« Si l’on veut une transformation sociale, les élections ne sont pas les débouchés des luttes »

« Les élections peuvent-elles changer la société ? » C’est la question à laquelle une quinzaine de participant.e.s ont tenté de répondre vendredi dernier, lors d’un débat organisé par l’UCL au café-lecture des Augustes.
« Est-ce que vous votez, et pourquoi ? »

Après un petit quart d’heure d’attente des retardataires, le moment d’échange commence au café-lecture des Augustes. « Est-ce que vous votez, et pourquoi ? » Les regards se croisent timidement dans la petite assemblée, attendant que quelqu’un.e prenne la parole. Autour des canapés, des hommes et des femmes, jeunes et plus âgés, sont venus participer au débat. 

Au bout d’un moment, les premières réponses se font entendre : il y a ceux qui votent « sans conviction », qui espèrent des élus « un peu moins pire » que les précédents, ceux qui votent pour « faire barrage » ou qui votent blanc, ceux pour qui « ça dépend », et ceux qui préfèrent s’abstenir. Certains ont leur avis bien tranché, clair et construit, d’autres préfèrent écouter, hésitent, acquiescent, se reformulent.

« Les élections peuvent-elles changer la société ? »

C’est Elise-Ambre, membre de l’UCL (Union Communiste Libertaire), qui anime le débat. Pour ce groupe anti-parlementaliste qui prône l’autogestion du peuple, la réponse est sans appel : non, les élections ne peuvent pas changer la société. Avant de laisser la parole aux participant.e.s, la militante prend le temps d’exposer en détail leur position et leurs revendications : « L’Etat n’est pas quelque chose de neutre. C’est une technocratie qui organise et légitime la violence d’une classe sur une autre ».

Pour tous, retour en cours de philosophie : une distinction conceptuelle est de mise. Vote ou élection, ce n’est pas la même chose. On peut voter pour exprimer son opinion vis-à-vis d’une loi, d’une mesure, etc. En revanche, lors d’une élection, on choisit une personne qui n’est pas juridiquement tenue d’appliquer son programme. Or, sans cette garantie, aucune certitude de changement sociétal. 

Un problème de représentativité parmi les élus

Pour l’UCL, il y a un problème fondamental dans le principe électoral. Comment un système peut-il se dire « représentatif » lorsqu’un président est élu par une (faible) minorité ? À l’assemblée, le problème est similaire. Elise-Ambre rappelle qu’on compte au Sénat 0,9% d’ouvriers et 4,5% d’employés, alors que la population française en dénombre respectivement 12% et 16%. Des chiffres qui font hausser les sourcils des participant.e.s.

Voter pour faire barrage à l’extrême-droite ? 

Cette expression, souvent utilisée pour inciter les gens à voter comme ce fut le cas au second tour des présidentielles (en mai dernier mais aussi en 2017), reflète pour l’UCL un véritable « sentiment d’impuissance », voire une certaine « paresse »

Elise-Ambre souligne que faire barrage dans les urnes n’empêche malheureusement pas les idées de se diffuser dans la société. « Wokisme », « islamogauchisme » sont des bons exemples d’un vocabulaire issu de l’extrême droite qui se banalise sur les plateaux-télé ou dans la bouche des politiques.

Débat

Alors, reprenons notre énoncé : les élections, qu’est-ce que cela change ? « Dire que les élections ne peuvent pas changer la société, cela ne signifie pas qu’elles ne servent à rien », affirme un participant. Tous s’accordent sur ce point : sous certains gouvernements, c’est plus difficile de faire entendre ses revendications. Manifester quand la police vous balance des bombes lacrymogènes, c’est tout de suite plus compliqué. 

Dis-moi si tu votes, je te dirai qui tu es

Le débat a d’autant plus de sens qu’aujourd’hui il est difficile de ne pas voter sans subir de ceux qui votent un jugement moral. Pour certains, « voter, c’est légitimer le pouvoir en place ». Elise-Ambre souligne : « même voter pour quelqu’un qui se dit contre le système, ce n’est pas aller contre le système ».

D’autres relèvent le problème de l’abstention qui regroupe à la fois des militant.e.s et des personnes qui se désintéressent complètement de la politique. Cela ne constitue pas un ensemble homogène. 

Le vote blanc pourrait sembler une bonne alternative pour dire que l’on ne se retrouve pas dans les programmes proposés, mais tout le monde n’est pas d’accord sur sa portée. Puisqu’il « ne compte pas », il n’a pas d’impact réel. Le fait même de voter signifie qu’on adhère au système.

Elections et luttes : incompatibles ? 

Pour Leo, « voter, ça n’a de valeur que si l’on s’investit dans les luttes. » Les mains s’agitent dans la salle en signe d’approbation. Une retraitée s’insurge : quels moyens d’action a-t-on, quand on est en incapacité physique de militer dans la rue ? Plusieurs participant.e.s y vont de leur réaction : militer, ce n’est pas forcément faire la grève ou participer aux gilets jaunes. S’engager auprès d’associations, partager ses connaissances, les manières d’agir sont nombreuses. Cela ne nécessite pas forcément d’être valide ou travailleur.euse actif.ve, ni d’avoir beaucoup de temps. 

Vous l’aurez compris, à la question « les élections peuvent-elles changer la société ? », il n’y a pas de réponse toute faite. Tout dépend de notre conception du vote et de ce que signifie pour nous « changer la société », car d’une certaine manière, elle change tous les jours. Il faut questionner les institutions, comprendre ce que le choix implique et agir en conscience de cause. 

Les deux heures de débat auront tout de même permis d’initier des réflexions. Parmi l’assemblée, certains étaient venus en quête de motivation pour aller voter. Ils repartent plutôt avec l’envie d’explorer d’autres manières de faire changer la société. De son côté, l’UCL propose de prolonger le débat dans son mensuel Alternatives Libertaires, où leur prise de position est exposée plus en détails.

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1 réflexion sur “« Si l’on veut une transformation sociale, les élections ne sont pas les débouchés des luttes »”

  1. bonjour,
    dommage que le média ait laissé animer le débat sur la démocratie parlementaire par une organisation qui s’oppose à ce mode de débats ! Donc je ne comprends pas bien le sens de cet article qui se fait trop l’écho de l’UCL et de son message : ne votez plus.
    Au contraire, l’élection d’un ou d’une élue qui partage nos valeurs et qui les porte dans une assemblée est une chose formidable. C’est nos représentants qui peuvent peser sur l’action politique nationale et ils sont tout à fait disposés à discuter avec les citoyens afin de faire remonter nos difficultés et nos propositions. Lors des dernières élections législatives, un député de la 5 ème circonscription du Puy de Dôme est allé à la rencontre des gens dans les 150 communes. Il a été élu comme une autre députée NUPES. En attendant de les revoir sur leurs circon, on peut tout à fait écouter ces représentants politiques, et ce qui est dit en leur nom sur LCP (la chaine parlementaire). J’ai du mal à comprendre la méfiance des gens dès que l’on parle d’élections et des personnes qui incarnent un projet politique, économique et social, informez vous, allez les voir et après, vous ( L’UCL) pourrez mieux voter ; mais pour changer radicalement, c’est un peu trop tard cette fois.

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