défend l’idée d’une sécurité sociale de l’alimentation et d’une hausse du Crédit Nationale des Epiceries Sociales (CNES) qui permet de proposer aux épiceries une enveloppe d’achat et donc de mieux réfléchir ses approvisionnements. Le caractère fluctuant des dons serait ainsi minimisé par une politique d’achat en direct. Maxime rappelle que cette enveloppe n’a pas augmenté entre 2022 et 2023 alors que l’inflation sur les produits alimentaires atteint plus de 10 % et que le nombre d’épiceries sociales et solidaires a augmenté ces dernières années. Du dernier questionnaire soumis aux épiceries, il apparaît que 20 % d’entre elles déclarent avoir des problèmes de trésorerie.

Plus que de représenter au niveau national les épiceries et les groupements, l’UGESS se veut un relai pour porter un plaidoyer pour un droit à une alimentation digne et durable pour tous face au triple défi de la hausse des prix, des publics, et de la stagnation des aides et dons.

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