pourquoi il faut manifester contre la retraite à points …

Vendredi, nous étions invités par Solidaires à rencontrer le responsable retraites du Syndicat, Patrice Perret. Il est venu expliquer la nouvelle réforme de retraite à points. S’il a été invité aux concertations concernant cette réforme, il avoue que les syndicats n’ont eu qu’un rôle consultatif, mais au moins, ils ont pu suivre et comprendre un peu mieux ce qui nous attend. Alors, on a décidé de vous expliquer pourquoi jeudi 5 décembre, vous aurez de bonnes raisons de descendre dans la rue

Bon, c’est évident, ce n’est pas simple d’y comprendre quelque chose, et il fallu poser pas mal de questions. N’hésitez pas à nous envoyer les vôtres…On tentera d’y répondre..

Régles générales de la réforme

JP Delevoye a donc annoncé la nouvelle réforme des retraites qui sera applicable en janvier 2025 dans sa totalité. Il s’agit d’une retraite de régime à points, révolutionnaire et avantageuse selon lui. Il suffit en gros d’acheter ses points et en fonction du nombre de points cumulés, on a plus ou moins une grosse retraite, avec un minimum assuré. Ca fait rêver ?

Soyons concrets : un point vaut à peu près 11 euros. 1 euro va pour le fonctionnement, 10 euros équivaut un point. Il suffit alors de multiplier ses points à la valeur du point.

Cette valeur du point est définie par l’époque : En fonction de l’inflation, le court du point changera. Impossible donc de savoir combien nous toucherons à l’âge de la retraite. L’âge justement. En fonction de l’âge à laquelle on décide de partir, le point coûtera plus ou moins. Si on part à l’âge de retraite légal, 62 ans désormais, le point est à 0,49 euros, si on pousse le bouchon pour avoir une meilleure retraite, à 64 ans, le point sera à 55 cents, et si on décide ( et si on a la capacité) de partir à 66 ans, le point coûtera 0,60 euros. Ainsi, cette nouvelle réforme pousse à partir le plus tard possible à la retraite pour faire augmenter sa valeur du point et avoir une meilleure retraite ( mais moins longue…)

Le rendement de notre investissement baisse énormément par rapport à l’ancien régime de retraite. Nous avons payé le point 11 euros, il nous rapporte 0, 495 euros à l’âge légal. Un rendement de 4, 45 %, actuellement nos cotisations ont un rendement de 6 %. Mais comme dit précédemment, en fonction de l’époque. Le point pourra avoir une valeur bien inférieure au moment de l’arrivée à la retraite…

Cette nouvelle retraite de régime à points pose une autre difficulté. Jusqu’ici nous sommes dans un régime distributif. Il s’agit de solidarité entre les salariés. Nous cotisons, donnons à la société pour les reversions, le chômage, etc. Désormais, il s’agira de contribuer, 1 euro cotisé donne les mêmes droits à tous, aux riches comme aux pauvres qui pourront se payer bien moins de points évidemment…

Il existera néanmoins un Fonds de Solidarité Vieillesse Universel pour les minimum retraites et les départs anticipés seront à la charge des employeurs.

Les chapitres du rapport Delevoye

  • définition du système : Les points se feront sur l’ensemble de la carrière, même lors de petits boulots. les droits acquis se feront sans décote ni surcote en étant indexée sur l’inflation.
  • les cotisations : Fonctionnaires et salariés cotisent à hauteur de 28,12 % ( dont 25 % donnent des droits, le reste sert au fonctionnement et la mise en place de la réforme.) jusqu’à 10 mille euros mensuels. Indépendants, agriculteurs et commerçants cotisent à 28,12 % jusqu’à 3300 euros. Et ensuite 12,94 % jusqu’à 10 mille euros. Au-dessus de 10 mille euros, tout le monde cotise 2,81 %. Certains avantages spécifiques sont pris en charge par l’Etat comme les abattements fiscaux des journalistes, artistes, et marins. Les médecins sont pris en charge par l’assurance-maladie, et les avocats ont leur propre mécanisme de soutien.
  • Conditions de départs en retraite : L’âge légal est de 62 ans. Mais comme écrit plus haut, il existe l’incitation financière à partir le plus tard possible. Faisons un petit calcul. L’ouvrier a commencé à travailler à 20 ans, il travaille donc 42 ans, et est à la retraite à 62 ans, l’âge légal mais l’âge auquel le point est le plus faible ( 0, 495 euros). Le cadre commence à travailler à 24 ans, il a fait des études, il partira donc à 66 ans, l’âge auquel le point est à 0,605 euros. ( soit 22 % plus rentable !). Ajoutons à cela l’espérance de vie d’un cadre de 6 ans et demi de plus qu’un ouvrier. Il profitera d’une meilleure retraite plus longtemps…

départs anticipés sauvegardés seulement pour la police et l’armée !

  • Pénibilités et spécificités de certains métiers : Le seul maintien du départ anticipé concerne les métiers d’homme ! Militaires et Police partiront plus tôt. 17 ans de carrière seulement dans l’armée. Tous les autres avantages sont effacés. Pour rappel d’ailleurs, les avantages des autres métiers tels que la SNCF ne l’étaient pas vraiment, les agents pouvaient partir plus tôt car cotisaient deux fois plus en vrai…Avant, il existait 10 raisons de reconnaître la pénibilité dans le travail, la nouvelle réforme en a supprimé quatre dont  » les charges lourdes »,  » les vibrations »  » les gestes pénibles  » et  » la toxicité de certains produits » . Les horaires ne sont plus pris en compte alors que l’on sait que les travailleurs de nuit ou en décalage ont une espérance de vie plus faible…

Droits familiaux, les femmes grandes perdantes

Saviez vous qu’en moyenne un femme touche 1070 euros de pension retraite contre 1800 euros pour un homme ? Saviez-vous qu’en moyenne, une femme touche 20 trimestres de moins qu’un homme ? Que plus on a d’enfants, plus la pension est basse ? Saviez vous que la salaire d’une femme à métier égal équivaut à 82 % de celle de son confrère, s’il gagne 1000 euros, elle ne gagne que 820 euros …Mais que les inégalités s’accroissent au moment de la retraite…la femme ne gagne que 61% de la pension de son homologue masculin…

La nouvelle réforme propose de majorer de 5 % la pension à la naissance des enfants. Sauf qu’il est plus rentable d’appliquer 5 % sur le plus gros salaire, souvent celui de l’homme du coup…Quant à la réversion en cas de veuvage ( qui touche majoritairement les femmes) elle se calcule sur 70 % de la somme des 2 pensions alors qu’avant elle correspondait à 50 % de la pension de la personne décédée. Il faut savoir qu’aujourd’hui, 4, 4 millions de personnes touchent une réversion, dont 1, 1 million ne touche que ça et n’ont pas de salaire à côté. Bien sûr, la réforme ne prend pas en compte l’évolution de la société et ne parle pas des couples pacsés ou en concubinage par exemple…

La gouvernance : une histoire de gouvernement sans concertation.

Comment tout cela va-t-il être géré ? Il y aura une Caisse Nationale de retraite Universelle qui englobera même les complémentaires. C’est le gouvernement qui décidera des conditions d’ouverture des droits ( âge…) . Il y aura aussi une Assemblée générale réunissant tous les partenaires qui pourra donner un avis sur le CA ( consultatif et non exécutif donc) , un comité d’experts, et 30 citoyens. Mais c’est le gouvernement qui décidera seul, et non la caisse nationale. Les syndicats qui n’auront donc qu’un avis consultatif dénoncent la remise en cause de leurs fonctions et du paritarisme.  » Ceux qui paient devraient être décideurs… »

Organisation et finances : fusion de toutes les caisses.

La Caisse nationale intègre donc tous les organismes retraites qui vont fusionner. Une seule caisse pour tous les corps de métier.

Le Fonds de solidarité Vieillesse Universel ( en charge de la distribution du minimum vieillesse) sera financé par des recettes fiscales.

Il existera aussi un Fonds de Réserve Universel, au cas où…

Respect des grands équilibres financiers : Rentabilité !

le gouvernement finit par ce chapitre. La règle d’or est de prévoir des dépenses inférieures ou égales aux recettes pendant 5 ans. La part des retraites correspond à 13, 8 du PIB. Il n’est pas exclu d’une baisse des pensions lors de l’augmentation du nombre de retraités. Afin de rester à l’équilibre, il faut multiplier le taux utile de cotisation* salaires moyen* nombre de cotisants. Les valeurs du point peuvent donc être revues à la baisse en fonction du nombre de cotisants et du nombre de retraités. Le gouvernement a favorisé une pension  » forte » dès le départ qui sera très peu valorisée au fil du temps.

Ca donne quoi ailleurs, la retraite à points ?

L’exemple est donné en Suède par Patrice Perret. Le pays applique déjà la retraite à points. Et les chiffres sont effrayants.

57 % des femmes touchent le minimum vieillesse. ( 6 % d’hommes)

17 % des plus de 65 ans vivent sous le seuil de la pauvreté.

92 % des suédoises auraient eu des retraites supérieures avec l’ancien système.

Ca donne envie, n’est-ce pas ?

Oui, mais pouvons-nous faire autrement ?

On nous parle de l’espérance de vie qui augmente, c’est un fait, mais ce n’est pas nouveau, il augmente depuis 1790 ( Louis XVI avait encore toute sa tête !) En moyenne, aujourd’hui, on profite 22 ans de sa retraite et nous avons réalisé des avancées sociales importantes avec l’interdiction de travail chez les enfants, la diminution de la durée journalière, les congés payés pour le bien-être des salariés. Pourtant, l’espérance de vie en Bonne Santé n’excède pas les 9 ans.

Nous avons de plus en plus de retraités ? Pas faux. En 1960, il fallait 4 actifs pour payer un retraité. En 2000, nous n’avons plus que 2 actifs pour un retraité, oui mais, ces salariés-là sont 6 fois plus productifs financièrement qu’en 1960. Mais, ce produit financier ne file pas tout droit dans les cotisations , mais dans les dividendes et profits de l’entreprise. Cet argent n’est pas donné à la masse salariale et donc au lieu d’être distribué aux salariés et retraités, est rétribué aux actionnaires et patrons. Si nous redistribuons et partageons équitablement nos richesses, nous avons largement de quoi offrir une belle retraite à tous.

la retraite est donc un vrai choix de société. La nouvelle réforme ne met pas nos fins de vie au cœur de ses préoccupations, bien trop occupée à distribuer des dividendes…Le choix est politique, privilégiant l’enrichissement des plus riches plutôt que le partage des richesses et la solidarité intergénérationnelle.

Alors, Jeudi, on fait grève ?

PS : Merci à Solidaires qui nous a acceptés toute la journée lors de cette conférence qui s’est déroulé salle Chanterane à Clermont-Ferrand

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