La campagne « Stop Amazon » chez les commerçants de Clermont-Ferrand

Depuis le 04 décembre, une vingtaine de commerçants de Clermont-Ferrand et Issoire ont mené une campagne contre le géant de l’e-commerce Amazon. Soutenus par les associations Alternatiba, Attac, Greenpeace, ANV action non-violente COP21 ainsi que Les Amis de la Terre, ils ont affiché des messages contestataires sur leurs vitrines. Cette action continuera jusqu’à la fin de fêtes, afin de sensibiliser le consommateur sur les conséquences de l’e-commerce pour les magasins locaux.

Malgré le fait que le Black-Friday ait été décalé d’une semaine par le gouvernement, passant du 16 novembre au 04 décembre, les associations comme Alternatiba pensent « que le simple fait de décaler cette journée n’aidera en aucun cas les commerces locaux qui sont au bord de la faillite« . C’est pourquoi elles ont décidé de mener une campagne « Stop Amazon », en proposant aux commerçants des affiches contestataires à mettre en vitrine. On retrouve des slogans comme « L’Etat préfère l’expansion d’Amazon à la préservation de mon emploi » ou « 1 emploi chez Amazon = 4.5 emplois détruits » ou encore « Vous préférez acheter à un humain ou à un algorithme ? ». Les associations et commerçants dénoncent notamment le fait que Emmanuel Macron refuse de suivre la proposition suivante de la Convention Citoyenne pour le Climat : instaurer un moratoire sur la création de nouveaux entrepôts de e-commerce. Au contraire, la construction de 20 nouveaux entrepôts a été accordée à Amazon par l’État. Antoine Pesnel, militant à Alternatiba, explique les conséquences de cette faveur envers le géant du e-commerce : « Les conséquences seront dramatiques : plus de 100 000 destructions d’emplois et 2 milliards de produits importés supplémentaires par an. Non seulement ça permettra à Amazon d’obtenir un monopole sur tout un pan de notre vie, comme aux États-Unis, mais ça détruira les commerces de proximité et aura un impact écologique énorme, vu que les produits auront fait le tour du monde.« 

Les associations s’insurgent effectivement contre « l’impact écologique désastreux lié à l’importation de ces millions de produits » et donc contre « les politiques de marketing agressif incitant à consommer toujours plus de produits neufs ». Parmi ces politiques peu écologiques, Alternatiba dénonce le transport des marchandises, la bétonisation à outrance par la création de ces nouveaux entrepôts, la destruction de tonnes de produits invendus. En France, plus de trois millions d’articles ont été jetés en une année. Antoine expose aussi le fait qu’Amazon stocke les données personnelles de ses consommateurs prises sur les navigateurs web, réseaux sociaux et sur leur site. L’entreprise pollue en stockant des données personnelles dans des data centers très énergivores. D’après les associations, « ce stockage des données a généré 55,8 millions de tonnes de gaz à effet de serre en 2018, soit l’équivalent des émissions du Portugal« . Concernant le stockage de données, Amazon a été condamné à payer une amende de 35 millions d’euros par la CNIL (Commission nationale de l’informatique et des libertés), le 07 décembre dernier. La société a été sanctionnée « pour avoir déposé des cookies publicitaires sur les ordinateurs d’utilisateurs à partir du site amazon.fr sans consentement préalable et sans information satisfaisante » selon la commission. L’entreprise a donc volé les données privées de ses utilisateurs. « Mais qu’est-ce que c’est 35 millions d’euros, pour une entreprise qui touche des milliards de bénéfice ? » déplore Antoine, qui sait que cette peine n’en est pas vraiment une pour Jeff Bezos, patron d’Amazon et dont la fortune « juste » personnelle dépasse les 186 milliards de dollars.

Fortune qui s’est notamment construite sur « la concurrence déloyale faite par Amazon aux commerces physiques en fraudant massivement la TVA« , déclare les associations. Sur les vitrines des commerçants clermontois, les slogans « Amazon dissimule 57% de son chiffre d’affaire dans les paradis fiscaux, pas moi ! » ou encore « Sur Amazon.fr, 98% des vendeurs fraudent la TVA » sont affichés. Amazon utilise le fait qu’il se considère comme un simple intermédiaire entre les commerçants étrangers et les consommateurs français. Ces vendeurs étrangers doivent normalement enregistrer un numéro de TVA dans chaque pays de vente. Peu le font et Amazon ferme les yeux pour continuer à les attirer et à stocker leurs marchandises à des prix imbattables. D’après les associations, Amazon a aussi créé des filiales dans différents pays d’Europe. Grâce à elles, l’entreprise facture les services rendus en France mais dans un pays étranger, ce qui lui permet de frauder les impôts français. Selon Alternatiba, en 2017 Amazon aurait payé 8,2 millions d’impôts. Sauf que le géant de l’e-commerce aurait bénéficié de 5,6 millions d’euros au titre du CICE (Crédit d’Impôt pour la Compétitivité et l’Emploi). Cela a des impacts négatifs sur les recettes fiscales de l’État et cette concurrence déloyale pourrait détruire entre 150 000 et 300 000 emplois chez les commerçants locaux.

Chez un des commerçants qui mène cette campagne contre Amazon, Le Petit Hexagone, « on soutient cette action parce que quand on voit qu’Amazon ne paye plus ses impôts, qu’il exploite son personnel, qu’il ne paye pas la TVA, on trouve cela illégitime par rapport aux autres entreprises françaises. » Le commerce à la façade bleue, où tous les produits sont « made in France », veut sensibiliser les consommateurs sur ces questions, leur « faire comprendre que consommer régulièrement Amazon, c’est aussi montrer qu’on cautionne le fait qu’Amazon détruit des emplois au niveau local et tout le reste. » Mais Ludovic, le patron du magasin, explique aussi que « les gens ne sont pas dans cette optique en ce moment, avec la crise sanitaire. Certains nous disent qu’ils essayent de nous faire travailler un peu mais on sait, car on est en relation avec les livreurs, que l’année 2020 est celle où Amazon a fait le plus de livraisons. » Herbula, la boutique d’épices et cosmétiques bio, n’est pas de cet avis. Alors que la gérante, Floriane, s’était intéressée à la campagne avant de refuser d’y participer, celle-ci partage une autre opinion : « Je n’ai pas envie de rajouter une couche négative en cette période difficile. On devrait plutôt montrer et valoriser les alternatives à Amazon plutôt que d’en parler. Sinon, c’est lui faire de la pub. » D’autres commerçants auraient aussi préféré une campagne axée sur toutes les entreprises de e-commerce, pas seulement Amazon, mais aussi Cdiscount par exemple.

Malgré ces divergences d’opinions, tous ces commerçants dénoncent la perte de leur emploi et le soutien des pouvoirs publics au développement sans limite d’Amazon et des plateformes de e-commerce en général. Pour eux, c’est aussi le consommateur qui doit, de lui-même, s’intéresser aux produits qu’il achète et devenir un consom’acteur.

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