Nous sommes heureux de vous présenter le tout nouveau film produit par “Médiacoop” et “Analogue Production” : “Morabeza, la force du mouvement”. Réalisé par Jérémy Billon et Benjamin Vallet, deux jeunes cinéastes, ce documentaire ambitieux donne la parole aux capverdiens et capverdiennes partis tenter leur chance sur le vieux continent. À quelques jours de l’avant-première, qui aura lieu vendredi 28 juin à 20 heures au cinéma “Le Rio”, nous vous proposons de découvrir l’essence même de ce documentaire traitant d’une thématique plus que jamais d’actualité… Un cri d’espoir pour tous ces jeunes qui ont dû quitter leurs terres avec des rêves plein la tête.
Précisons tout d’abord que cette aventure cinématographique est née d’un voyage que Jérémy et Benjamin, tous deux la vingtaine, ont accompli il y a quelques mois en se rendant ensemble sur le territoire du Cap-Vert. Ils ont découvert, à leur grande surprise, les caractéristiques singulières de cet archipel baignant dans l’Océan Atlantique au large des côtes du Sénégal. Pourtant, nos deux aventuriers en herbe ont constaté, durant leur périple, que l’Histoire de ce pays insulaire est totalement différente de celle du reste de l’Afrique. Pour cause, éloignées du continent africain, les îles du Cap-Vert ont été inhabitées jusqu’à l’arrivée de marins portugais au milieu du XVème siècle. Rapidement, ces derniers importèrent des esclaves depuis la côte Ouest de l’Afrique, faisant de l’archipel la première plaque tournante du commerce triangulaire. Or, l’abolition de l’esclavage en 1869 (au Cap-Vert) allait porter un coup durable sur l’économie capverdienne. C’est à cette époque que débuta une première vague d’émigration vers les États-Unis.
Très vite, Jérémy et Benjamin ont pris conscience du caractère unique de ce pays insulaire, profondément marqué par l’ère coloniale portugaise. Coréalisateur du documentaire “Morabeza, la force du mouvement”, Jérémy se souvient très bien des particularités de ce territoire devenu, au fil des siècles, un lieu quasiment oublié : « Au retour, on s’est questionné sur la culture du Cap-Vert, sur son histoire de métissage et de migration. Pendant des siècles, cet endroit a été un point de passage où se sont côtoyés esclaves noirs et esclavagistes européens. Depuis son indépendance en 1975, cet archipel est quelque peu tombé dans l’oubli collectif. Longtemps, les famines se sont enchaînées. D’ailleurs, nous avons été particulièrement marqués par la sécheresse du territoire. Sans oublier que le Cap-Vert souffre d’un manque cruel d’infrastructures de santé et d’enseignement supérieur. Tous ces éléments conjugués ont logiquement conduit de nombreux capverdiens à quitter leur pays pour les États-Unis ou l’Europe ».
« Un film politique sans faire de politique »
Jérémy signale que l’idée de réaliser un documentaire est venue d’elle-même à leur retour sur le vieux continent. Une prise de recul qui leur a permis de penser attentivement au contenu de leur prochaine bobine. Inspirés par l’expérience du voyage, ces deux jeunes réalisateurs ont décidé, pour leur premier film, de donner la parole à ces capverdiens guidés par l’espoir d’une vie meilleure… Sans pour autant oublier ceux qui sont restés au pays. En effet, nos deux voyageurs ont été frappés par la joie de vivre de ce peuple à la fois accueillant et ouvert à l’autre. De précieuses valeurs que dissimule le terme “Morabeza”, en discordance totale avec l’état d’esprit européen actuel, animé par la peur de l’autre et le repli sur soi.
L’objet cinématographique que nous offrent Jérémy et Benjamin est en fait un dialogue avec les capverdiens demeurant au pays mais aussi avec ceux qui ont emprunté la voie du départ. Car, si le Cap-Vert est l’un des plus petits pays d’Afrique, c’est aussi l’un de ceux dont la population migre le plus. « Aujourd’hui, l’économie de leur pays est principalement centrée sur la pêche et l’agriculture vivrière ». Dans ces conditions, l’opportunité de trouver un emploi est considérablement faible. Nombreux sont ceux qui choisissent de quitter leur pays. « L’idée principale était de donner un autre regard sur l’immigration en donnant la parole à ces capverdiens de l’ailleurs. Aujourd’hui, les médias dominants ainsi que les hommes politiques présentent les migrants comme une menace. Les gens ont peur de l’autre, de l’étranger et finissent par voter pour qui l’on sait » explique Jérémy en insistant bien sur le fait que ce documentaire est « un film politique sans faire de politique ».
« Le but est de leur montrer qu’il leur est possible de prendre la parole »
Sans compromis, Jérémy et Benjamin ont fait le choix de promener leur caméra aussi bien dans la banlieue de Lisbonne que dans les milieux d’affaires du Cap-Vert. Car, si le film s’ouvre sur ce petit pays d’Afrique d’une superficie totale de 4033 km2, il s’attache par la suite à mettre en lumière le parcours de ceux et celles ayant pris le parti de quitter leurs terres. Aussi, nos deux cinéastes invite le spectateur à voyager au gré des rencontres à travers l’Europe, en allant de Lisbonne jusqu’à Rotterdam, sans omettre Paris. « L’idée était de laisser le plus possible la place à la parole de ces capverdiens qui ont décidé de partir. Le but était de bien saisir ce qu’un départ peut représenter ; ce que ça fait de délaisser sa famille ; ce qui a changé en eux depuis le jour qu’ils ont quitté leur territoire ; quels étaient leurs espoirs en venant sur le vieux continent ; etc. ». Le film a le mérite de donner la parole à ces hommes et ces femmes qui continuent à être impersonnellement qualifiés de “migrants” par les médias et les politiques. Particulièrement fier du résultat final, Jérémy précise leur motivation initiale : « Nous avions la volonté avec Ben de nous éloigner d’un discours trop pessimiste. Nous voulions faire un film de rencontre entre ces capverdiens et les spectateurs. Alors, ce qu’il nous fallait, c’est inscrire notre démarche dans un climat de joie et de partage pour raconter leur histoire ».
Finalement, “Morabeza, la force du mouvement” est une « invitation à découvrir une culture différente pour rétablir le contact avec l’autre et changer le regard que nous portons sur le monde qui nous entoure ». Comme une évidence, ce film a vocation à devenir un outil de sensibilisation à l’adresse des migrants venus de divers horizons. Il sera gratuitement utilisable par les associations qui se battent au quotidien en faveur de la cause migratoire. « Le but est de leur montrer qu’il leur est possible de prendre la parole ». Dès lors, ces derniers pourront facilement s’identifier à ces “capverdiens de l’ailleurs” dont l’expérience est similaire à la leur à bien des égards. Une manière de donner des éléments de réponses à de jeunes étrangers qui, dès leur arrivée en “terre inconnue”, doivent faire face à une perte de repères inévitable.
➡️ Avant-première, vendredi 28 juin à 20 heures au cinéma “Le Rio”, suivie d’un débat en la pésence des deux réalisateurs et de Médiacoop…
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