Au centre d’hébergement d’urgence des Bungalows, de la peinture pour créer du lien

Nelly est une travailleuse sociale en stage dans un centre d’hébergement d’urgence pour sans-abri. Rémy est coordinateur d’une association qui promeut le réemploi par l’art. Leur rencontre a donné lieu à un projet intégrant les « accueillis » du 43, anciennement les Bungallows, pour mettre un peu de couleur dans leur lieu de vie. Une occasion de fédérer les habitants du lieu et de les sensibiliser au respect du site.

« Donc voilà, ici c’est le 43, pour 43 rue des Chandiots. Avant ça s’appelait les Bungalows », explique Nelly. Ses cheveux orange pétard détonnent dans la grisaille ambiante.
Au centre des préfabriqués, une cour à ciel ouvert, des pots de fleurs déjà colorés de peinture et un barbecue. « Contrairement aux autres centres où il y a des bâtiments avec des couloirs, ici c’est à ciel ouvert. Forcément, on crée vite du lien avec les gens, on les voie dès qu’ils sortent de leur chambre. L’été, on fait même des barbecues ! », décrit-elle. « En général, c’est le 115 qui nous contacte pour que des gens dorment ici. ça peut aller d’un jour à un mois ».

Actif depuis 2008, le centre, tenu par le collectif « pauvreté et précarité », récemment renommé « partage et projets », peut accueillir jusqu’à 50 personnes dans ses préfabriqués.
Elle est en formation de monitrice-éducatrice à l’institut de travail social de la région Auvergne (ITSRA). Habitante du quartier, elle a tout naturellement choisi ce lieu pour son stage, et travaille ici depuis avril dernier. Si son stage se termine bientôt, elle aura posé les graines d’un projet qui continuera probablement après elle. « J’avais un projet de médiation à mener dans le cadre de ma formation », explique-t-elle. Elle a choisi d’amener de l’art au centre d’accueil en le décorant avec ses habitants.

Amener l’art là ou il n’est pas

« Au début, je voulais faire avec eux un mur d’expression dans la ville, puis je me suis dit qu’il fallait mettre de la couleur ici, donc j’ai décidé de faire ça là», explique la jeune femme en rigolant. « On a sondé les accueillis pour qu’ils votent pour les trois couleurs qu’on allait utiliser. En l’occurrence, Bleu, vert et rose. Ça les fédère un peu. Et puis en temps normal ils ont du mal à s’investir sur le site. Là ça les sensibilise au respect du lieu ».

L’entretien est souvent interrompu par le quotidien de son travail : quelqu’un demande à passer un coup de fil ou qu’on lui prête un briquet. L’un des accueillis est malade, il faut appeler le 15, et vérifier si sa couverture maladie est encore à jour Puis, Rémy, coordinateur de l’association recycl’art Auvergne, arrive dans le petit bureau en préfabriqué avec un sac plein de bombes de peintures.
Depuis 2016, son association promeut le réemploi par l’art. En partenariat avec une ressourcerie, il récupère des objets déjà utilisés et les confient à des artistes pour leur donner une seconde vie. Lui et son association ont organisé le Walktrip, une visite du centre de Clermont-Ferrand, entre street-art et œuvres d’artistes exposées en vitrines des magasins.

Un contact commun l’a mis en relation avec Nelly. « On fait beaucoup de médiation dans les maisons de quartier, les CCAS », explique Rémy, plutôt affable. « On voulait continuer de faire de la médiation auprès de publics qui n’ont normalement pas accès à l’art. Puis Nelly m’a contacté. » Rémy, accompagné d’artistes, sont déjà venus trois fois au 43 peindre avec les accueillis sur des pots de fleurs. Après plusieurs reports à cause d’une météo défavorable, les décorations se poursuivront quand le climat le permettront.

Créer du lien à la bombe de peinture

« Ici, les gens ne sont pas toujours là la journée, ils ont souvent des trucs à faire en ville », détaille Nelly. « Du coup on propose à ceux qui sont là de venir peindre, et qui veut vient ».
De l’aveu des deux porteurs du projet, le succès de l’opération tient également d’une autre connaissance commune : Marcel. Ce Camerounais a vécu dans ce centre d’accueil alors qu’il était sans-papiers. Il est désormais bénévole dans l’association Recycl’art, et peint sous le pseudonyme de Eyen art. « C’est un lien précieux, car il connaissait le lieu et les gens », affirment de concert Rémy et Nelly.

Si cette dernière est triste de « quitter cette grande famille », Nelly laissera derrière elle un chantier artistique qui prendra fin au printemps. De quoi remettre un peu de couleurs et de joie au milieu des préfabriqués gris.

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Elian Barascud

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