“Tu ne peux pas être une drag queen sans porter de message politique”

Dolline est une femme transgenre ayant fait du drag son art. Elle trouve dans ce milieu, une safe place et le moyen d’exprimer sa réelle personne. Pour elle, être une drag queen lui permet d’inspirer et faire entendre sa voix.

En arrivant dans l’appartement de Dolline, on ne peut qu’être émerveillé : des perruques, des costumes, des pinceaux et des chats ! Dolline est d’ailleurs très heureuse de tous nous montrer, pour notre plus grand plaisir. Alors qu’en réalité “Moi j’ai un petit dressing, d’autres, en ont des bien plus gros”, explique cette dernière.

Mais avant d’être l’histoire d’une drag queen, la vie de Dolline est avant tout l’histoire d’une femme transgenre “J’suis même une vieille trans maintenant ! Ça va faire 10 ans que je m’en suis rendue compte !” Malheureusement, après son coming-out, rien ne change réellement dans ses relations familiales. “Il y a une sorte de déni, on fait comme si ça n’existait pas.” raconte-t-elle. “Même mes sœurs, qui l’avaient accepté, je leur ai demandé de me genrer au masculin devant mes parents. Je n’avais pas envie de revivre un coming-out forcé”.

Malheureusement, cette situation ne lui permettait pas de vivre épanouie.

Dysphorie

Côtoyer sa famille, c’est quotidien pour Dolline, car elle travaille avec eux, et cela, depuis un très jeune âge. Dès 11 ans, elle allait donner des coups de main à sa mère dans l’entreprise familiale.

Tout cela couplé à un environnement de travail ouvrier, qui ne lui permet pas d’exister socialement en tant que femme transgenre. “Je ne suis pas dans la pire tranche du milieu ouvrier, mais quand même ! Je dois porter 300-400 kg de matière au quotidien.”

Pour ces raisons, Dolline ne souhaite pas prendre de traitement hormonal, et ne pas effectuer de “transition physique” (il est important de noter qu’il n’est pas nécessaire de faire de transition pour être “validé” en tant que femme transgenre !)

C’est il y a environ 1 an et demi que Dolline a commencé le maquillage. À la base, ce n’était pas pour chercher une “féminisation” de son visage, mais plutôt pour se transformer en monstre “Je ne cherchais pas encore à être féminine, je cherchais plus à briser le genre” explique-t-elle. 

Mais malgré tout, la dysphorie (sentiment de mal être. Ici, lié à une identité de genre différente de celle attribuée à la naissance) continuait pour Dolline, quelque chose devait changer ! “Judas (grande figure du drag clermontoise) m’a mis sur une chaise et m’a dit “Maintenant ça suffit, tu vas devenir une pouffe !”” Et c’est ici qu’a commencé l’histoire de Dolline, la drag queen.

Une histoire, au départ, difficile “Je prenais 3-4 h pour m’entraîner sur mon makeup, tous les soirs. À la fin, je ne ressemblais à rien, j’effaçais tout, et j’allais me coucher”. Une période extrêmement difficile pour Dolline “Dans la journée, au boulot, je faisais de la dysphorie. Puis le soir, in drag, je faisais encore de la dysphorie sur mon makeup…

Heureusement, le milieu du drag est aussi une safe place.

Les drag-shows comme safe place

Aujourd’hui, et après plus d’une année d’entraînement, Dolline se sent bien mieux lorsqu’elle se maquille. In-drag, Dolline se sent bien plus libre. C’est enfin un milieu où elle peut s’épanouir. “Certaines drag se construisent un personnage, moi c’est le contraire. Quand je suis en drag, je suis vraiment moi. C’est la moi de tous les jours qui n’est qu’un personnage

La découverte des soirées de drag était une réelle libération pour elle, Dolline a trouvé sa place, a trouvé des personnes qui lui ressemblent. “Pour les queer, c’est hyper cool, t’es entouré de pédés et de trans, personne ne te juge. J’ai tellement adoré que ça m’a fait arrêter de jouer à League of Legends, t’imagines ?!” rigole-t-elle.

Pour Dolline, elle doit aussi son bien-être à Judas, sa “drag-mom”. “On a une relation hyper fusionnelle, et en même temps dans le respect. Une drag-mom c’est bien plus qu’un simple mentor, c’est presque une maman quoi.” 

De manière générale, ce respect entre chaque acteur du milieu du drag est extrêmement important pour Dolline. Le milieu drag est même très codifié. Pas pour embêter tout le monde, mais justement pour veiller au bien être de tous. “Tu peux pas arriver en tant que blanche et faire du voguing. À l’origine, c’est une danse inventée par les personnes trans racisées, se l’approprier c’est mal vu. Pareil si t’es une personne cis, tu peux pas arriver et dire que t’es une “femme à bite”, ça se fait pas.”

Un respect mutuel qui ne s’arrête pas au drag queen, mais qui va jusqu’aux personnes de l’ombre. Pour qu’un drag show fonctionne, il faut aussi des perruquiers, corsetiers, régisseurs et techniciens. “Il faut avoir conscience de tout ça et les respecter, sans eux on n’est rien. Je ne demande rien à personne si je ne suis pas capable de le faire.”

Mais tout cela mène aussi à un environnement d’entraide entre toutes ces personnes, qui s’échangent des services. Un environnement alors safe pour les spectateurs, mais aussi les acteurs.

“Le drag, c’est politique”

Pour Dolline, on ne s’autoproclame pas drag queen, on le devient, on nous nomme drag queen. “Il y a faire du drag, et être une drag, c’est pas du tout la même chose”. Selon elle, être une drag queen est une autorité et implique des responsabilités. “On est des symboles, des portes étendards de la communauté queer. Et beaucoup se rallient derrière nous, d’ailleurs”.

Elle prend l’exemple de Judas à Clermont-Ferrand, pour qui chaque action serait importante. “On ne doit pas faire n’importe quoi, car nous représentons la communauté !

Dolline va même plus loin ! Pour elle, il est impossible d’être une drag queen sans porter de messages politiques “On doit montrer qu’on est là. Et quand on est une drag queen, on le voit bien qu’on est là !”Les drag queen sont une représentation extrêmement importante pour la communauté LGBT+, et elles le savent. “Plusieurs fois on est venus me voir en me disant qu’on est la raison pour laquelle ils peuvent se sentir bien dans leur peau, ou même la raison pour laquelle ils sont encore en vie !”

Dolline prend très au sérieux cet enjeu de représentation et espère bien inspirer les petites filles trans “Je suis aussi là pour montrer qu’il n’existe pas qu’un type de femme trans. T’en as certaines qui vont en bâcher d’autres, car elles n’ont “pas assez” transitionné, c’est n’importe quoi ! Moi, je suis là pour dire “Regarde, tu peux être une femme trans non hormonée, ce n’est pas un problème. C’est même normal !

L’ambition ultime de Dolline serait d’ouvrir un cabaret queer à Clermont-Ferrand “Tu pourrais venir te poser, boire un verre. Sur la scène, on aurait plein d’artistes queer. Je veux créer un endroit ou tous les LGBT+ pourrait venir, pour se sentir bien.

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