Selon l’association Réseau Vichy Solidaire « La Préfecture de l’Allier refuse de livrer aux mineurs isolés leur autorisation de travail »

En terres bourbonnaises, la politique migratoire se durcit progressivement sous l’impulsion de la préfecture et du conseil départemental. Parmi l’ensemble des exilés présents en Allier, ce sont les plus jeunes qui en font actuellement les frais. Visés par de récentes mesures émanant des pouvoirs publics, les mineurs isolés ont vu leurs droits se réduire comme peau de chagrin. C’est pour cette raison que les membres de l’association Réseau Vichy Solidaire (RVS) viennent de lancer une pétition avec plus de 1000 signatures recueillies en une semaine. 

 

À notre arrivée, nous sommes accueillis par Valérie, membre de RVS. Emboitant son pas, nous découvrons avec étonnement Les Boutiques du Forum, un lieu incontournable que les Vichyssois connaissent bien. Depuis le mois de novembre 2017, c’est dans ce cadre ancien que RVS occupe l’une des boutiques accueillant chaque semaine de jeunes étrangers pour leur donner des cours de français ou de mathématiques. Après avoir franchit l’entrée du local, nous découvrons attablés une vingtaine de mineurs isolés attendant patiemment le retour de leur “professeure de français”.

Ré-endossant son rôle, Valérie poursuit la correction de l’exercice en cours. Cette dernière est aux petits soins pour ces jeunes maîtrisant la langue française avec une aisance évidente. Elle prend le temps de les familiariser avec des mots qu’ils ne connaissent pas toujours mais une véritable volonté d’apprendre émane de ces jeunes gens. D’une durée de 2 heures 30, ces cours de langues ont lieu trois fois par semaines (lundi, mardi, jeudi).

Une fois la séance terminée, Valérie nous présente en quelques mots l’association sous le regard attentif de ses “élèves” : « RVS existe depuis trois ans pour accompagner les exilés dès leurs arrivée sur l’agglomération vichyssoise. L’association compte à présent une vingtaine de bénévoles actifs et une quarante d’adhérents ». RVS, officiellement déclarée le 1er février 2017, peut s’appuyer sur l’investissement de ses membres pour pallier la désolidarisation progressive des pouvoirs publics locaux en matière d’accueil et d’accompagnement.

 

 « Actuellement, les patrons qui ont accepté d’accueillir ces gamins sont furieux car ils se retrouvent sans apprentis »

 

Cet après-midi là,  la plupart des jeunes présents dans la salle nous parlent de leur situation.Tous sont logés à l’hôtel. Seul A. vient d’intégrer un foyer. Néanmoins, aucun d’entre eux ne vit à la rue. Or, la menace de se retrouver un jour sur le trottoir plane en permanence au-dessus leur tête. Bien que tous aient été  reconnus comme “mineurs isolés” par le juge, ils n’ont aucune perspective d’avenir en vue tant que les pouvoirs publics locaux se permettent d’atrophier peu à peu leurs droits.

Comme Valérie nous le signale, le souci majeur rencontré par ces jeunes ne concerne pas la reconnaissance de leur minorité.  « Certains d’entre eux sont en apprentissage. Ils ont réussi a trouver un patron sur Vichy. Tout se passait bien avec eux jusqu’au jour où la préfecture a pris la décision de ne plus leur livrer d’autorisation de travail. Pourtant, c’est un droit que possèdent ces jeunes et cette décision s’inscrit en dehors du cadre légal ». D’autant plus que les autorisations de travail sont censées être délivrées par la “DIRECCTE Auvergne-Rhône-Alpes” (Direction régionale des entreprises de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi d’Auvergne-Rhône-Alpes).

Or, à partir de septembre 2018, la préfecture de l’Allier a décidé de prendre elle-même en charge les dossiers de ces mineurs. Finalement, certains d’entre eux ont attendu 8 mois avoir d’avoir une réponse précise quant-à leur avenir en entreprise. Pour d’autres, l’attente se poursuit et s’avère interminable.D’après Valérie, le conseil départemental de l’Allier est clairement responsable. « Cette collectivité locale est allée dans le même sens que la Préfecture sans réagir malgré les alertes que nous avons lancées ».

 

« Actuellement, les patrons qui ont accepté d’accueillir ces gamins sont furieux car ils se retrouvent sans apprentis »

 

Depuis le 12 avril 2019, la majorité de ces jeunes se voit refuser l’accès à leur centre de formation (notamment IFI03 à Arvermes) sous prétexte de la non-délivrance de leur autorisation de travail. Ne parvenant pas à saisir le sens d’une telle décision, Florence – également membre de RVS – dénonce avec conviction l’absurdité de la politique migratoire menée à l’égard de ces jeunes. « Actuellement, les patrons qui ont accepté d’accueillir ces gamins sont furieux car ils se retrouvent sans apprentis. Ces jeunes étaient motivés et on leur interdit de poursuivre leur apprentissage. Le conseil départemental a fait pression sur les patrons et sur les centres de formations pour qu’ils ne prennent plus en charge ces jeunes ». Une décision incompréhensible qui intervient à seulement quelques semaines des examens puisque certains de ces jeunes doivent passer leur C.A.P… Mais aucune garantie à ce sujet n’a été fournie.

Pourtant, selon la loi, ces jeunes ont un droit à la formation, d’après Florence : « L’article L.5221-5 du code du Travail, et l’article 50 de la loi Asile et immigration du 10 septembre 2018, prévoient que l’autorisation de travail est accordée de droit par la DIRECCTE aux mineurs isolés pris en charge par l’ASE et signataires d’un contrat d’apprentissage ou de professionnalisation ». En clair, cela signifie que la Préfecture est dans l’obligation de livrer une autorisation de travail à ces jeunes ayant déjà trouvé une structure prête à les accueillir.

 

« Ça fait des mois que la Préfecture nous répond que leurs papiers sont en cours de vérification »

 

Globalement, les membres de l’association ont l’impression que ces décisions arbitraires résultent d’une volonté politique destinée chasser ces mineurs isolés du territoire. « Ils sont en train de tout bouchonner. Ça fait des mois que la préfecture nous répond que leurs papiers sont en cours de vérification. On a toujours rien. Et pendant ce temps, la plupart des jeunes croupissent à l’hôtel » tempête Florence.

Autour de nous, le stress de ces jeunes est palpable. Pensent-ils à leur avenir ? Y parviennent-ils seulement ? Certains d’entre eux ont reçu une OQTF (Obligation de quitter le territoire français) et ne peuvent plus faire recours car les délais ont été dépassés. Se tournant vers l’un des jeunes, Florence expose son cas en guise d’exemple. « Il n’a même pas reçu la lettre lui stipulant qu’il devait quitter le territoire. Ils lui ont envoyé son OQTF à son ancienne adresse. Le temps qu’il apprenne la nouvelle, le délai pour faire un recours gracieux auprès de la préfète était dépassé ».

Suite à une grande réunion (Conseil départemental, OFII, PAF), organisée en avril dernier avec l’ensemble des travailleurs sociaux, le conseil départemental a finalement pris la décision d’intensifier « la chasse aux migrants » selon Valérie. « Lors de la réunion à laquelle nous n’avons pas été conviés, le Conseil Départemental a décidé que désormais il fallait remettre en cause par principe la véracité des papiers attribués aux plus jeunes. Alors maintenant, ils font appel de manière quasi permanente ». Mais les membres de RVS ne veulent faire aucune concessions. Aussi, pour sensibiliser un maximum de gens sur la situation actuellement rencontrée par ces jeunes, l’association a prévu d’organiser un “Cercle de silence”, samedi 1er juin, à 16 heures devant le parvis de l’église Saint-Louis, à Vichy.

 

Retrouvez le blog de l'association sur Mediapart en cliquant ici.
Voici le lien pour signer la pétition.

 

 

 

 

 

 

 

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