Les jeunes du « 5 étoiles » délogés

Depuis 2017, plus de 300 jeunes étrangers sont passés par le « 5 étoiles ». Lieu d’occupation autogéré par ses habitants et plusieurs membres d’associations, il a été évacué par les forces de l’ordre sur décision du préfet le 2 août dernier. Les 36 jeunes qui y résidaient ont bénéficié d’une solution d’hébergement temporaire mais pour eux, l’avenir reste flou.

Le « squat » a ouvert ses portes en 2017.  En quelques années, il est devenu beaucoup plus que cela et a vu passer entre ses murs plus de 300 jeunes. Les deux bâtiments qui le composent se trouvent à la Pardieu, à Clermont. Là-bas, près de 40 jeunes sont présents en permanence. L’endroit vit grâce à une gestion collective, à l’ingéniosité et la solidarité des habitants et des associations comme la LDH, RESF mais aussi et surtout, le Collectif Citoyen 63.

Le « 5 étoiles » a toujours été sur la sellette. Dès son occupation, un procès a été intenté. Pourtant, les autorités sont restées plutôt tolérantes durant les dernières années. Une tolérance sans en faire plus, sans viser un quelconque objectif d’intégration ou de régularisation. Temporiser sans trouver de solutions pérennes. Ne pas expulser. Mais pour un moment seulement.

Vitesse supérieure

Le dernier avis d’évacuation datait du mois d’avril. Malgré des négociations entre les associations et les représentants de l’État sur le territoire, la sentence est tombée. L’évacuation a eu lieu le 2 août. Les membres du Collectif Citoyen 63 étaient présents et avaient appelé à une mobilisation le matin même, devant l’entrée du « 5 étoiles. »

La veille, ces derniers briefaient les jeunes pour qu’aucune résistance ne soit faite. En début de matinée, la sortie d’un premier groupe d’une dizaine de jeunes hommes a marqué le début de l’expulsion. 36 jeunes au total. Le « 5 étoiles », squat devenu petit village grâce aux nombreux passants, à sa vie sociale riche et à sa solidarité de toute heure, est réduit à l’état de village fantôme. Les opérations de sécurisation des bâtiments ont démarré dès le dernier jeune dehors.

Diviser pour mieux…compliquer les choses

Tous ces jeunes hommes, parfois très jeunes, ont été poussés à quitter leur pays. Faut-il encore le rappeler ? Faut-il rappeler que dans la grande majorité des cas, cet exil s’est accompagné de situations très difficiles ? L’évacuation du « 5 étoiles » est un stress et une difficulté de plus. « Là-bas, il y avait une organisation pour manger, notamment avec les dons. Mais le fait que les gens soient dispersés, c’est beaucoup plus compliqué. Il y avait plein de gens qui passaient au 5 Étoiles, c’était une solidarité spontanée. », nous explique une militante de RESF. Actuellement, l’enjeu de l’alimentation est très compliqué pour les jeunes délogés.

Mamadi lui, y est arrivé en 2020. Il y a vécu un moment puis en est parti. Mais il n’a jamais quitté le « 5 étoiles » où il était chaque jour pour aider à la préparation des repas et voir ses amis. « Maintenant, on se retrouve dans la rue, à Jaude, on se croise en ville avec les copains. Le lieu était un lieu de rencontre. Ce moment-là, il a été très difficile. Mais avec l’entourage, ça donne la motivation. », confie le jeune homme qui a fêté ses 18 ans il y a quelques mois.

Les jeunes relogés (pour quelques jours seulement)

Dans un communiqué, la préfecture du Puy-de-Dôme indique que les habitants du « 5 étoiles » ont été pris en charge et orientés vers des hébergements d’urgence tels que chambres d’hôtel ou appartements. Ces derniers pourraient y rester jusqu’à évaluation et reconnaissance ou non de leur statut de mineur.

Pour les mineurs, ce sera l’Aide Sociale à l’Enfance. Pour les autres et ceux devenus majeurs après de longs mois d’un exténuant labyrinthe administratif, les choses se compliquent encore. Ces derniers sont sommés d’appeler le 115 qui est déjà saturé. Surtout, leurs demandes ne sont pas prioritaires. Il reste la solidarité ou la rue.

En tous les cas, l’hébergement accordé aux jeunes n’est prévu que pour quelques semaines et ces derniers pourraient revenir à la case départ dès le mois de septembre. « J’étais à la fac au moment de l’accueil il y a quelques années. On nous disait aussi On va reloger tout le monde mais c’était temporaire. », précise la membre de RESF.

Précarisation des précaires

Les jeunes du « 5 étoiles » ont, comme tous les jeunes, des projets. Scolaires ou professionnels. Mais comment les réaliser lorsque on n’a pas de toit, le ventre vide, pas de ressources ni de papiers ? Mercredi dernier, Mamadi rencontre des membres de la LDH dans leurs locaux. « J’ai appris que 5 personnes étaient sorties de l’évaluation pour l’ASE. On leur a dit d’appeler le 115. Certaines sont parties de Clermont. Moi, j’attends un récépissé pour une formation en apprentissage. J’ai trouvé un patron mais j’ai besoin d’un récépissé pour pouvoir travailler. « , indique ce dernier. Le cercle vicieux classique. Tous les jeunes qui poursuivent les mêmes rêves de vie simple que lui ne pourront en tous les cas plus compter sur le « 5 étoiles ».

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1 réflexion sur “Les jeunes du « 5 étoiles » délogés”

  1. Pourquoi désorganiser en fait un lieu d’accueil qui fonctionnait bien et qui était sous la vigilances des associations ?
    Déloger des personnes sans autre ressource que la solidarité citoyenne n’a pas de sens.
    Que cette action soit exécutée par des services de l’état qui doit assurer l’accueil des migrants est déjà le signe d’une inhumanité structurelle et d’un excessif, voire inutile contrôle des populations étrangères qui cherchent un refuge. Je pense que le préfet aime bien et châtie bien son prochain. Cette opération orchestrée par un gouvernement en mal de majorité, est toujours à mesurer à l’aune des futures élections : faire plaisir à une partie de la droite et donner des points à l’extrême droite . Lutter comme Don Quichotte contre une immigration, bienvenue selon certains sondages, est illusoire mais il est bien nécessaire de l’instrumentaliser car elle est un paramètre reconnu, dans l’accès au pouvoir présidentiel.
    Mais ce qui est encore invisible c’est l’accroissement de la pauvreté qui ne fait que s’accélérer dans les pays africains ( dont une grande partie des richesses est toujours captée par des multinationales comme Total). Les profits des uns se font sur le dos des populations autochtones.
    « Alors que les pays à revenu élevé ont alloué en moyenne 847 dollars par habitant à l’ensemble des politiques de protection sociale (aide et assurance sociales), les pays à revenu faible et intermédiaire n’ont dépensé en moyenne que 124 dollars par habitant. Parmi les pays à faible revenu uniquement, le montant de la protection sociale totale par habitant ne dépasse pas 4 dollars. » (news.un.org/fr/story/2021/07/1099552). Comme le disait Daniel Cohen, récemment disparu :  » les pays riches posent un problème existentiel aux autres nations ».
    Il y a bien cet énorme hiatus entre richesse des pays du Nord et celle des pays du Sud et il faudrait ne pas le voir dans le regard de ces immigrés ( à qui l’on dit pourtant de ne pas résister, ce qui est discutable) qui n’ont plus aucun espoir de voir des changements radicaux dans leur pays. L’ exemple de la crise nigérienne vient le rappeler. L’opinion doit être formée à cette histoire des dettes et des rapports entre pays riches et pays pauvres.
    Sinon comme dans La Montagne, le lecteur ignare et stupide énonce en écho à certains élus politiques à droite ; que l’état les renvoie chez eux.
    Non, ils ont vocation à rester là, parmi nous.
    Résidents de la République.

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