Au cœur de Clermont-Ferrand et à quelques pas de la cathédrale se trouve un lieu rempli de 1000 trésors. 877 pour être plus précis.
Arrivé sur le perron, Jean-Michel Duclos invite à le suivre dans sa maison. Après avoir longé un couloir et une affiche « Larzac Résistance », un endroit magnifique se laisse découvrir. Des dossiers empilés un peu partout, des articles qui virevoltent, une ancienne cheminée et un bureau en bois épais. Sur celui-ci trône une lampe d’un autre temps qui éclaire la pièce d’une lumière orangée. Et le clou du spectacle, une imposante bibliothèque s’étalant sur un pan de mur entier remplie de centaines d’ouvrages. C’est cet amas de ressources que Jean-Michel a accumulées. « J’ai commencé il y a maintenant 5 décennies de 1970 à 2024. J’ai toujours acheté des livres, je ne pouvais pas m’en passer » confie-t-il.
Une vie passée à collecter des document
Cet ancien conseiller municipal de Clermont-Ferrand raconte que la question de la corruption a commencé à l’interpeller à la fin des années 80 alors qu’il militait chez les Verts. De sa lutte contre l’incinérateur local à ses révélations au Canard Enchaîné sur Valéry Giscard d’Estaing dénonçant les milliers d’euros dépensés par le Conseil régional pour l’anniversaire de sa femme, Jean-Michel est une source intarissable qui détaille tous les plus gros scandales des systèmes d’influences locaux.
« Pendant le confinement, j’ai décidé de trier tout ce que j’avais accumulé dans les marchés aux puces ». Se lance alors un vaste projet d’enregistrement de chaque ouvrage dans une base de données, la librairie Tellico. Ici, les premières et dernières de couverture ainsi que des informations complémentaires permettent d’avoir un premier aperçu des oeuvres.
« Mon objectif est de pouvoir transmettre aux autres que ce soit des étudiants ou des personnes intéressées par les luttes. A terme, la bibliothèque s’exportera ailleurs avec un réel système de prêt sérieux encore en réflexion ». Actuellement, il est possible de consulter les données des ouvrages de la bibliothèque de Jean-Michel juste ici. Et « si vous voulez les acheter, plusieurs sont disponibles en librairie ou sur les logiciels de livres » rassure-t-il.
« Ici, si je devais choisir mon livre préféré ? Je peux en choisir deux ? Je dirais Un crime sous Giscard sur les réseaux d’influences et Un chasseur nommé Giscard, il est terrible. »
Aujourd’hui à la retraite, Jean-Michel vit une vie d’archiviste dans cette bibliothèque qui, il l’espère, pourra servir à autrui. Selon lui, « à la différence des réseaux sociaux, se trouve ici la preuve livresque des manigances, preuve qui reste alors que les réseaux, c’est fragile ».
Une bibliothèque déjà consultable à quelques rues de là
En parallèle de sa bibliothèque personnelle, Jean-Michel Duclos s’occupe également de celle de l’Université Populaire et Citoyenne située au 3 Rue Gaultier de Biauzat à Clermont-Ferrand. Avec la participation de quelques bénévoles, le travail d’archivage est loin d’être fini, la bibliothèque regroupant 2000 ouvrages. Pierre Lapresle, 32 ans, responsable d’une société de nettoyage, s’occupe depuis maintenant un an de recenser tous les livres dans le logiciel Tellico comme Jean-Michel.
« Il y a tellement de choses à l’UPC qui sont toujours en friche et qui ont un réel potentiel, il y a encore beaucoup de travail et on a besoin de monde pour nous aider que ce soit pour trier ou tenir des permanences. Plus des gens sont intéressés, plus on est content » explique-t-il. Tout est bien rangé, de la géographie à l’anarchisme en passant par l’Histoire. L’air enjoué, Pierre raconte qu’ « on se fait vite absorber, plonger la tête dans un bouquin et c’est très compliqué de résister à la tentation de lire un livre pendant des heures ».

Alli (nom d’emprunt) aide, lui aussi, pour le rangement. Il confie qu’il est nécessaire de « continuer à faire vivre la collection et l’agrandir ». De plus son souhait serait de « transformer le lieu en un lieu de vie où les étudiants peuvent puiser des ressources pour leurs mémoires ou s’ils s’intéressent à la politique et à l’histoire des luttes ». Au total, ce sont environ 5 personnes qui continuent ce long travail en l’enrichissant par des interviews d’anciens militants ou l’ajout de nouveaux trésors. Un lieu ouvert régulièrement pour permettre aux personnes qui le souhaitent de pouvoir, dès aujourd’hui, consulter cette autre mine d’or livresque de Clermont-Ferrand.