Ouistreham : La rencontre entre des femmes de ménage et une journaliste

Dans le cadre de ses 70 ans, l'ANEF 63 organisait hier une projection du film Ouistreham, libre inspiration du livre de Florence Aubenas. La journaliste s'est faite passer pour une femme de ménage afin de mieux comprendre la réalité de ces invisibilisées et précarisées du système.

Une soixantaine de spectateurs se sont installés devant l’écran du Rio, cinéma associatif clermontois, lundi 24 avril. Le film d’Emmanuel Carrère sorti en 2021 permet de comprendre la vie de ses femmes aux multiples employeurs, courant après les heures, l’argent et un peu d’humanité.

Des femmes qui jonglent entre leur rôle de mère, d’amante, et de travailleuses que l’on ne sauraient voir.

4 minutes par cabine sur le ferry, 1’30 par lit. Les cadences font mal à la tête. Heureusement, il reste l’amitié. Un peu de solidarité. Des cafés chauds partagés et des parties de bowling.

Pour en parler, Aude Ruyter, comédienne, conseillère pôle emploi dans le film. Elle accompagne la séance et raconte comment elle a surtout aidé au « recrutement » des personnages, qui sont en fait tous des amateurs. La plupart sont femmes de ménage et jouent un peu leur propre rôle.

Karine Plassard, de la mission Egalité hommes/ Femmes à la mairie de Clermont, annonce les chiffres : 70 % des CDD et intérims sont occupés par des femmes. Des femmes qui quotidiennement gèrent 2H30 de plus que les hommes les tâches ménagères. Des femmes qui représentent 80 % des familles monoparentales. Elle rappelle aussi les inégalités salariales. « Dans tous les pays du monde. »

Et puis Carole Niangui raconte son histoire. Venue du Congo pour faire soigner sa fille, tristement malade. Elle récite les nuits dans les hôtels. Et son accompagnement par l’ANEF. « Et désormais, j’apprends même à nager, à mon âge ! »

Le public s’empare du débat. Ce qui questionne finalement en plus de la précarisation des femmes, c’est le rôle du journaliste.

Dans le film, Marianne, romancière ne décline jamais sa véritable identité. Même à celles qui partagent son quotidien et deviennent ses amies. Doit-on mentir pour obtenir une vérité ? Doit-on cacher son rôle de journaliste pour entrer en immersion?

Le public parle de trahison. D’ailleurs, le film se termine par un « Chacun sa place » lorsque les agentes d’entretien repartent au boulot, et que la romancière reste sur le quai.

Invisibilisées, de nombreuses travailleuses le sont : Femmes de ménage, mais aussi toutes celles qui travaillent sur les plateformes téléphoniques. Celles du 115 qui gèrent les hébergements d’urgence, aime à le rappeler une spectatrice.

Le débat se poursuit à l’extérieur, sur le parking du ciné, comme tellement souvent au Rio. On prend des nouvelles des femmes du film grâce à Aude qui est restée en lien. On se questionne sur les maladies professionnelles dont sont victimes ces travailleuses de l’ombre. Et puis, on se sépare. Chacun dans sa voiture. Et on y repense : « Doit-on vraiment rester à sa place ? » Condamnés à une étiquette, un rang social. Et comment dépasser ses frontières toutes aussi invisibles que ces femmes qui viennent travailler après les heures du bureau pour qu’au petit matin, la trace ronde de la tasse de café sur la table ait disparu. Comme par magie.

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