À la Gauthière, 6 jeunes danseurs de hip-hop osent les premiers pas d’un projet de quartier

Vendredi dernier, lors de la fête annuelle du quartier de la Gauthière, 6 jeunes danseurs et leur chorégraphe, Fatima Zarah, ont présenté un spectacle de Hip-Hop au parc de l’Écluse. Âgés de 9 à 14 ans, ces jeunes ont ainsi ouvert le bal d’un vaste projet culturel et social basé sur la danse. Fatima Zahra, danseuse professionnelle nous a ouvert les portes de leurs dernières répétitions.
Un premier atelier qui a conquis les enfants

Vendredi après-midi, dans la salle de danse de l’école maternelle Jean De La Fontaine, le petit groupe répète la chorégraphie de ce soir. À leurs côtés, Fatima, 25 ans, leur chorégraphe les encourage : « Allez, on la refait encore une fois ! Et on n’oublie pas, on garde le groove, on se concentre et on s’amuse ! »
Dans la bonne humeur, les enfants enchaînent les mouvements qu’ils connaissent désormais par cœur. Ce soir, ils présenteront leur spectacle devant les habitants lors de la fête de quartier au parc de l’Écluse.

Shadrelle, Fanta, Ilyes, Housnati, Sitti, Anas et leur chorégraphe Fatima au parc de l’Écluse. Photo L.B

Le petit groupe se rencontre en avril dernier lors d’un premier atelier découverte organisé par le centre social Nelson Mandela avec le festival des Trans’Urbaines. Fatima Zahra, danseuse et chorégraphe professionnelle, anime ces 3 journées autour du Hip-Hop. « Ça a tellement bien matché qu’on a voulu prolonger le stage de 2 jours et préparer une restitution. Ils ont pu présenter leur travail ici au théâtre du centre Nelson Mandela » explique-t-elle.
À l’occasion de la fête de quartier, le petit groupe a voulu se reformer. Après 3 jours de répétitions, une nouvelle chorégraphie est prête pour le spectacle de ce soir.

L’occasion pour eux de nouer des liens  

Avant de découvrir le Hip-Hop, Shadrelle 14 ans, faisait déjà de la gym, de la danse classique, du jazz et de la danse afro. « Je voulais découvrir une autre culture de danse, de nouveaux pas » raconte-t-elle. Fanta, 10 ans, nous raconte qu’elle avait toujours rêvé de faire du Hip Hop. « J’avais peur, car ils étaient tous plus grands que moi, mais Fatima a été gentille, elle m’a intégré. Je suis contente parce que j’ai rencontré de nouvelles personnes. On est devenus vite meilleures copines et j’espère qu’on pourra se revoir ». Sitti aussi a eu quelques appréhensions vite dissipées. « Au début, j’ai eu peur d’être la seule d’une autre couleur et qu’on se moque de moi. Mais il y avait Ilyes mon ami et j’ai rencontré Shadrelle et Fanta qui sont devenues mes meilleures copines. »

Tandis qu’il joue nerveusement avec ses mains, Anas 9 ans, nous confie son stress à l’approche du spectacle de ce soir. Avec son frère Ilyes, 12 ans, ils sont les 2 garçons du groupe. Un binôme touchant qui a su se canaliser au fil des ateliers. « Au début, Ilyes avait l’envie, l’énergie, mais ça partait un peu dans tous les sens » explique Fatima. « Quand son frère est arrivé, je lui ai dit, je compte sur toi pour montrer l’exemple. Vraiment ça a donné quelque chose de super, ils ont bien bossé. Tous, ils m’épatent, vraiment ! »

L’heure du show

Dans les coulisses, les enfants poussent les chaises pour improviser une dernière répétition puis tournent une vidéo TikTok pour évacuer la pression. Dans les toilettes : c’est atelier maquillage pour les filles pendant que les garçons arrangent soigneusement quelques mèches avec de l’eau. Fin prête, la petite troupe fait ensuite son entrée. L’ambiance est festive, entre stands de tirs à l’arc et structures gonflables, le parc est rempli de jeux et de décorations.

Dans les toilettes, les filles peaufinent quelques traits de maquillage discret avant le spectacle. Photo L.B


Derrière les cordes qui délimitent la piste de danse le public s’amasse progressivement. Fatima lance la musique et les enfants se lancent aux premières notes de « This is how we do it » de Montell Jordan. Rien n’est laissé au hasard puisque les paroles décrivent une fête de quartier en été. « Ça parle du fait que chacun est fier des talents de son voisin. Ça parle de la mixité culturelle dans les quartiers » raconte Fatima.

La chorégraphie a aussi son message. « Tout le long, on voit qu’ils se déplacent parfois seuls, qu’ils ont leurs solos. Ça symbolise l’idée de chemins différents, d’individualité. Mais il y a aussi des points de rencontre, des duos, etc. L’idée, c’est de danser pour soi, d’être à l’aise avec son corps, mais de le faire aussi dans le but de mettre à l’aise l’autre, de partager, de se porter mutuellement. On n’est pas à l’école là. J’essaie de casser ce truc de compétition et que chacun se sentent libre de faire ce qu’il veut. »

Un moment apprécié par le public qui applaudit chaleureusement la petite équipe. La musique continue et Fatima invite le premier rang à la rejoindre. Très vite la piste se remplie et une chorégraphie de groupe s’improvise. Nul doute qu’à la rentrée, il y aura des volontaires pour les ateliers de Hip-Hop.


Faire de la danse un moyen d’émancipation

Fatima Zarha fait ses premiers pas de danse à 5 ans au Maroc. Passionnée, elle en fera son métier, non sans difficultés. « J’étais toute petite, je dansais avec des gens beaucoup plus âgés. Pendant longtemps, ça a été la guerre avec mes parents. » confie-t-elle.

Après avoir fait partie de l’équipe nationale de Hip-Hop du Maroc, une formation de danse et des études supérieures dans le domaine, animer ces ateliers est pour elle un moyen de transmettre sa passion, mais pas seulement.

« Je suis là pour faire de la pédagogie et apporter de la bienveillance, mais aussi faire de la médiation culturelle en leur faisant découvrir le monde de la danse, ses techniques, son vocabulaire, etc. J’ai une petite qui m’a dit qu’après le stage d’avril, elle avait fait un exposé sur le Hip-Hop devant sa classe. J‘ai trouvé ça super ! » s’enthousiasme la jeune chorégraphe avant d’ajouter : « Moi, je n’ai pas grandi dans les quartiers, je découvre. Et il y a tellement de stéréotypes que j’aimerais déconstruire. Je suis vraiment fière de leur engagement, de l’entraide qu’il y a entre eux, de la cohésion car le Hip-Hop, c’est aussi un état d’esprit très ouvert et on le ressent vraiment ici. »

Hip Hop au féminin

Alors que Fatima se lance en tant que chorégraphe avec sa propre compagnie, son combat se centre aussi beaucoup sur les femmes. « À travers la culture, on peut amener plein de thématiques politiques et sociales. Le HipHop, c’est un mouvement né dans les années 70 aux États-Unis qui a permis aux jeunes de quartier de dire : oui, j’existe ! Dans le Hip-Hop, il y a cette phrase culte qui dit « I’m somebody », je suis quelqu’un, et je crois que c’est au tour des filles de se l’approprier. Je voudrais vraiment mettre en valeur les femmes du quartier. Je milite beaucoup pour les filles dans le Hip-Hop. À défaut de pouvoir le faire à échelle internationale, on va déjà essayer de porter ça, là, dans le quartier. Et si on y arrive, on aura tout gagné ! »

Alors qu’ils ne se sont vus que quelques jours, à trois mois d’écart, la petite équipe fonctionne déjà comme un vrai Crew de danseurs. Crédit Photo L.B
Un vaste projet culturel et social

Le spectacle de ce soir pose donc la première pierre d’un projet plus vaste. L’objectif, mobiliser des jeunes du quartier pour faire d’autres ateliers.
En novembre prochain, un spectacle mêlant Hip-Hop, musique et chant doit être organisé dans le cadre du festival des Trans’Urbaines. L’intitulé, « Révèle-toi, I’m somebody » en dit déjà beaucoup de la démarche portée par les acteurs du projet. 

Josiane Bardot, la directrice du festival, explique que « l’objectif, c’est d’amener les gens à s’exprimer à travers ce travail de recherche et d’expérimentation. Ça sera ouvert à tous les niveaux et à tous les styles de danse. » Pour ça, une semaine de stage sera organisée en juillet et en août pour les 12-25 ans. Une collaboration entre le centre Nelson Mandela, le festival Trans’Urbaines et la compagnie de Fatima, Fat’Fil.  

Pour tous les autres, des cours réguliers de Hip-Hop auront lieu dès la rentrée, les mercredis, au centre Nelson Mandela. Pour Fatima, au-delà de l’aspect culturel, il y a un véritable enjeu à revenir aux origines de la danse Hip- Hop comme un moyen de s’exprimer librement, de s’émanciper, de créer du lien social.

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