Paroles de gardé à vue du 29 novembre

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Militant à Alternative libertaire, Guillaume préparait avec ses camarades le contre-sommet de la COP 21. Les attentats du 13 novembre ont chamboulé les calendriers et les projets. La mise en place de l’état d’urgence représente pour lui une grosse esbroufe. Ses amis et lui décident d’aller manifester quand même le 29 novembre, place de la République…Une manifestation qui lui vaudra vingt-quatre heures de garde à vue…

Guillaume a rendez-vous dès la matinée avec une trentaine de camarades pour une AG de préparation de la manifestation. Comme d’ordinaire, Alternative libertaire met en place «  une SO  », c’est-à-dire non pas un service d’ordre, comme dans la plupart des organisations, mais une « sérénité organisée  » pour prévenir les débordements policiers. Place de la République, vers 11 Heures, la manifestation prévoit d’être tranquille. Déjà de nombreux cars de CRS sont installés, mais des milliers de gens sont rassemblés, dans une ambiance bon enfant. AL organise alors un meeting public en lisant une allocutions et en scandant quelques slogans au mégaphone. Les citoyens commencent à se rassembler autour du petit groupe. Les copains de la SO estiment alors qu’il est jouable de partir en manifestation autour de la place. Le cortège agrège vite un millier de personnes. Une tentative de quitter la place pour aller vers la Nation est vite bloquée par les cars de CRS. Obligés de faire demi-tour, ils repartent pour un tour sur la place de la République, puis finissent par se disperser. Des affrontements en marge de la manifestation commencent à se faire entendre. Guillaume lui, en profite pour répondre aux interviews de plusieurs journalistes étrangers. «  Nous aurions voulu sortir de la place, explique Guillaume, mais très vite, nous avons été encerclés, et on comprend que ce ne sera pas possible. »
Le groupe se serre les coudes et commence à faire des chaînes sur 2 ou 3 rangs. Plusieurs fois, ils doivent essuyer les coups de pression et les charges des forces de l’ordre. Un des jeunes manifestants est à terre. Après avoir inhalé à deux reprises les gaz lacrymogènes et avoir été compressé lors des charges, il tombe dans les pommes. Il sera évacué par la police et une ambulance viendra le chercher pour l’hospitaliser.
Pour les autres, ils seront extraits un à un, plus ou moins violemment, et parqués dans un autocar de la préfecture. « Il y avait une super ambiance ! Pour la plupart, nous étions des militants politiques, pas du tout impressionnés. On a pris la chose avec humour, et chanté tout le répertoire des chants révolutionnaires. Mais il n’y avait pas que des choses marrantes : deux manifestantes autrichiennes, qui devaient reprendre leur avion le soir même, ont dû y renoncer. » Les personnes arrêtées tapent en rythme sur les vitres du car ; à l’extérieur, des centaines de gens les applaudissent. 
Descente au commissariat du 18e arrondissement. Après la fouille au corps, le retrait des lacets, on les prévient qu’ils sont en garde à vue pour «  rassemblement interdit non armé ». Ils se retrouvent parqués dans des cellules de 20 personnes. «  Très vite, dans notre cellule, nous avons débattu de la situation. Certains nous rappelaient nos droits, d’autres distribuaient la parole. De la cellule des filles à côté, nous entendions des chants tonitruants, ambiance stade de France, c’était assez drôle. » Pour Guillaume, finalement, cette expérience de cellule est intéressante pour l’ambiance collective qui en émane. Dans la soirée, répartition dans différents commissariats. Guillaume se retrouve dans le 5e. « C’est drôle, je connais bien ce commissariat, quand je travaillais sur mon livre Trop jeunes pour mourir, je m’y suis rendu pas mal, car on y conservait à l’époque les archives de la préfecture de police, et là, j’y débarque en garde à vue… » raconte-t-il, amusé. 
Dans le 5e, on est à dix par cellule. Les interpellés finissent par manger, et après avoir bien discutaillé, demandent une couverture « pas plus épaisse qu’un drap mais on s’en est contentés ». Il fait froid sur le béton et, tour à tour, chacun est appelé pour être auditionné. 
Guillaume a une avocate commise d’office. Elle s’accorde à lui dire que cet état d’urgence c’est aussi une façon d’étouffer la contestation politique. A 2 heures du matin, elle est à ses côtés lorsqu’il est interrogé par un officier de police judiciaire. Il signe sa déposition. « Elle ne m’a pas posé de question vicieuse, d’abord je pense parce qu’il était 2 heures du mat, parce qu’elle n’avait pas le temps, mais aussi parce que je lui ai clairement dit que je n’ai pas entendu la sommation de dispersion, que je n’ai pas vu les fusées rouges et quand bien même je les aurais vues, que je ne connaissais pas leur signification. C’est elle qui m’a appris que ces fumées correspondent à une sommation de dispersion. Elle a opiné quand je lui ai signalé que, de toute façon, la dispersion était impossible puisque la place était bouclée. »

Après une très mauvaise nuit, Guillaume sera «  libéré » à 15h35, après vingt-quatre heures de garde à vue. Aujourd’hui, il est libre, pour l’instant aucune suite judiciaire n’a été donnée à sa nuit au commissariat. «  Ils ont six mois pour nous notifier une éventuelle poursuite. S’il y a procès, nous en ferons une tribune politique pour dénoncer la situation, mais pour l’instant nous n’en sommes pas là. » Il garde de tout cela un souvenir pas déplaisant, marqué notamment par la solidarité et le bon moral des interpellés. Il finit l’interview par une dernière anecdote : « J’ai demandé à ce qu’ils appellent ma compagne, comme j’en avais le droit. Son téléphone était sur répondeur. Ils lui ont laissé un message, mais se sont trompés de fiche, et l’ont avertie de la mise en garde à vue d’un autre que moi !  »

 

Vous pouvez voir ci-dessous une nouvelle vidéo qui raconte la manif du 29 novembre.

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